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dimanche, juin 28, 2015

Auteur et lecteur

Qu'est-ce qu'être auteur ? Qu'est-ce qu'être lecteur ?
Comment auteur et lecteur se rencontrent-ils ?

François Bégaudeau est l'auteur de huit fictions. La plus connue est Entre les murs (prix France Culture-Télérama 2006, adapté au cinéma par Laurent Cantet). La dernière s'intitule La politesse.



Le narrateur y relate de l'intérieur, de façon désabusée, la vie d'auteur : mal payé, pas vraiment lu et
sans cesse contraint d'être en représentation, cherchant les meilleures stratégies pour essayer de doper les ventes de ses livres.

« La ruse c'est d'envoyer une partie du service de presse aux bloggeurs littéraires. Ils sont tellement flattés qu'ils font toujours une critique positive. »

Ou observant avec acuité les participants à un salon du livre :

« Des queues s'allongent devant les auteurs à succès. Celle de Michel Drucker et plus longue que celle de Jean Teulé. Les organisateurs du Salon songent à rapatrier la manifestation au Grand Palais, la location du Parc est chaque année plus chère et l'affluence en baisse. Déjà on a soustrait deux jours. Bientôt les livres seront fabriqués en peau de chagrin, dit un poète en clôture du débat Du parchemin à Facebook : le sens de l'Histoire ? Heureusement le square culinaire attire du peuple. On peut y découvrir l'application Pâtisserie pour iPad. Ca sent encore un peu la vache. Quelque part dans cette halle le candidat Hollande déjeune avec des écrivains. Dès le hors-d'oeuvre on a examiné la possibilité d'un personnage sans psyché. François a toujours pensé que le Nouveau Roman était éminemment psychologique. Aurélie renchérit avec la notion de sous-conversation chère à Nathalie Sarraute. Elle ferait une bonne ministre de la Culture. Les trois premiers ministères de la Culture ont été initiés par Mussolini, Hitler et Staline. Une étudiante demande que son copain nous prenne en photo. Nous tâchons de sourire. Diderot demande si la politesse n'est pas l'art de se passer des vertus qu'elle imite. M'ayant chaudement remercié elle sort un manuscrit de son chapeau. »

Bref nous sommes face à une véritable critique de l'industrie littéraire contemporaine...

Et c'est marrant, parallèlement j'ai lu Régine Detambel qui, dans Les livres prennent soin de nous, explique ce qu'est le goût de la lecture :

« Chaque sursaut de la lecture fait tressaillir et boire ce qui était immobile et sec, dans la tête et dans l'existence. Les silences engloutissant de la vie, ces blancs, ces ignorances, ces dessiccations, les voilà interrompus et pour longtemps désamorcés par un temps de présence aux autres qui vaut un long signal de remémoration, de régénération. L'amour, l'admiration, la colère, l'humour, le respect, la sincérité, la curiosité, même et surtout le jeu, reviennent enfin héler l'intime.
Nous n'avions donc pas perdu le monde, disent certains avec des soupirs de soulagés. »


Ce livre-ci mérite largement d'être traduit car il donne tout simplement envie de lire, encore et toujours, loin des préoccupations mercantiles.

Rachel Mihault

La politesse, François Bégaudeau, éd. Gallimard, 2015
Les livres prennent soin de nous, Régine Detambel, ActesSud, 2015

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