El
Lugar
Un
seul roman de Mario Levrero, mais plutôt parmi les mineurs, a été
publié en France, c'est “Dejen todo en mis mano” (1996) / “J'en fais mon affaire",
2012 (l'Arbre Vengeur). C'est un texte sympathique mais qui me semble
anecdotique par rapport Ă la puissance de la Trilogie Involontaire
et aussi par rapport à la “Novela Luminosa“,
roman
paru de façon posthume en 2004 et qui semble être en projet de
traduction chez Noir sur Blanc si l'on en croit la page de l'agent ! J'ai
celui-ci en cours de lecture et il joue énormément avec le lecteur
en prenant des airs de journal intime, c'est plus imposant que les
romans de la trilogie (567 pages !), mais tout aussi
passionnant...
Bref !
Mario Levrero, un auteur à découvrir, je me répète... A
découvrir absolument ! A traduire et diffuser en France !
Nos
vies à nous autres, les êtres humains, sont toutes très
différentes les unes des autres... Cependant, il y a des constantes.
Que l'on soit globe trotter, simple quidam ou aristocrate, nos
routines font que nos journées, nos semaines, nos mois et nos années
se ressemblent... Mais qu'elles ne sont jamais identiques pour
autant... Et quand on s'arrête pour observer, les dernières en
cours se trouvent être toujours radicalement différentes des
premières... Bien entendu, revenir en arrière est juste
impossible...
C'est
un peu ce que nous raconte à sa manière assez surnaturelle Mario
Levrero dans « El
lugar » (1982),
le troisième volet de sa trilogie involontaire.
Dans
un univers toujours très onirique et en même temps très ordinaire
– à l'instar de ce qu'il a mis en scène dans les deux premiers
volets de la trilogie -, il Ă©labore pour son personnage un voyage
vers l'inconnu... LĂ encore, le protagoniste principal est un homme
ordinaire dont nous ne saurons vraiment pas grand chose...
« (…) Ce fut alors que mes yeux s'ouvrirent et, déconcertés, qu'ils se refermèrent. Mon sommeil se fit alors plus léger, jusqu'à ce que je me réveille à nouveau, avec une plus grande lucidité.Je remarquai plusieurs choses : qu'il faisait froid, que cet endroit n'était pas ma chambre, que j'étais couché sur un sol sans matelas ni couverture, dans une obscurité totale ; et que j'étais habillé avec mes vêtements de ville.La lutte contre la paresse fut à cette occasion plus brève que d'habitude ; le manque de confort du sol nu ne la permettait pas. Je me mis debout, en grognant, de mauvaise humeur, et des craquements dans mes articulations accompagnèrent mes lamentations. Je me frottai les bras, les jambes, et je toussai ; respirer l'air humide fit siffler mes bronches, et j'avais mal à la gorge.Alors que je cherchais à tâtons un détail familier, les questions de rigueur m’assaillirent : où étais-je, comment étais-je arrivé là . En réalité, cette deuxième question a un peu tardé à se formuler ; je n’avais pas encore accepté le fait de me trouver dans un endroit non prévu, et je forçais ma mémoire, cherchant parmi les dernières images de la veille, certain que très vite tout s’assemblerait grâce à une explication simple : une cuite à l’occasion d’une fête, une tempête qui m’aurait surpris chez quelqu’un d’autre, une aventure inhabituelle qui m’aurait amené à dormir hors de chez moi. Même si c'est peu fréquent, il m’est déjà arrivé de me réveiller sans savoir où je me trouvais ; mais il me suffisait alors de reconnaître la moulure de la tête de lit ou la couleur d’un rideau pour que je recompose immédiatement l’endroit, pour d'un seul coup réveiller toute ma mémoire récente. Mais là , il n’y avait aucun élément déclencheur, et cette carence n’avait pour moi aucune signification. (...) » [traduction version libre par LH]
L'homme
se retrouve donc dans une pièce plongée dans le noir... En
tâtonnant, il la découvre, elle est vide et froide, et il finit par
trouver une porte qui l'emmène dans une pièce.........
identique....... La même scène se répète plusieurs fois, le
protagoniste se sent de plus en plus mal mais n'a pas d'autre choix
que d'avancer..... Jusqu'à enfin arriver dans une pièce éclairée,
meublée, sentant bon la nourriture, et habitée par un couple
étrange et surtout parlant une langue étrangère... Le récit se
poursuit ainsi, le protagoniste hésitant toujours à quitter le
confort d'une situation moins pire que la situation initiale, mais
toujours pas satisfaisante du point de vue de sa liberté d'aller et
venir. Il finit par avancer et la situation Ă©volue progressivement
vers un effondrement total. Le génie de Levrero est de nous mettre
en empathie complète avec ce personnage qui vit une situation au
fond totalement surréaliste...
C'est
lorsqu'il va mourir qu'un autre chapitre commence... Ici débute une
aventure Ă plusieurs, qui elle aussi sera riche en enchaĂ®nements Ă
la fois statiques et dynamiques...
« (...) Sin poder explicarlo hasta más tarde, sentĂa, honestamente, que cualquier forma de colaboraciĂłn con ellos se transformaba automáticamente en una Ăntima traiciĂłn a mĂ mismo.Más tarde descubrĂ la clave de mis problemas. Estaba metido en una trampa muy compleja. Era cierto que yo estaba aprovechando, a partir de mi enfermedad y necesidad de atenciĂłn de los primeros dĂas, un mecanismo creado por ellos. Era cierto que podĂa dormir tranquilo mientras alguien estaba de guardia, y que podĂa comer un alimento que habĂan conseguido ellos; pero, y ahĂ estaba la trampa, hasta ese momento no habĂa tenido necesidad de que nadie protegiese mi sueño, ni que me dieran de comer.Si ahora se planteaba la necesidad, era precisamente por haber resuelto quedarme con ellos. Me preguntĂ© por quĂ© y cuándo lo habĂa hecho, y descubrĂ que fue más bien un dejarme estar: habĂa caĂdo en la trampa de la comodidad. La misma trampa de las habitaciones de mi recorrido inicial, preparadas como para mĂ. En este caso habĂa, además, una especie de intercambio: ellos me daban comodidad, a cambio de mi presencia. SospechĂ© que apenas anunciara mi decisiĂłn de partir, lloverĂan nuevamente crĂticas sobre mi actitud pero al mismo tiempo se ablandarĂan en sus posiciones y terminarĂan por dejarme en paz, sin exigirme nada.Ellos me necesitaban, por la antigua idea de que la uniĂłn hace la fuerza. Mal que bien, por lo menos yo hacĂa nĂşmero. Pero yo me sentĂa cada dĂa más debilitado. HabĂa ganado en seguridad y comodidad, pero estaba perdiendo el tiempo. Y tambiĂ©n, descubrĂ, me necesitaban por otro motivo más oscuro: me necesitaban como cĂłmplice de esa actidud cobarde -en definitiva, más cobarde que la mĂa- de quedarse en el patio. ÂżQuĂ© esperaban, allĂ? (...) »
Bon,
c'est difficile de m'arrêter... Ce texte m'a tellement emballé !!!
Vraiment, il se lit d'un seul trait ou presque, et lorsque l'on
referme le livre, on reste envouté dans l'atmosphère vraiment
étrange et familière de cet univers levreresque !
Rappel : le 1er article sur La Ciudad est là ! et le 2ème ici !
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