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samedi, mars 06, 2021

"Notes du ravin", de Philippe Jacottet (France)

 


La disparition récente du grand poète Philippe Jaccottet, et le démarrage de l’évènement « le Printemps des poètes » édition 2021 : deux bonnes raisons de parler de « Notes du ravin » de ce poète paru aux éditions Fata Morgana.

Dans ce cours opuscule, Philippe Jaccottet décrit les paysages de la Drôme qu’il habite et les pensées qu’elles suscitent en lui.

Il parle de l’absence, de ce vieillard qui a perdu « son compagnon de toute une vie », frappé par le cancer, et ce drame lui fait naître des mots qui touchent :

« Toute la misère humaine, quand on la touche du doigt, c’est comme une bête qui inspire une répulsion qu’il faut que le cœur endure et surmonte, s’il le peut. »

 

Dans ce poème en prose, on regarde avec lui le paysage qui l’entoure : le Mont Ventoux avec sa « couronne de pétales de rose », une buse monter « en lentes spirales dans la lumière dure de l’avant-printemps », la pluie, aussi, « froide comme du fer » ou des violettes au ras du sol : « ce n’était que cela », « rien de plus », « une sorte d’aumône, mais sans condescendance, une sorte d’offrande, mais hors rituel et sans pathétique ».

 On entend aussi le rossignol « sorti dans la brume d’avant le jour », on voit un engoulevent « dans le gris du matin, plus proche qu’il ne l’a jamais été de la maison, comme si ne pouvait plus l’effrayer quelqu’un d’aussi proche des ombres » ou encore un martin-pêcheur aperçu parmi les saules.

 

On entend aussi des mots susurrés pendant un rêve et le poète s’interroge sur ces mots « rien n’est prêt » : mais « quoi préparer » ?

« Jusqu’au bout, dénouer, même avec des mains nouées. »

Le poète cite aussi d’autres poètes et auteurs : Ramuz, l’écrivain suisse romand, Angelus Silesius traduit par Roger Munier, Emily Dickinson, Claudel, Hölderlin, Saint Jean de la Croix, Virgile, Piero Bigongiari, ou encore Max Jacob.

Pourtant, en fin de recueil, dans la partie « Après coup », le poète s’interroge : « Aucun progrès, pas le plus petit pas en avant, plutôt quelques reculs, et rien que des redites ».

Le poète doute, doute de ses mots, doute de pouvoir dire ce qu’il a touché du doigt.

Et pourtant son dernier vers, entre parenthèses, est un hommage à la poésie : « Quelqu’un écrit encore pourtant sur les nuages »

 

Faut-il entendre la formule « Avant l’embarquement pour la nuit » au sens métaphorique ?

Il se trouve que j’ai eu la chance d’interviewer Philippe Jaccottet à Grignan.

Jeune femme passionnée de littérature et de poésie, je m’étais présentée toute tremblante chez lui, et il avait su m’accueillir et me rassurer, tout en me parlant des grandes traductions qu’il a faites.

Un grand souvenir pour moi et beaucoup d’émotion.

Alors, un seul vers pour terminer :

« Le rire d’un enfant, comme une grappe de groseilles rouges ».

Florence Balestas

Notes du ravin, de Philippe JACCOTTET, éd. Fata Morgana, 2001

 

Extraits :

« En passant devant l'une dernières fermes restées des fermes, ici tout près : le petit verger à l'abandon, les murs délabrés en bordure du chemin, le grand noyer au-dessus de la Chalerne - pourquoi tout cela me semble-t-il si "vrai", c'est-à-dire ni aménagé, ni orné, ni truqué ? Ces pierres usées, tachées, prêtes à retourner au sol d'où on les a extraites, ces très vieux arbres cassants, hirsutes, qui ne produiront plus que des fruits acerbes - et l'eau, sans jamais aucun âge. »

 

« Un peu avant huit heures, la couleur orange, enflammée juste au-dessus de l'horizon, du ciel qui s'éclaircit et où, plus haut, luit le mince éperon de la lune. Il ne fait pas très froid.
Cela aide le corps à se démêler du sommeil, et l'esprit à se déplier. »

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