Une famille
bordelaise classique : bourgeoise et catholique.
Un couple
traditionnel, Danielle et Olivier, et leurs enfants.
Une
naissance qui fait d’eux pour la deuxième fois des grands-parents.
Une façade
qui devrait annoncer une famille parfaite : bienveillante, attentive,
chaleureuse.
Mais le
vernis cache mal une réalité bien différente : Romain, l’un de leurs fils,
se détruit petit à petit.
Peut-on
empêcher quelqu’un de se détruire ? C’est le thème auquel s’est attaqué
Pascale Kramer, une auteure suisse vivant en France, qui déroule en cinq
chapitres un drame familial. Car la situation de Romain, qui a passé huit ans
dans la rue, gentil et passif, fragilise l’ensemble de la famille.
« Romain
était un doux, un paisible, un attendri. Rien, jamais, ne transparaissait du
mal-être qui le poussait à engranger certains soirs de quoi s’abrutir quasiment
jusqu’au coma en seulement quelques heures. »
En cinq
chapitres, chacun dédié à l’un des membres de la famille, Pascale Kramer les
met en scène deux à deux ; comme ce duo entre Mathilde l’étudiante et Lou
sa sœur qui vient d’accoucher. Les relations fraternelles et filiales y sont
disséquées avec beaucoup de perspicacité.
Avec
l’arrivée d’un nouveau membre en son sein, à l’occasion aussi d’une nouvelle
disparition de Romain, c’est toute une série de souvenirs enfouis qui remontent
à la surface – des non-dits qui ont fossilisé les relations inter-familiales,
au point d’en faire une parodie.
Tous les
sentiments sont convoqués, de la bienveillance au désarroi, ou à la colère –
colère contre ce fils ou ce frère qui ne répond pas aux attendus d’une famille
«bien comme il faut ».
C’est le
syndrome du « Patient désigné » : « Une des personnes de la
famille va être identifiée, ou sera désignée, comme étant une personne malade
et elle sera le porteur de la souffrance familiale. Cela prouve la puissance de
l’homéostasie qui, pour préserver l’équilibre, peut rendre malade un de ses
membres » explique un thérapeute spécialiste de la question. Car il existe
des thérapies familiales qui peuvent tenter de venir à bout de ce type de
situation. Romain est en quelque sorte le catalyseur des failles et des
défaillances de la famille formée par Danielle et Olivier.
Mais rien
de tel dans la famille bordelaise : tout au plus fermera-t-on les yeux sur
ses mensonges et ses vols pour se payer son alcool, tout au plus enferme-t-on
Romain dans un lieu propice à une cure de désintoxication, mais en vain.
Malgré tous
leurs efforts, c’est à une forme d’échec collectif auquel on assiste, puisque
la famille ne parviendra pas à masquer la déchéance de Romain, qui, lui, ne
prendra jamais la parole - on ne disposera de lui que d’un portrait en creux,
au travers de ce qu’en disent les autres membres de la fratrie.
Le constat
est amer. « Une famille »
est un peu le contrepoint du livre d’Alice Ferney « les Bourgeois » auquel la famille de Romain aurait dû
ressembler. Mais il aurait fallu pour cela lever le voile et ne pas chercher à
sauver les apparences à tout prix. Un prix trop élevé pour cette famille, selon
Pascale Kramer.
Florence Balestas
Une famille, Pascale Kramer, Flammarion, 2018
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