Notre soirée Poésie s'est poursuivie en compagnie du poète-écrivain...
(Pour le début de cette soirée, voir là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #1)
Alors,
qui est plus précisément Darío Jaramillo Agudelo ?
Dans
son essai “Historia de una pasión”, Darío Jaramillo Agudelo
annonce la couleur : “Lo que a mí me gusta es escribir” “Ce
qui me plaît, c'est écrire : cette cérémonie privée de mes
heures nocturnes, entre le Nescafé et les Pielroja, en silence ou en
musique(...), c'est ce travail si absorbant et si plein d'humilité
qui depuis des années, par habitude, m'occupe de neuf heures du soir
et une heure du matin, ces heures que je passe à gribouiller sur des
cahiers mes poèmes et mes lettres, mes compte-rendus et mes récits.
Ce métier auquel est liée une euphorie spéciale, si spéciale
qu'elle se situe à la fois dans le cœur, dans la tête et dans
l'estomac, ce métier solitaire se suffit à lui même parce qu'il
porte en lui le plaisir qu'il procure. Le plaisir de l'image, de
l'histoire qui naît en toi et qui prend possession de ta main pour
se transformer en mots. Même le plaisir de corriger les textes. Je
corrige en raturant les cahiers de sténo que j'utilise pour écrire,
et j'intercale des phrases au dos de chaque page que j'ai exprès
laissé en blanc au départ. Je dactylographie moi-même une partie
de ces manuscrits, en raturant et en intercalant encore de nouvelles
corrections.
Publier c'est autre chose. Un acte public. Il serait ingénu de ne pas
reconnaître que, d'une certaine façon, publier influe sur l'acte
même d'écrire, d'abord en nous rendant plus rigoureux, plus
discipliné, plus exigeant avec l'écriture. J'essaie depuis toujours
d'être sélectif avec mes poèmes, avec une proportion de un pour
dix, voire moins encore, entre ce que j'écris et ce que je publie,
et je fais en sorte qu'entre une chose et l'autre il y ait au moins
un an d'intervalle, de façon à ce que je puisse faire la dernière
correction en lisant le texte comme s'il avait été écrit par
quelqu'un d'autre. »
=>
Pour en savoir un peu plus sur sa biographie, vous pouvez vous
reporter à cet article : Darío Jaramillo Agudelo, un talent colombien méconnu en France !
Il
raconte par ailleurs que les premières lectures qui l'ont
durablement marqué ont été TS. Eliot, Malcom Lowry, Tomás Eloy
Martínez et Augusto Monterroso. Puis aussi un peu plus tard, hormis
l'incontournable Borges, il y a eu Nicanor Parra, un chilien, presque
centenaire aujourd'hui qui a reçu le Prix Cervantez en 2011, qui se
définit comme anti-poète et dont l'œuvre
la plus connue est Poemas
y Antipoemas (qui
n'est toujours pas traduit en français), où il substitue un langage
direct et quotidien à la syntaxe soignée et métaphorique qui
caractérise d'habitude la poésie dans l'imaginaire commun.
Et enfin, Macedonio Fernández (traduit en français par
Supervielle), un argentin ami de Borges, qui lui aussi a placé
l'expression simple et directe au cœur de son œuvre.
A propos de
la foisonnante vie artistique de la Colombie, il dit :
« l'effervescence créative est quasiment une forme de défense
face à une situation difficile. » Et lui même a été
personnellement touché par la violence qui frappe depuis de nombreuses années la Colombie
puisque le dernier dimanche du mois de février 1989, il s'est trouvé proche d'une bombe qui a explosé et qui lui a volé,
dit-il, le talon d'Achille de son pied droit.
(...) « J'ai donc, comme n'importe quel moribond, déjà un
pied dans la tombe. » explique-t-il avec humour...
Parmi
les auteurs français, Jean Cocteau occupe une place particulière.
Dans Historia de una pasion, il explique que Cocteau disait :
« Le poète est aux ordres de ses nuits ». Depuis cette
époque, il m'arrive des trucs avec Cocteau : souvent je me
rends compte qu'il a déjà exprimé avec talent une chose que je
pense depuis toujours ; par exemple « Je sais que la
poésie est indispensable, mais j'ignore pourquoi ». Ou par
exemple : « Le poète est un menteur qui dit toujours la
vérité ». Ou encore quand il dit « Un vrai poète se
préoccupe peu de la poésie. Tout comme le jardinier ne parfume pas
ses roses ».
De
son écriture, il dit : « Je parle de ce que je connais,
mais pas avec l'intention d'expliquer parce que moi même je n'y
comprends rien. » L'écriture de
Jaramillo se caractérise par un ton qui est le plus près possible
du langage parlé au quotidien, la fluidité est son maître-mot et
selon Fernando Charry Lara, "il est de ces poètes qui préfèrent
écrire avec leurs propres mots, avec ceux de leur entourage, plutôt qu'avec ceux qui ont déjà été écrits auparavant. ».
D'ailleurs,
à propos de la traduction, c'est aussi ce qui le guide, ce qu'il
recherche. A la question « Comment reconnaît-on une bonne
traduction ? », il répond - précieuses indications pour
la traductrice que je suis ! - que la première chose qu'il
demande c'est qu'elle soit écrite en bon espagnol, qu'elle soit
fluide dans la langue dans laquelle il lit. Les poèmes rimés dans
la langue d'origine, il préfère les lire sans rime dans la
traduction en espagnol. Pour lui, l'idéal c'est que l'on puisse lire
en espagnol des auteurs écrivant dans d'autres langues, et que l'on
puisse les découvrir sans que la présence de l'intermédiaire
« traducteur » ne se remarque...
Voilà, il y aurait sans doute encore beaucoup à dire, mais il y a en fait surtout beaucoup à lire ! Poèmes, romans et même essais, Jaramillo a gâté le lecteur !
Avant
de passer à la deuxième partie de notre soirée dans un article
suivant - nous y parlerons de des échanges qui ont eu lieu avec nos invités poètes languedociens, François Szabó, Michel Arbatz et Christian Malaplate -, nous vous proposons un petit intermède vidéo pour mieux faire
connaissance avec Darío Jaramillo Agudelo et sa poésie !
Darío Jaramillo Agudelo au Festival Internacional de Poesía de Medellín, 2010...
La suite du récit de cette soirée ici :
La suite du récit de cette soirée ici :