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jeudi, novembre 24, 2016

"La triologĂ­a involuntaria : El lugar", de Mario Levrero (Uruguay)


El Lugar

Un seul roman de Mario Levrero, mais plutĂ´t parmi les mineurs, a Ă©tĂ© publiĂ© en France, c'est “Dejen todo en mis mano” (1996) / “J'en fais mon affaire", 2012 (l'Arbre Vengeur). C'est un texte sympathique mais qui me semble anecdotique par rapport Ă  la puissance de la Trilogie Involontaire et aussi par rapport Ă  la “Novela Luminosa, roman paru de façon posthume en 2004 et qui semble ĂŞtre en projet de traduction chez Noir sur Blanc si l'on en croit la page de l'agent ! J'ai celui-ci en cours de lecture et il joue Ă©normĂ©ment avec le lecteur en prenant des airs de journal intime, c'est plus imposant que les romans de la trilogie (567 pages !), mais tout aussi passionnant...

Bref ! Mario Levrero, un auteur Ă  dĂ©couvrir, je me rĂ©pète... A dĂ©couvrir absolument ! A traduire et diffuser en France !


Nos vies à nous autres, les êtres humains, sont toutes très différentes les unes des autres... Cependant, il y a des constantes. Que l'on soit globe trotter, simple quidam ou aristocrate, nos routines font que nos journées, nos semaines, nos mois et nos années se ressemblent... Mais qu'elles ne sont jamais identiques pour autant... Et quand on s'arrête pour observer, les dernières en cours se trouvent être toujours radicalement différentes des premières... Bien entendu, revenir en arrière est juste impossible...
C'est un peu ce que nous raconte Ă  sa manière assez surnaturelle Mario Levrero dans « El lugar » (1982), le troisième volet de sa trilogie involontaire.
Dans un univers toujours très onirique et en mĂŞme temps très ordinaire – Ă  l'instar de ce qu'il a mis en scène dans les deux premiers volets de la trilogie -, il Ă©labore pour son personnage un voyage vers l'inconnu... LĂ  encore, le protagoniste principal est un homme ordinaire dont nous ne saurons vraiment pas grand chose...
« (…) Ce fut alors que mes yeux s'ouvrirent et, dĂ©concertĂ©s, qu'ils se refermèrent. Mon sommeil se fit alors plus lĂ©ger, jusqu'Ă  ce que je me rĂ©veille Ă  nouveau, avec une plus grande luciditĂ©.
Je remarquai plusieurs choses : qu'il faisait froid, que cet endroit n'Ă©tait pas ma chambre, que j'Ă©tais couchĂ© sur un sol sans matelas ni couverture, dans une obscuritĂ© totale ; et que j'Ă©tais habillĂ© avec mes vĂŞtements de ville.
La lutte contre la paresse fut Ă  cette occasion plus brève que d'habitude ; le manque de confort du sol nu ne la permettait pas. Je me mis debout, en grognant, de mauvaise humeur, et des craquements dans mes articulations accompagnèrent mes lamentations. Je me frottai les bras, les jambes, et je toussai ; respirer l'air humide fit siffler mes bronches, et j'avais mal Ă  la gorge.
Alors que je cherchais Ă  tâtons un dĂ©tail familier, les questions de rigueur m’assaillirent : oĂą Ă©tais-je, comment Ă©tais-je arrivĂ© lĂ . En rĂ©alitĂ©, cette deuxième question a un peu tardĂ© Ă  se formuler ; je n’avais pas encore acceptĂ© le fait de me trouver dans un endroit non prĂ©vu, et je forçais ma mĂ©moire, cherchant parmi les dernières images de la veille, certain que très vite tout s’assemblerait grâce Ă  une explication simple : une cuite Ă  l’occasion d’une fĂŞte, une tempĂŞte qui m’aurait surpris chez quelqu’un d’autre, une aventure inhabituelle qui m’aurait amenĂ© Ă  dormir hors de chez moi. MĂŞme si c'est peu frĂ©quent, il m’est dĂ©jĂ  arrivĂ© de me rĂ©veiller sans savoir oĂą je me trouvais ; mais il me suffisait alors de reconnaĂ®tre la moulure de la tĂŞte de lit ou la couleur d’un rideau pour que je recompose immĂ©diatement l’endroit, pour d'un seul coup rĂ©veiller toute ma mĂ©moire rĂ©cente. Mais lĂ , il n’y avait aucun Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur, et cette carence n’avait pour moi aucune signification. (...) » [traduction version libre par LH]
