jeudi, octobre 21, 2021

"Les Bourgeois de Calais", de Michel Bernard (France)

 


Omer Dewavrin est le maire de la ville de Calais, et il a un projet : célébrer un épisode historique de la Guerre de Cent Ans dans la ville du Nord.

Nous sommes en 1347. La ville est assiégée par l’ennemi anglais, et malgré le courage des Calaisiens, les Anglais sont plus forts. C’est donc le sacrifice de ces six hommes, contraints de remettre les clefs de leur ville à leurs assaillants pour laisser la vie sauve à l’ensemble des habitants de la ville,  qui va marquer les esprits : Calais doit avoir sa statue pour commémorer cet épisode.

Mais Omer Dewavrin voit loin. Il lance un concours auprès de grands sculpteurs, et se rend à Paris pour rencontrer un sculpteur prometteur : Auguste Rodin. Nous sommes en 1884 et l’artiste a son atelier rue de l’Université au cœur de Paris. Rodin lui fait les honneurs de son atelier : il y a là une jeune femme nue, qui pose près du poêle. Il y a aussi « La Porte de l’Enfer » qui est en cours d’élaboration. Et encore la « République appelant aux armes », ou enfin « L’âge d’airain », qui marque profondément l’esprit du maire de Calais.

En repartant vers le Nord, il est décidé : ce sera Rodin le sculpteur des Bourgeois, et personne d’autre.

Toute l’originalité de l’auteur, Michel Bernard, c’est ce pas de côté : imaginer la relation d’amitié qui va lier le commanditaire et le sculpteur, à partir de la correspondance retrouvée entre les deux protagonistes, y compris celle de l’épouse du maire, Léonine Dewavrin, qui jouera un rôle prépondérant dans cette aventure, par sa ténacité à toute épreuve.

Car rien ne sera simple dans cette décision : il faudra affronter le goût classique des conseillers municipaux, qui ont du mal avec le génie du parisien, il y a les souscriptions à aller chercher, l’opposition d’un autre maire avec qui Dewavrin doit composer, et les hésitations de Rodin avant de décider quelle apparence donner aux 6 Bourgeois de la Guerre de Cent Ans.

Tout cela prendra donc dix ans, mais l’intuition initiale d’Omer Dewawrin ne sera jamais démentie : au fond de lui il est convaincu du génie de cet artiste devenu au fil du temps un ami, et il est convaincu que Rodin est le mieux placé pour exécuter le souvenir de cet épisode historique : l’avenir dira combien il avait raison.

Au passage on aura approché la vie du sculpteur : enthousiaste à l’idée du projet de Calais, profitant plus tard de la renommée qui va lui échoir, et enfin mélancolique quand une certaine apprentie s’est enfuie de l’atelier… Car oui, on croisera aussi une jeune femme sur qui le regard d’Omer va tomber, et qui semble faire beaucoup d’effet à Rodin : il s’agit de Camille Claudel bien sûr.

Au final Michel Bernard nous livre ici une histoire touchante, pleine de sensibilité, et qui montre la valeur de l’amitié entre un commanditaire et son artiste : un regard plein de délicatesse. 

Florence Balestas

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard, éd. La table ronde, 2021

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