samedi, août 28, 2021

"La langue du pic vert", de Chantal Dupuy DUNIER (France)

 



Voici un très beau récit poétique, sensible et fantastique.

L’histoire ? Sylvain Breuil est un jeune homme solitaire, étudiant en langue anglaise au début du roman, dont la mère est morte au moment de sa naissance, et dont le père est atteint de la maladie d’Alzheimer.

Elève sans histoire, enfant particulièrement docile, il n’aurait rien d’original si ce n’était que, à l’occasion d’un visite à la Maison de la Ligue pour la Protection des Oiseaux en Auvergne, il n’était tombé en arrêt sur une phrase prononcée par le guide ornithologique qui va faire basculer son destin : « le pic-vert enroule sa langue autour de son cerveau » - une révélation.

C’est le début pour Sylvain d’une étrange passion pour cet oiseau étonnant, ces pics épeiches ou pics bigarrés, à la musculature de la boite crânienne insolite, destinée à le prémunir des chocs répétés lorsqu’il frappe le tronc d’un arbre. Cette passion le distrait des soucis que lui cause son père, de plus en plus sujet à des trous de mémoire et à de curieux comportements – jusqu’à qu’il ne soit plus possible de partager le même appartement.

L’histoire serait plutôt banale et on aurait pu tomber sur une histoire triste et commune si l’autrice ne nous avait pas réservé quelques surprises.

lundi, août 09, 2021

"Habitant de nulle part, originaire de partout" de Souleymane Diamanka (France / Sénégal)

 Vie et poésie sont indissociables et ce recueil le prouve encore une fois de plus, merci à Alain Mabanckou pour sa direction de collection et ses judicieux choix.

Poésie intemporelle, mesure de Salamandre fille du feu et de l’eau, sagesse immémoriale du poète Diamanka qui répond aux flammes lancées par de l’eau et qui change la donne : « Si quelqu’un te parle avec des flammes / Réponds-lui avec de l’eau / Sache que le seul combat qui se gagne / c’est le duel qui devient duo… »

Tout un métamorphisme érigé en art poétique, tout une conscience du vivre ensemble et d’en finir avec les conflits. Poète sans frontières, qui accueille par la parole, par le sceau du langage et de l’humanité.

Ce recueil est terriblement indispensable et nous enjoint à le faire connaître, une vigueur qui nous gagne et une lumière telle celle d’un phare qui nous guide hors des obscurs dangers.

Une urgence à lire nous gagne.

François Szabó

Souleymane Diamanka « Habitant de nulle part, originaire de partout » (préface d’Oxmo Puccino). Points, 2021. 134 pages





"Les lois de l’ascension" de Céline CURIOL (France)

Quartier de Belleville à Paris, année 2015.

Une jeune femme célibataire, journaliste, travaillant pour un site web d’actu.

Un ex migrant noir désormais intégré à Paris qui aidera un migrant tunisien débarqué fraîchement sur le palier de la porte de la première.

Une professeure d’université spécialisée dans les questions d’environnement, sœur de la première.

Un psychanalyste parisien d’une cinquantaine d’années et sa fille bachelière.

Un jeune des quartiers sensibles et sa mère femme de ménage.

Une jeune femme désaxée, partie un temps à Orléans et revenant chez sa mère à Paris.

Une année, quatre saisons à Paris, des personnages qui découvrent les lois de « l’ascension » (mais quelle ascension ?) : c’est le pari réussi de Céline Curiol.

mercredi, août 04, 2021

"Antoine des Gommiers" de Lyonel TROUILLOT (Haïti)

 « Antoine des Gommiers », c’est sans doute le meilleur des romans de Lyonel Trouillot.

Le thème en est pourtant simple : deux frères, vivant à Haïti, inséparables et en même temps si différents.

Ti Tony, celui qui raconte, vit de petites magouilles dans un « corridor » – un lieu où on vit côte à côte avec ses voisins – à Port-au-Prince.

Franky, lui, est le plus lettré des deux. Passionné de poésie, il écrit. Il a suivi son frère dans l’une de ses petites combines, mais peu habitué à ce genre d’exercices, il s’est blessé et est resté lourdement handicapé. Son frère restera donc auprès de lui, pour lui servir de jambes, puisque Franky ne peut plus se servir des siennes.

mercredi, juillet 21, 2021

Les réunions bimensuelles à la MpT Chopin - saison 7 !

À bien noter pour 2021/2022 !

Nos matinées d’échanges conviviaux autour de nos lectures et de boissons chaudes et fraîches se tiendront de 10h à 13h, salle Delacroix (1er étage), les :

lundi, juillet 12, 2021

Cosmogonies. Zinsou, une collection africaine, par le Collectif MOCO Montpellier Contemporain (France)

 

Parcourir ce catalogue d’exposition est un véritable plaisir. Cela prolonge et amplifie la visite au M.O.C.O. Montpellier Contemporain, s’y retrouve ce qui interpelle, ce qui désigne, ce qui est créé, le tout avec l’ardente volonté de présenter en Afrique même les œuvres des créateurs du continent. En ces jours, à Montpellier, Angélique Kidjo chante au Peyrou et à l’Opéra Comédie tandis que, à la Halle Tropisme, un îlot de United States of Africa présente des expositions photographiques, des artisanats, des spécialités africaines et une monnaie, l’Afro, convertie à l’occasion.

La capacité à réinventer le monde est merveilleuse et même la progéniture à foison est ici faite d’argile et même si une certaine inquiétude s’y recèle, la vie surmonte les obstacles.

Le poème du bien-aîmé est une œuvre délicate et sensible, sonore et habitée, une sorte de saudade universelle.

