Qu'est-ce
qu'être auteur ? Qu'est-ce qu'être lecteur ?
Comment
auteur et lecteur se rencontrent-ils ?
François
Bégaudeau est l'auteur de huit fictions. La plus connue est Entre
les murs (prix France Culture-Télérama 2006, adapté au cinéma
par Laurent Cantet). La dernière s'intitule La politesse.
Le
narrateur y relate de l'intérieur, de façon désabusée, la vie
d'auteur : mal payé, pas vraiment lu et
sans cesse contraint d'être en représentation, cherchant les meilleures stratégies pour essayer de doper les ventes de ses livres.
sans cesse contraint d'être en représentation, cherchant les meilleures stratégies pour essayer de doper les ventes de ses livres.
« La
ruse c'est d'envoyer une partie du service de presse aux bloggeurs
littéraires. Ils sont tellement flattés qu'ils font toujours une
critique positive. »
Ou
observant avec acuité les participants à un salon du livre :
« Des
queues s'allongent devant les auteurs à succès. Celle de Michel
Drucker et plus longue que celle de Jean Teulé. Les organisateurs du
Salon songent à rapatrier la manifestation au Grand Palais, la
location du Parc est chaque année plus chère et l'affluence en
baisse. Déjà on a soustrait deux jours. Bientôt les livres seront
fabriqués en peau de chagrin, dit un poète en clôture du débat Du
parchemin à Facebook : le sens de l'Histoire ?
Heureusement le square culinaire attire du peuple. On peut y
découvrir l'application Pâtisserie pour iPad. Ca sent encore un peu
la vache. Quelque part dans cette halle le candidat Hollande déjeune
avec des écrivains. Dès le hors-d'oeuvre on a examiné la
possibilité d'un personnage sans psyché. François a toujours pensé
que le Nouveau Roman était éminemment psychologique. Aurélie
renchérit avec la notion de sous-conversation chère à Nathalie
Sarraute. Elle ferait une bonne ministre de la Culture. Les trois
premiers ministères de la Culture ont été initiés par Mussolini,
Hitler et Staline. Une étudiante demande que son copain nous prenne
en photo. Nous tâchons de sourire. Diderot demande si la politesse
n'est pas l'art de se passer des vertus qu'elle imite. M'ayant
chaudement remercié elle sort un manuscrit de son chapeau. »
Bref
nous sommes face à une véritable critique de l'industrie littéraire
contemporaine...
Et
c'est marrant, parallèlement j'ai lu Régine Detambel qui, dans Les
livres prennent soin de nous, explique ce qu'est le goût de la
lecture :
« Chaque
sursaut de la lecture fait tressaillir et boire ce qui était
immobile et sec, dans la tête et dans l'existence. Les silences
engloutissant de la vie, ces blancs, ces ignorances, ces
dessiccations, les voilà interrompus et pour longtemps désamorcés
par un temps de présence aux autres qui vaut un long signal de
remémoration, de régénération. L'amour, l'admiration, la colère,
l'humour, le respect, la sincérité, la curiosité, même et surtout
le jeu, reviennent enfin héler l'intime.
Nous
n'avions donc pas perdu le monde, disent certains avec des soupirs de
soulagés. »
Ce
livre-ci mérite largement d'être traduit car il donne tout
simplement envie de lire, encore et toujours, loin des préoccupations
mercantiles.
Rachel
Mihault
La
politesse, François Bégaudeau, éd. Gallimard, 2015
Les
livres prennent soin de nous, Régine Detambel, ActesSud, 2015
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