mardi, octobre 19, 2021

« Fille perdue » d’Adeline Yzac (France)


Adeline Yzac, dont le livre magnifique Nuech blanca a été publié en 2014 aux éditionsChèvre-feuille étoilée, nous offre dans le roman Fille perdue, l’histoire méconnue du traitement infligé aux filles qui découvrent leur corps en cette fin du XIXième siècle.

Anicette, 12 ans, enfant choyée dans un milieu traditionnel et religieux, tombe brutalement, sans rien y comprendre, dans la catégorie des filles perdues. Perdue pour la morale, pour la société, car elle a été surprise en train de se caresser. Anicette cherche le plaisir : elle ne fera donc ni une bonne épouse, ni une bonne mère. Sa famille va la perdre totalement, la briser, en la condamnant à grandir entre les murs de « l’institution » où des religieuses tentent de déraciner le vice du corps et des esprits des filles de rien : filles de prostituées, filles sans père, filles dont le corps n’est pas conforme à la féminité, filles lubriques.

La science s’unit à la religion dans cette entreprise de domination des femmes et de leur corps. Plus efficace que la prière, les humiliations et les privations, moins radical que le bûcher, la chirurgie détient la solution pour « calmer » ces jeunes filles : chloroforme et bistouri. À Paris, devant ses collègues épatés, un chirurgien ampute les jeunes filles de ce qui cause leur malheur : le clitoris. Anicette, la petite Montpelliéraine va-t-elle trouver un appui dans cette ville inconnue ? Qui la sauvera de cette boucherie ?

Adeline Yzac, dans la langue savoureuse, riche, qui est la sienne, nous plonge dans une réalité historique minutieusement documentée.

Le corps des femmes ne leur appartenant pas, sous des prétextes moraux et religieux, l’excision a été pratiquée en Europe et aux États-Unis jusqu’au milieu du XXième siècle.

Un texte saisissant.

Janine Teisson

« Fille perdue » d’Adeline Yzac. La Manufacture des livres, 2021. 208 p.

 

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