Les despotes qui vendent leurs peuples aux colons sont les éléments les plus décriés et il est à se demander si le lot de la monarchie est donc fatalement cruel surtout quand il se justifie de droit divin. L’Afrique aurait-elle moins souffert si ses reines avaient eu ce tel pouvoir des femmes de préservation et de protection ? Elles sont ici représentées, recousues sur des portraits, de femmes puissantes garantes de la paix, de la justice et de la prospérité.

Les photographies splendides fixent l’histoire et se révèlent effectivement au sens propre et figuré.

Pour appréhender la réalité l’invention d’un alphabet est le premier pas vers la réconciliation et le sentiment d’unité africaine.

François Szabó

Cosmogonies. Zinsou, une collection africaine, par le Collectif MOCO Montpellier Contemporain (France), Silvana Editoriale, 2021, 192 pages

mardi, juin 22, 2021

"Vingt stations", de Ahmed Tiab (Algérie, France)

 

Ahmed Tiab est un auteur franco-algérien. Il a publié plusieurs polars aux éditions de l’Aube.

Ce nouveau roman n’est pas un polar, mais un douloureux voyage géographique et historique :

Au départ, on ne sait pas dans quelle ville on se trouve. Un narrateur un peu désabusé nous décrit les personnes présentes autour de lui dans le tramway : le chauffeur dans sa bulle qui semble selon lui désireux de ne surtout pas être abordé, puis les passagers (un vieil homme à qui il ne rend pas son salut, un écolier encore à moitié assoupi, une femme dont les vêtements sentent fort les épices mélangées, une jeune fille qui sent le parfum de prix,…).

Puis nous comprenons que nous ne sommes pas dans une ville occidentale, mais dans une ville de l’Algérie d’aujourd’hui. Au fil des stations, le narrateur continue d’observer les gens et les paysages et donne à voir différentes facettes de son pays. Il pose un regard critique sur le nouvel urbanisme d’une ville qui, selon lui, a perdu son âme :

« Toujours ce bruit métallique ponctué par la sonnerie nasillarde de la commande des portières. Le tram longe une large avenue tracée au cordeau dans les nouveaux quartiers, à l’est. Les urbanistes ont abattu les grands eucalyptus, les platanes centenaires, et rasé la garrigue odorante pour ouvrir de grandes voies et dessiner une nouvelle ville de béton. Une protubérance sans âme, sans aucun lien avec ce que fut son illustre point d’origine. Une succession de barres d’immeubles chargées de contenir l’affolement démographique, entrecoupées de mosquées somptueuses, offertes, dit-on par des régimes étrangers amis. »

lundi, juin 14, 2021

"Ils" de Natyot (France)

 


De Nathalie Yot, j’avais beaucoup aimé « Le Nord du monde » [Laurence en avait parlé là !] paru à la Contre Allée en 2018 et jamais oublié cette phrase qui ouvre et ferme le livre : « C’est courir qu’il faudrait ». Elle publie aujourd’hui , (et elle est Natyot en poésie), aux éditions La Boucherie littéraire, un petit recueil de poèmes, « Ils ».

« Ils », c’est un titre par défaut, par défaut de notre langue qui n’englobe pas, comme le fait le « they » anglais, le masculin et le féminin. Parce que « Ils », c’est « eux », c’est « elles », c’est « nous ». Parce que c’est de notre vie qu’il s’agit, de choses qu’elle observe, qui nous relient les uns aux autres. Elle dit : « J’écris sur ce que j’observe des autres,… sur ce qui se passe entre nous, les autres, nous, quels autres sommes-nous ? ».

lundi, juin 07, 2021

« Lucero ou la vie fulgurante » Aníbal Malvar (Espagne)


Lucero, c’est un nom qui va bien à Federico García Lorca qui traversa son époque comme une étoile lumineuse. Lucero, c’est le nom que lui donne Aníbal Malvar dans ce livre étonnant, foisonnant qui restitue, en même temps que la trajectoire fulgurante du poète, l’histoire de toute une époque, celle qui précède la guerre civile, et celle d’un lieu, la Vega de Grenade. Une histoire qui nous est contée dans un style souvent baroque que la traduction d’Hélène Serrano rend à merveille.

Nous suivons Federico pas à pas, de 1916 (il a 18 ans) à 1936, d’Asquerosa à Viznar en passant par Grenade, Madrid, Buenos Aires, Cuba, New-York, du Riconcillo de ces jeunes poètes de Grenade, un peu potaches, à la résidence universitaire de Madrid où l’on retrouve entre autres Dalí et Buñuel, à La Barraca, expérience de théâtre itinérant extraordinaire. Et enfin Viznar où il fut assassiné parce que « socialiste, maçon et homosexuel ».

jeudi, juin 03, 2021

"Sublimisme balkanique", Tomislav Dretar et al. (Croatie)

 

Tomislav Dretar

Duško Babić

Lana Derkač

Danja Đokić

Petar Gudelj

Salamon Jazbec

Božica Jelušić

Dražen Katunarić

Mirko Kovač

Žarko Milenić

Davor Šalat

Méconnue en occident mais toujours vivace, la poésie croate a toujours renouvelé son propos grâce à l'émergence puis la confirmation de poètes offrant une beauté dans la langue, une générosité envers l'autre et une volonté de paix. Cette expression remarquable illustrée par les poèmes des poètes cités ci-dessus.

À commander chez votre libraire.

François Szabó

Sublimisme balkanique, Tome 1 Poètes de Croatie,Choix et introduction de Tomislav Dretar, Éditions M.E.O., 2013