samedi, juin 18, 2022

« Kant et la petite robe rouge » de Lamia Berrada-Berca (France-Maroc)

Il y a des livres qui semblent avoir été semés sur notre chemin au gré de nos rencontres… Ce petit livre de Lamia Berrada-Berca est de ceux-là pour moi… Entre Anne Bourrel qui m'a soufflé son nom pour un projet que nous avons et Christine Parant qui m'a contactée pour m'associer à la recherche d'un éditeur anglophone pour l'un des titres de Lamia qu'elle aimerait ardemment voir publié en anglais, ce petit livre-là est arrivé avant-hier dans mes mains à l'occasion d'une balade dans les rayons de la librairie Sauramps. Non seulement ils l'avaient en rayon mais ils l'avaient même mis en avant sur la table « philosophie » !
Bref ! Tout petit format de l'éditeur La Cheminante, ce livre est comme un quatre-heures que l'on dévore sans même s'en rendre compte ! 100 pages tout rond pour 103 micro-chapitres et puis 40 pages d'« Extraits d’œuvres littéraires évoquant l'émancipation, l'égalité, la liberté des femmes ».

lundi, juin 13, 2022

"555" de Hélène Gestern (France)

 


C’est un thriller musical.

L’histoire débute lorsque Grégoire, restaurateur d’objets anciens déniche, dans la doublure d’un étui de violoncelle qu’il doit réparer, une partition manuscrite et ancienne de quatre pages. Giancarlo, son associé luthier, qui doit s’occuper de ce beau « Villaume de 1857 » n’en revient pas lorsque son ami Grégoire lui montre la partition.

C’est une sonate pour clavecin

Grégoire a une idée : montrer cette partition à une célèbre claveciniste qu’il connait, Manig Terzian - une artiste qui fait référence dans le monde du clavecin. Celle-ci accepte de le recevoir, malgré son emploi du temps très chargé entre une master class à Paris et un concert à Berlin. Elle accepte même de regarder la partition, de la déchiffrer et rend son verdict :

« - Ca ressemble à une sonate de Scarlatti, non ? »

Commence alors une enquête qui va durer sur plus de 350 pages. Car si c’est une vraie sonate de Scarlatti, alors c’est un véritable évènement …

En effet il existe aujourd’hui 555 sonates répertoriées du grand compositeur baroque madrilène, Domenico Scarlatti, d'une originalité exceptionnelle et pour la plupart inédites de son vivant. Une 556ème sonate a-t-elle été découverte par hasard par Grégoire et Giancarlo ? C’est ce qu’ils vont tenter de découvrir.

Mais les deux artisans ne sont pas seuls dans la course à la vérité – car si c’est bien une partition originale, celle-ci peut valoir une petite fortune à ceux qui la découvriraient - : il y a Rodolphe Luzin Farge, celui qui se fait passer pour l’expert de Scarlatti, Joris De Jongle, un veuf richissime qui a ses raisons lui aussi de vouloir mettre la main sur la partition et d’étranges loufiats qui semblent en vouloir beaucoup à Giancarlo …

lundi, juin 06, 2022

"La plus secrète mémoire des hommes", de Mohamed Mbougar Sarr (Sénégal)

 

C’est l’histoire de Diégane, un jeune écrivain sénégalais qui se trouve à Paris et va tomber un peu par hasard sur un roman qui le fascine depuis longtemps, intitulé Le labyrinthe de l’inhumain, écrit et publié en 1938 par T.C. Elimane, lui-même sénégalais, mais qui fut ensuite accusé de plagiat. L’auteur s’est inspiré de l’histoire vraie de Yambo Ouologuem, un auteur malien qui obtint le prix Renaudot en 1968 pour son premier roman Le Devoir de violence puis fut accusé de plagiat.

TC Elimane ayant disparu, Diégane va décider de partir sur ses traces pour tenter de savoir ce qu’il est devenu, qui il était et dans quel cadre il a écrit ce roman tant critiqué. Et cette quête va l’amener à voyager en Europe, au Sénégal et en Argentine, afin de rencontrer des personnes qui ont connu TC Elimane.

Le livre s’ouvre sur une citation du grand écrivain chilien Roberto Bolaño, d’où est tiré le titre du roman :

« Un temps la Critique accompagne l’œuvre, ensuite la Critique s’évanouit et ce sont les Lecteurs qui l’accompagnent. Le voyage peut être long ou court. Ensuite les Lecteurs meurent un par un et l’Oeuvre poursuit sa route seule, même si une autre Critique et d’autres Lecteurs peu à peu s’adaptent à l’allure de son cinglage. Ensuite la Critique meurt encore une fois et les Lecteurs meurent encore une fois et sur cette piste d’ossements l’Oeuvre poursuit son voyage vers la solitude. S’approcher d’elle, naviguer dans son sillage est signe indiscutable de mort certaine, mais une autre Critique et d’autres Lecteurs s’en approchent, infatigables et implacables et le temps et la vitesse les dévorent. Finalement, l’Oeuvre voyage irrémédiablement seule dans l’Immensité. Et un jour l’Oeuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s’éteindra, et la Terre, et le Système solaire et la Galaxie et la plus secrète mémoire des hommes. »

Roberto Bolaño, Les détectives sauvages

Il est donc permis de penser que l’auteur s’est inspiré de Roberto Bolaño, et il est vrai que nous retrouvons ici, comme dans Les Détectives sauvages, un groupe d’artistes bohèmes et une enquête menée autour de l’un des personnages… et l’on pensera aussi à 2666 (dont je vous parlais ici-même début 2014), où quatre chercheurs partent à la recherche d’un écrivain mythique. Nous retrouvons chez Mohamed Mbougar Sarr comme chez Roberto Bolaño cette impression de foisonnement ainsi que des thèmes comme la place de l’écrivain, l’errance, les désordres de l’Histoire…