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jeudi, juin 13, 2019

Les éditions L’atinoir et « Severina », de Rodrigo Rey Rosa (Guatemala)

Cette semaine, nous avons eu le plaisir de recevoir l’éditeur-traducteur Jacques Aubergy pour l’enregistrement de l’une des dernières émissions « Lectures par tous » de la saison.
Nous vous invitons à aller l’écouter nous parler des éditions L’atinoir en compagnie d’Antoine Barral, traducteur-dealeur de projets, de Rachel Mihault, notre Présidente et grande lectrice avertie, de moi-même, Laurence Holvoet, lectrice-traductrice, et bien entendu de Marc Ossorguine, lecteur-animateur radio auquel - l’occasion fait le laron ! - nous adressons tous nos remerciements pour avoir si brillamment assuré une si riche programmation tout au long de cette première année d’aventures littéraires radiophoniques !

Je profite également de cette occasion pour évoquer rapidement l’une des dernières publications de L’atinoir, « Severina », le petit roman de Rodrigo Rey Rosa. Ce roman est un petit hymne à l’amour des livres, où un libraire tombe éperdument amoureux d’une mystérieuse voleuse de livres qui mène une vie nomade avec un vieil homme tout aussi mystérieux…
Un extrait a retenu mon attention, il pourrait être un bon complément à notre Manifeste ! Je vous en laisse juge… C’est le vieil homme qui parle au libraire :
« - On nous a accusé de toutes sortes de vices, de délits et même de crimes. (…) On nous a fait passer pour des agents secrets, des escrocs. On nous a pris pour des espions, pour des gens qui se servent des livres pour transmettre des messages codés. On a dit que nous collectionnions des éditions ou des exemplaires liés à toutes sortes de crimes ou de scandales. Bref, des pornographes en tout genre. Tout ce que nous faisions, c’était une seule et même chose qui consistait à nous servir des livres pour en vivre. Vous ne le savez sans doute pas. Un de mes oncles, qui était fou, il faut bien le dire, mais qui pouvait parfois être génial, croyait ou disait croire que derrière les livres, derrière ces objets que l’on appelle des livres, il y avait un esprit de corps. Comme dans une fantaisie futuriste où les machines et les ordinateurs, certaines plantes, celles dont on extrait les drogues, et les métaux tels que l’or et le fer, ont eux aussi un esprit. Il parlait d’une lutte pour la domination par les livres dans certains endroits de la planète. Un phénomène dont les tendances, dont les courant pourraient s’observer comme sur ces cartes qui expliquent l’histoire des ethnies ou des langues, sur lesquelles des flèches de couleurs nous signalent les grands mouvements tout au long de l’histoire. Migrations, invasions, épidémies, extinctions. Il parlait de guerre de classes de livres avec d’autres classes de livres, en fait, il parlait de genres. Comme dans toutes les guerres, les meilleurs ne l’emportaient pas toujours. Mais pour nous, il n’y a pas de vaincus, même si tous finissent par disparaître. Nous nous servons de ces livres qui circulent, comme un marin pourrait se servir des courants océaniques. Nous les utilisons du mieux que nous pouvons, en nous situant, en quelque sorte, bien au-delà de ce bien et de ce mal que représentent les livres. Nous, je veux dire elle et moi, nous naviguons, aujourd’hui encore, au gré des marées et des courants qui naissent des livres. »

Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me parle bien !
Laurence Holvoet

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