C’était le grand amour de sa vie.
Mais nous sommes en 1947, et le héros de cette histoire, Gabriel, passe une dernière nuit avec Adriana qu’il aime comme un fou, dans le Madrid des années Franco, et va partir le lendemain direction les États-Unis pour vivre une carrière brillante et fonder une famille, grâce aux efforts de ses parents qui auront tout fait pour que leur fils réussisse loin de l’Espagne vétuste.
De l’autre côté de l’Atlantique, Adriana est restée madrilène. Elle s’est mariée aussi, mais elle n’a pas oublié son amour de jeunesse.
Alors, près de cinquante ans plus tard, Gabriel, de passage en Europe (il fait croire à sa femme américaine qu’il est à Genève) réussit à obtenir un rendez-vous avec Adriana. Mais elle a vieilli, elle est malade, et une aide à domicile veille sur elle. Pourtant elle n’a rien perdu du côté de l’éclat de ses yeux et Gabriel, qui a si souvent rêvé d’elle et de leurs retrouvailles, réalise qu’il n’a jamais cessé de l’aimer.
Il y a pourtant un troisième personnage dans cette histoire : un compatriote espagnol, qui débarque aux États-Unis quelques années après Gabriel, et qui a bien besoin de ses conseils et de ses appuis pour se frayer un parcours dans le labyrinthe universitaire dans lequel il arrive en tant que professeur.
Plus qu’un ami, ce sera le témoin de cet amour intemporel. Gabriel lui racontera le dernier rendez-vous et la dernière supplique d’une Adriana très diminuée.
Les Babeliotes qui me connaissent savent que je suis une inconditionnelle d’Antonio Muñoz Molina. Je n’allais donc pas manquer son dernier livre pour cette rentrée littéraire.
Parce qu’il y a toujours la langue du célèbre écrivain espagnol, l’auteur de « Dans la grande nuit des temps » , « Comme l’ombre qui s’en va » ou encore « Tes pas dans l’escalier », que j’avais chroniqué en janvier 2024, et son style est toujours là, à l’image de cette première phrase ample et voluptueuse, et qui tient jusqu’à la page 70.
Il y a quelque chose du tableau des « Ménines » de Velasquez dans ce récit. Il y en est d’ailleurs question au milieu du livre.
Comme chacun le sait, dans ce tableau Velasquez se représente lui-même en train de peindre, regardant au-delà la peinture, comme s'il regardait directement l'observateur de la toile. De la même manière, Gabriel se regarde aimant Adriana, et s’interroge pour savoir pourquoi il n’a pas assumé cet amour et a décidé de fuir aux États-Unis. Et il y a la présence du narrateur, cet ami étrange à qui Gabriel confie ses sentiments, comme s’il avait besoin d’un miroir pour contempler un Gabriel amoureux.
La fin restera énigmatique, et la question finale, posée par Adriana à Gabriel, n’aura pas de réponse dans ce récit.
Mais peu importe. Il en reste un récit à la prose magique, sensuelle et musicale, qui nous parle de ces grandes amours intemporelles qu’on rêve d’avoir rencontré – à défaut on se contentera d’une reconnaissance vis-à-vis d’Antonio Muñoz Molina pour cette rencontre magistrale avec la grande littérature.
Florence Balestas
NB : On peut donc saluer et la remercier pour son travail sa traductrice, Isabelle Gugnon. (L. Holvoet)
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