Paris
Mario
Levrero, 1940-2004, né et mort à Montevideo, est devenu un
auteur-culte pour toute une génération de lecteurs et d'auteurs
uruguayens. Classé parmi les « bizarres » de la
littérature de son pays, c'était un « touche à tout »
qui s'est essayé à divers genres.
Il
y a débat parmi les lecteurs passionnés de Levrero pour savoir dans
quel ordre devrait être lue la « Trilogie involontaire »
et surtout « Paris » et « El Lugar ». Nous
nous conformons ici à l'ordre de l'édition « Debolsillo »
car l'indépendance totale des trois intrigues rend le débat un peu
inutile. S'il y a trilogie c'est parce que chaque fois l'histoire
commence par l'arrivée (ou l'éveil) d'un homme dont on ne sait rien
(ou presque) dans un lieu étrange aux règles incompréhensibles, où
il va vivre diverses tribulations dans une angoisse de mauvais rêve.
Un
homme sale et fatigué arrive à Paris en train, au terme d'un voyage
de « trois cents siècles » et retrouve cette ville où
il a des souvenirs lointains et confus. Dans un taxi devant la gare,
plein de poussière et de toiles d'araignées, il s'aperçoit que le
chauffeur est mort depuis longtemps et semble momifié. Mais un autre
chauffeur vient remplacer au volant le cadavre, après l'avoir jeté
sur le pavé...
« Puso el motor en marcha y bajó la banderilla, haciendo desaparecer la palabra LIBRE. Un tictac creciente me comunica un sentimiento de urgencia.—¿Adonde? —pregunta, sin darse vuelta, sin haberme saludado.—No tengo dinero —respondo; hace una inclinación de cabeza casi imperceptible y arranca. La ciudad parece dormir. Realmente no ha cambiado nada desde mi partida; puedo reconocer -¿o es una trampa de mi mente?- cada uno de los viejos edificios y lugares; la memoria se me presenta como un fenómeno curioso, que me hace recordar las cosas apenas las veo o tal vez un instante antes de verlas, aunque hacia el final del viaje de siglos en ferrocarril no había podido reconstruir en esa misma memoria ninguna imagen de París; por eso sospecho de mi mente y me pregunto si alguna vez he estado aquí. Sin embargo, de pronto siento una rara excitación.—¡Pare! —le digo al chofer. Había reconocido un lugar especial, y aparecieron todos los recuerdos juntos—. ¡Pare! Un minuto, por favor, solamente un minuto. Allí —señalo un pequeño comercio—, allí trabajé yo en un tiempo. »
Au
hasard du trajet en taxi il retrouve une boutique de photographe où
il se rappelle avoir travaillé, et derrière le comptoir un certain
Marcel lui annonce qu'un vieux projet est sur le point de voir le
jour, une sorte de publication pornographique particulièrement
sordide... Après quelques péripéties notre homme aboutit dans un
« asile pour nécessiteux » tenu par un curé bizarre
affublé d'une casquette de portier d'hôtel. Il aperçoit aussi une
femme attirante, qu'il suppose être une prostituée. D'ailleurs le
curé lui propose de choisir une femme dans un catalogue, comme un
complément naturel à l'attribution d'une chambre, il apprend que
celle qu'il a choisie s'appelle Angeline et qu'elle lui rendra visite
dès que possible. Enfin le curé lui signale que des hommes armés
tirent sur toute personne cherchant à sortir de cet « asile »...
Ce
n'est là que le début d'une aventure cauchemardesque, dans laquelle
l'écriture de Mario Levrero nous plonge, où l'on se débat comme le
malheureux protagoniste, assailli par des événements
incompréhensibles et soumis à une logique propre à laquelle on ne
peut se soustraire, sauf peut être en s'éveillant en sursaut... La
frustration de cet homme à qui sa « promise », Angeline,
échappe chaque fois qu'il espère la posséder, les tentatives
d'évasion de l'asile sous les tirs des gardes, l'angoisse causée
par la rumeur d'une guerre lointaine qui menace cette ville de Paris
obscure et poussiéreuse, l'implication dans un mouvement clandestin
de « résistance », les survols de la ville par des nuées
d'hommes ailés, la découverte par le protagoniste du fait que lui
même a des ailes, après une scène de zoophilie entre Angeline et
des chiens sur le toit de l'asile, tous ces ingrédients d'un rêve
absurde tiennent le lecteur en haleine jusqu'à une fin dont on ne
sait que penser...
« Puedo esquivar los dientes, pero las patas me golpearon el pecho y mi cuerpo se dobló sobre el parapeto y, tras un instante de angustiado equilibrio, caigo hacia la calle. Angeline gritó, secundada por otro grito mío, de espanto, y un prolongado aullido de perro, o lobo, que de inmediato fue coreado por los demás animales.-Es el fin – pienso, y me invade una calma total. En una fracción de segundo experimenté un reencuentro conmigo mismo que quizá no hubiese hallado por otros medios durante años de búsqueda. Y pronto supe algo nuevo.Ruido de género rasgado, y un par de alas se abren paso, automáticamente, a través del saco que acaban de romper. Mi caída es frenada como por un paracaídas enorme y compruebo con asombro que estoy volando, que incluso gano altura. »
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