Son roman El pais de las mujeres vient d’être traduit en français sous le titre La République des femmes chez Yovana. Je le découvre car je ne l’avais pas lu en espagnol !
Dans un pays imaginaire d’Amérique centrale nommé Faguas, un groupe de femmes crée un parti politique, le PIE (Partido de la Izquierda Erotica).
« nous lançons ce manifeste, afin de dire aux femmes et aux hommes de ne plus attendre l’arrivée d’un homme d’honneur mais de parler dès maintenant de nous, les femmes du PIE (Parti de la Gauche Erotique). Nous sommes de gauche car nous pensons qu’il faut asséner un bon direct du gauche à la pauvreté, à la corruption et au désastre qui règnent dans notre pays. Nous sommes érotiques parce qu’Eros signifie la VIE -notre bien le plus précieux- et parce que depuis toujours, nous les femmes, sommes non seulement chargées de donner la vie mais aussi de la préserver et d’en prendre soin ; nous sommes le PIE parce que ce qui nous pousse, c’est notre désir de faire avancer les choses, de tracer le chemin en marchant et d’aller de l’avant avec ceux qui veulent nous suivre. »
Suite au réveil du volcan Mitre qui a entraîné chez les hommes une perte provisoire de testostérone… elles parviennent au pouvoir par les urnes en promettant de créer une société du « félicisme ». Pour y parvenir, elles commencent par mettre en place une série de mesures révolutionnaires visant à instaurer l’égalité entre les sexes et entre les classes sociales.
« Azucena travaillait dans les Unités spéciales créées pour lutter contre les agressions sexuelles, les viols et les violences domestiques. Au moins à présent, les salauds, les brutes, les lâches ne pouvaient plus s’en prendre aux femmes sous leur propre toit. Autrefois, les gouvernements changeaient des choses qui ne se voyaient pas, que seuls les économistes comprenaient, pensa-t-elle, alors que ces femmes-là nous apprennent à vivre d’une façon différente. »
Elles soulèvent alors de nombreuses réactions d’opposition et Viviana Sanson, la présidente, va être victime d’une agression et se retrouver dans le coma. C’est l’occasion pour elle de se remémorer son parcours et pour nous, lecteurs et lectrices, de nous interroger plus avant sur le rôle de la femme dans nos sociétés et sur la façon dont les femmes pourraient ou peuvent changer profondément nos sociétés.
« Mon idée ? Regardez, il y a déjà des femmes présidentes. Rien de nouveau. Ce qui n’existe pas encore, c’est un pouvoir féminin. Quelle est la différence ? J’ai en tête un parti qui proposerait de donner au pays ce qu’une mère donne à son enfant, qui prendrait soin du pays comme une femme prend soin de sa maison, un parti « maternel » qui considérerait que les qualités féminines qu’on nous reproche habituellement sont des compétences indispensables pour gérer un pays aussi mal en point que le nôtre. Au lieu d’essayer de prouver que nous sommes aussi « viriles » que n’importe quel macho et donc capables de gouverner, mettons l’accent sur notre côté féminin, ce côté qu’on a plutôt l’habitude de cacher comme si c’était une tare quand on est une femme qui aspire au pouvoir : la sensibilité, l’émotivité. »
Gioconda Belli nous interpelle sur un ton humoristique et c’est ce qui fait tout le charme du roman !
Même si en arrière-plan se posent également des questions très graves puisque l’autrice aborde sans détours des sujets douloureux comme les violences intra-familiales, dont est victime le personnage féminin auto-rebaptisé Juana de Arco.
Un texte où l’on perçoit diverses influences mais très latino-américain, qui pourra dérouter certains lecteurs mais en réjouira plus d’un(e) !
Rachel Mihault
La République des femmes, de Gioconda Belli, traduit par Claudie Toutains, éditions Yovana, 2021
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