mardi, septembre 30, 2025

"La reine des lectrices" d'Alan Bennett (Royaume-Unis), traduit de l'anglais par Pierre Ménard

La Reine des lectrices - Alan Bennett
"Elle leva les yeux de son livre et dit à Norman :

– Vous vous rappelez ce que je vous avais dit, que vous étiez mon tabellion particulier ? Eh bien, je viens de découvrir le terme qui me correspond : je suis une opsimath…"

C'est la reine d'Angleterre qui s'exprime, après avoir été touchée par la grâce lors de la tournée d'un bibliobus ! L'opsimathe, en français (nous dit le dictionnaire Littré) = « la personne qui apprend sur le tard, à un âge avancé. Caton l'Ancien, qui apprit, dit-on, le grec à 80 ans, était un exemple d'opsimathe.»

La Reine découvre donc sur le tard la littérature, et elle rattrape le temps perdu ! Elle abandonne peu à peu son rôle de glorieuse potiche, elle fraie avec les auteurs – dans leurs œuvres, c'est plus palpitant qu'au cours des cérémonies où ils sont décorés –, elle se plonge dans Genet, dans Proust, dans les écrits d'Henry James, dans ceux des soeurs Brontë, dans les "classiques ethniques" (plutôt Vikram Seth que le Kama Sutra, comme elle le précise) avec un égal appétit et bientôt un esprit critique parfaitement affûté. S'isolant de plus en plus dans de longs tête-à-tête avec ses livres favoris, elle devient à mes yeux l'illustration du titre de Valery Larbaud : « Ce vice impuni, la lecture » !

Pour son entourage, c'est la catastrophe. Pour elle, une grande jouissance. L'auteur, Alan Bennett, montre de façon drolatique comment lecture, écriture, littérature et rôle social jouent les vases communicants… jusqu'au délicieux coup de théâtre de la fin.

Hélène Honnorat

 "La reine des lectrices" d'Alan Bennett, traduit de l’anglais par Pierre Ménard. Denoël, 2009. 176 p.


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