L'auteure,
Malika Mokeddem, est algérienne, née le 5 octobre 1949 à
Kenadsa.
Elle est
médecin, spécialiste en néphrologie, mais elle n'exerce plus
depuis 1985 et se consacre à l'écriture.
Elle vit à
Montpellier depuis 1979.
Elle a obtenu
le Prix Littré, en 1991, pour Les hommes qui marchent (qui a
été traduit en espagnol). Dans ses livres, transparaît son combat
pour les femmes opprimées.
La désirante (livre publié en 2011 chez Grasset):
Le
compagnon de la narratrice a disparu en mer. Seul son bateau, nommé
Vent de sable, a été retrouvé à la dérive au large du
golfe de Squillace (tout au sud de la botte italienne). Elle
s'accroche à l'espoir qu'il n'est pas mort mais qu'il a dû être
enlevé, même s'il n'y a eu aucune demande de rançon. Et elle va
partir à sa recherche, depuis Montpellier où elle vit.
Voici
un passage qui rend compte des sentiments très forts qui lient cette
femme à son compagnon et de sa détermination sans faille à le
retrouver :
« Je prends le large et je te parle. Je te parle parce qu'à
mon tour, je dois te convaincre que tu ne peux pas disparaître en
Méditerranée sans que je sois capable de te retrouver. Je te parle
parce que ton absence m'enchaîne à ce bateau plus solidement
qu'aucun harnais. Je te parle parce que pour la première fois le
manque a un corps, le tien. Je te parle pour que la mer te rende à
moi. Je te parle parce que je te veux vivant. Je te parle de Vent
de sable, ce grand vent qui de nouveau m'emporte. Avec ma propre
détermination cette fois. »
La
mer est évidemment très présente dans le récit, car la narratrice
et son compagnon aiment naviguer. On y trouve de nombreuses
descriptions de la vie des marins, par exemple :
« Le vent, les vagues n'attendent pas. Redoublant de vigilance surtout par des mers de grande circulation comme celle-ci, les marins sont les plus souvent rivés entre cockpit et pont. Ils se nourrissent à la hâte. Leurs vaisselles débordent de l'évier. Ce n'est qu'à bon port qu'ils se soucient de ranger, de laver. Harassés mais comblés, ils se prêtent alors à ce rituel de l'arrivée avec une lenteur enfin déconnectée : remettre le bateau en ordre, le dessaler, se dessaouler eux-mêmes de l'ivresse de la traversée et domestiquer le mal de terre. »
« Le vent, les vagues n'attendent pas. Redoublant de vigilance surtout par des mers de grande circulation comme celle-ci, les marins sont les plus souvent rivés entre cockpit et pont. Ils se nourrissent à la hâte. Leurs vaisselles débordent de l'évier. Ce n'est qu'à bon port qu'ils se soucient de ranger, de laver. Harassés mais comblés, ils se prêtent alors à ce rituel de l'arrivée avec une lenteur enfin déconnectée : remettre le bateau en ordre, le dessaler, se dessaouler eux-mêmes de l'ivresse de la traversée et domestiquer le mal de terre. »
C'est
aussi le récit d'une enquête bien sûr, l'enquête que cette femme
va mener pour essayer de comprendre comment son compagnon a pu
disparaître. Elle en a l'expérience puisqu'elle a été
journaliste.
La
narratrice a un lien très physique avec la nature. Elle aime le
sable qui lui rappelle celui du désert de son enfance, en Algérie.
Elle se ressource au bord de la mer, sur la plage du Grand Travers :
« Le monde avait changé de siècle mais la mer était toujours
la même. Ce jour de mai 2000, j'étais encore à la regarder. Juste
de l'autre côté. Comme je le faisais là-bas. La terreur en moins.
J'avais arpenté la plage du Grand Travers une partie de ce samedi
après-midi. Elle n'a rien de particulier, si ce n'est qu'elle n'est
pas bétonnée. Que j'en aime le nom, Grand Travers. Je me sentais
tellement délabrée. J'avais tellement besoin de toucher le sable,
de l'éprouver. Je m'y étais jetée, enfoncée, comme à mon
habitude. Et comme d'habitude, son contact m'avait restituée à
moi-même. »
Elle
n'avait pas de famille, pas de maison, plus de pays puisqu'elle a
quitté l'Algérie. Son compagnon est toute sa vie.
Elle
évoque également la guerre civile en Algérie, qu'elle a fuie, puis
l'exil.
Et son amour des livres qu'elle a dû laisser derrière elle en
partant :
« Mon dernier regard fut pour les livres qui tapissaient tous
mes murs. C'était là l'image du désastre des exils dans
l'urgence : fuir comme une voleuse en abandonnant des textes qui
m'avaient nourrie, portée, aidée à résister sans savoir si je
pourrais, un jour, les récupérer. J'avais refermé ma porte sur le
chagrin de cet abandon. »
On
voit bien ici que Malika Mokeddem aime la langue française et les mots.
Elle nous offre un très beau portrait d'une femme libre, forte et
sensible.
C'est
un récit très agréable à lire, même s'il y a parfois quelques
longueurs. C'est une écriture très poétique qui fait la force du
roman.
Rachel Mihault
Rachel Mihault
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