lundi, novembre 22, 2021

"Mistigris" de Philippe Vinard (France)


Philippe Vinard est un transfuge des étonnantes éditions Yovana qui ont publié trois de ses livres.

Avec Mistigris (aux éditions des Quatre Seigneurs), il nous plonge tout vifs dans sa propre parentèle. Quelle famille n'est pas déjantée, bancale, phobique, schizo, parano (ou particulièrement cachottière) ?! Celle-ci ne fait pas exception à la règle : un grand-père issu de la bourgeoisie protestante du Midi, prof en Khâgne, une mère qui, refusant d'être professeur, s'inscrit à Femme Sec (La Femme Secrétaire) ! Trois enfants qui, chaque automne, la regardent partir pour l'hôpital, conduite par le père, car au moment où les feuilles tombent, elle tombe elle aussi en dépression, jusqu'à ce qu'elle refile ce mistigri, cette mauvaise carte, à son mari.

Lui, donc, le père, qui en vertu de la règle des vases communicants, se trouve mal quand son épouse va mieux, et dont le corps devient « un hall de gare de maladies diverses » pendant trente ans… Sa cécité disparaît après son entrée en maison de retraite, mais à quoi bon revenir en arrière, il y reste.

Il faut dire qu'entre-temps son fils aîné, qui étouffe, a défoncé à la pioche la cheminée de marbre pour sortir de la maison, un soir où il ne trouvait plus la porte… La fois suivante, il a essayé de sectionner à coups de hache la rampe de l'escalier ; quelques semaines plus tard, il a brûlé les meubles du salon au milieu de la pièce ; puis c'est son père qu'il a attaqué à la hache. Trois jours d'hôpital pour le père, trois mois d'internement pour le fils. À la sortie, tentatives de plongeons du haut de la tour Eiffel, mais « à cause de ces foutus filets », il en faut trois pour réussir enfin.

Chez le fils cadet, c'est la paralysie qui est réversible. le syndrome de l'escalier est là aussi : tantôt il le descend, vêtu d'une robe à crinoline, tantôt il doit emprunter dans l'obscurité, mandé par son grand-père, « un terrible escalier, à peine éclairé par un hublot », malgré sa peur… Plus tard, il s'établira aux antipodes, et pratiquera, o
utre le théâtre, « le rire qui chasse les mistigris ».

Quant à la fille, elle possède un secret… et un mistigri, qu'elle garde jalousement !

Je vous laisse découvrir de quel lieu original cette famille fait au lecteur ses confidences croisées, pleines de sincérité, de tendresse et d'humour.

Hélène Honnorat



Les familles vues de l'intérieur sont toujours bien plus étonnantes, bouleversantes et dérangeantes que les images lisses et fades qu'elles essayent de donner. Celle de Philippe Vinard est magistralement ordinaire et romanesque ! À moins que ce ne soit le style très incisif, à la fois détaché et hyper-impliqué, de l'auteur qui fasse le grand charme de ce récit écrit à cinq voix. À lire !

Laurence Holvoet



« Mistigris’ de Philippe Vinard. Editions des Quatre Seigneurs, 2020. 196p.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hésitez pas à nous faire part de votre avis !