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mercredi, juillet 24, 2019

"Ne pas toucher la queue du dragon", de Rodrigo Rey Rosa (Guatemala)


Rodrigo Rey Rosa est un écrivain guatémaltèque, né en 1958 à Ciudad de Guatemala. Il a publié un grand nombre de contes, de nouvelles et de romans, dont plusieurs ont été traduits en français et publiés notamment chez Gallimard.

Laurence nous avait présenté son roman intitulé  Severina, qu’elle avait beaucoup aimé.
Ne pas toucher la queue du dragon a été traduit en français par Jacques Aubergy et publié chez L’atinoir. 
Il ne s’agit pas d’un roman ni d’une fiction, mais d’une enquête effectuée par Rodrigo Rey Rosa dont le sujet est, comme l’indique le sous-titre : Violence et racisme d’Etat au Guatemala.
En effet, entre 1960 et 1996 le Guatemala a connu une terrible guerre civile qui fit plus de 100 000 victimes, dont un grand nombre furent des indiens tués par la junte militaire dirigée par le dictateur Efraín Ríos Montt en 1982 et 83 :  une campagne d’extermination élimina alors un tiers des indiens maya-ixiles, soit près de 30 000 personnes. Celui-ci a été condamné en 2013 à cinquante années de prison ferme pour génocide et trente ans ferme pour crimes contre l’humanité, mais le jugement fut cassé par la Cour de Cassation.

Rodrigo Rey Rosa s’appuie sur les témoignages qu’il a recueillis et sur les documents d’archives qu’il a pu consulter pour dénoncer les violences subies par les indiens ixiles. D’après lui, « Ce fut un long processus parce que longtemps les gens se refusèrent à parler du passé. « Il ne faut pas toucher la queue du dragon », disaient-ils. Mais lorsqu’ils ont pu surmonter leur peur, les témoignages se sont succédé en cascade. »
Il cite les propos de Clyde Snow, pionnier de l’anthropologie judiciaire : « Nous avons vu des choses semblables au Salvador, en Bosnie et en Irak, lorsque Saddam Hussein faisait assassiner des villages entiers de Kurdes. Mais c’est lors de notre travail au Guatemala que nous avons vu le plus grand nombre d’atrocités. »

Selon Rodrigo Rey Rosa, « comme dans l’Allemagne nazie, il faudrait avant tout reconnaître que notre système est atteint de cette grave tare qu’est le racisme, et en particulier le racisme anti-maya dans notre cas. Cette tare qui avec sa cohorte de stupidités, de mensonges et de cruauté, a rendu possible des prises de positions comme celles qui ont permis à notre violence nationale d’atteindre des niveaux reflétés non seulement dans les médias mais aussi dans les livres, le cinéma, les arts et les conversations des Guatémaltèques. Et aussi dans leurs rues… »

Il dénonce par ailleurs les activités des compagnies minières canadiennes, qui portent aujourd’hui très gravement atteinte à la santé des habitants des régions concernées et dont les peuples mayas sont les premières victimes au Guatemala, comme d’autres populations à travers l’Amérique latine : de nombreux enfants sont atteints de calvitie et des adultes ont des plaies sur le visage, les bras et le ventre, à cause des grandes quantités de cyanure utilisées.
Un livre à lire absolument.

Et si vous suivez l’actualité, vous aurez certainement envie de voir le film de César Díaz, Nuestras madres, récemment primé à Cannes. A recommander !
Rachel Mihault
Ne pas toucher la queue du dragon. Violence et racisme d’Etat au Guatemala, de Rodrigo Rey Rosa, éd. L’atinoir, 2014

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