L'homme se retrouve donc dans une pièce plongée dans le noir... En tâtonnant, il la découvre, elle est vide et froide, et il finit par trouver une porte qui l'emmène dans une pièce......... identique....... La même scène se répète plusieurs fois, le protagoniste se sent de plus en plus mal mais n'a pas d'autre choix que d'avancer..... Jusqu'à enfin arriver dans une pièce éclairée, meublée, sentant bon la nourriture, et habitée par un couple étrange et surtout parlant une langue étrangère... Le récit se poursuit ainsi, le protagoniste hésitant toujours à quitter le confort d'une situation moins pire que la situation initiale, mais toujours pas satisfaisante du point de vue de sa liberté d'aller et venir. Il finit par avancer et la situation évolue progressivement vers un effondrement total. Le génie de Levrero est de nous mettre en empathie complète avec ce personnage qui vit une situation au fond totalement surréaliste...
C'est lorsqu'il va mourir qu'un autre chapitre commence... Ici débute une aventure à plusieurs, qui elle aussi sera riche en enchaînements à la fois statiques et dynamiques...
« (...) Sin poder explicarlo hasta más tarde, sentĂ­a, honestamente, que cualquier forma de colaboraciĂłn con ellos se transformaba automáticamente en una Ă­ntima traiciĂłn a mĂ­ mismo.
Más tarde descubrí la clave de mis problemas. Estaba metido en una trampa muy compleja. Era cierto que yo estaba aprovechando, a partir de mi enfermedad y necesidad de atención de los primeros días, un mecanismo creado por ellos. Era cierto que podía dormir tranquilo mientras alguien estaba de guardia, y que podía comer un alimento que habían conseguido ellos; pero, y ahí estaba la trampa, hasta ese momento no había tenido necesidad de que nadie protegiese mi sueño, ni que me dieran de comer.
Si ahora se planteaba la necesidad, era precisamente por haber resuelto quedarme con ellos. Me pregunté por qué y cuándo lo había hecho, y descubrí que fue más bien un dejarme estar: había caído en la trampa de la comodidad. La misma trampa de las habitaciones de mi recorrido inicial, preparadas como para mí. En este caso había, además, una especie de intercambio: ellos me daban comodidad, a cambio de mi presencia. Sospeché que apenas anunciara mi decisión de partir, lloverían nuevamente críticas sobre mi actitud pero al mismo tiempo se ablandarían en sus posiciones y terminarían por dejarme en paz, sin exigirme nada.
piriapolisquizas1975Ellos me necesitaban, por la antigua idea de que la uniĂłn hace la fuerza. Mal que bien, por lo menos yo hacĂ­a nĂşmero. Pero yo me sentĂ­a cada dĂ­a más debilitado. HabĂ­a ganado en seguridad y comodidad, pero estaba perdiendo el tiempo. Y tambiĂ©n, descubrĂ­, me necesitaban por otro motivo más oscuro: me necesitaban como cĂłmplice de esa actidud cobarde -en definitiva, más cobarde que la mĂ­a- de quedarse en el patio. ¿QuĂ© esperaban, allĂ­? (...) »
Bon, c'est difficile de m'arrêter... Ce texte m'a tellement emballé !!! Vraiment, il se lit d'un seul trait ou presque, et lorsque l'on referme le livre, on reste envouté dans l'atmosphère vraiment étrange et familière de cet univers levreresque !




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