Le très regretté Charles Dobzynski dans son Anthologie de la poésie yiddish, Le Miroir d’un peuple en Poésie Gallimard, avait déjà traduit et présenté la poésie de Avrom Sutzkever et de cette somme poétique jaillissait l’œuvre éblouissante de Sutzkever.
Heures rapiécées : poèmes en vers et en prose sont de la vie sauvée de la destruction, de la terreur.
Ces heures rapiécées sont la trace discrète et miraculeuse d’existences aimantes, chéries qui perlent chaque matin telle une inouïe rosée défiant l’horreur mais cette rosée est-elle de sang ou d’eau ?
Vies sauvées par les égouts avec une foi en la poésie acte de survie impliquant tout son être, Avrom Sutzkever et sa poésie, miraculés, à nous désormais de brandir sa flamme et veiller à ce qu’elle ne s’éteigne jamais.
François Szabó
Heures rapiécées,
de Avrom Sutzkever, Poèmes en vers et en prose, traduits du Yiddish et
préfacé par Rachel Ertel, Editions de l’éclat, 2021, 530 p
nocturne
source jaillie du cœur de la terre
ma vie s’élance vers la lumière.
dans les profondeurs de mon moi
rugit le cri d’un lion – la douleur
de sa plaie
j’inscris de mon sang
sur les tables de la nuit, couché
sur une meule de foin
toute ma solitude.
je vois au-dessus de ma tête
monter telle une harpe
la demi-lune
et quelqu’un en jouer
de ses doigts ensanglantés.