S’il fallait définir d’un mot le style de Joëlle Lafaye, je dirais « fluidité », et c’est un sacré compliment, à l’heure où triomphe parfois ailleurs un certain charabia (syntaxe bancale, coquilles non corrigées, etc.) « Fluidité », cela ne connote nullement la platitude, mais bien plutôt l’élégance, la limpidité ; l’aisance dans les enchaînements des phrases, des scènes, des péripéties, des chapitres ; la maîtrise du style indirect libre. « Bas bruit », le titre, pourrait ainsi se référer à la fois à l’intrigue – l’effondrement progressif d’un personnage dont un secret de famille va saper les racines – et à sa mise en scène : pas de fracas, rien de tonitruant, juste un effritement… et les surprises qui l’accompagnent.
Le héros, Renaud Bradier, est habitué à tout contrôler : son cadre de vie, ses relations, lui-même. « Un pinailleur de première », comme dit le menuisier qu’il a chargé de construire une mezzanine ! Dans sa raideur, il n’est pas particulièrement sympathique. Mais le lecteur va le suivre, de gré ou de force, voire même éprouver pour lui de l’admiration quand cette raideur se transforme en rigueur, appliquée à lui-même.
L’action se déroule dans des environnements inattendus. Un monastère est saisi par l’urgence bureaucratique imposée : il s’agit de réaliser en toute hâte un inventaire exhaustif de ce qu’il contient depuis toujours (métaphore de la démarche personnelle qu’entreprendra Renaud ?). Mission réussie, même si la perte ultime est assurée. Une maison passe aux aveux : sorcellerie, tortures… Une petite ville au passé douloureux se défend de son mieux à coups de slogans incongrus : « Le bonheur, c’est Vichy » ! On repère dans les textes de Joëlle Lafaye des non-dits, des allusions, des ellipses… Ses romans vont à l’essentiel.
Les thèmes qu’elle choisit sont originaux. D’elle, j’avais déjà aimé "Marcher encore", où une personne « du peuple » (Nathalie) s’exprime avec naturel et humour, où les autres héros sont vivement croqués, où les paysages urbains m’ont fait penser à ceux de Giono dans Mort d’un personnage. Joëlle Lafaye est agrégée de lettres classiques. Non, ce n’est pas un péché !
Hélène Honnorat
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à nous faire part de votre avis !