Livre
étrange à l’écriture resserrée. Comme un coup de poing qu’on
prend en pleine figure ; on a peur d’être étouffé par ces
pages remplies de mots sans espace pour respirer. Mais on est
fasciné, entraîné dans cette sorte de poème-confession sur un
rythme de rap. Il y a beaucoup de souffrance et une urgence à
libérer la parole. «Et j’ai les mots dans ma tête. J’aime
bien les mots tant qu’ils restent dans ma tête. Dangereux les
mots. » (p. 26)
De
quoi s’agit-il ? Dans un abribus, un adolescent dont nous ne
saurons pas le nom, sinon le surnom plus tard dans le récit, décide
de ne plus prendre le car de ramassage qui emmène les jeunes du
village au collège ou au lycée et de rester là à fumer des
joints. Et, dans cette espèce de légèreté due à la drogue,
pendant que les voitures passent sur la nationale, les souvenirs
défilent (« Dingue comme les souvenirs peuvent défiler »
(p.
98)
« des trucs qui remontent au fur et à mesure » (p.
113)
et c’est tout un monde qui se dessine.
Nous
sommes dans le 77, non pas dans la Seine et Marne de mon enfance de
laquelle j’ai
retrouvé là les odeurs, non pas dans le soixante-dix-sept, mais
dans le sept-sept et plus précisément dans le sud sept-sept ;
pas loin du village avec son monument aux morts, son lotissement, la
nationale, le bois vert, la centrale électrique et la terre bien
grasse avec toutes ses nuances de marron, le père Mandrin sur son
tracteur. Nous sommes dans un lieu bien réel avec pourtant la
sensation d’être dans un no man’s land angoissant et irréel où
il ne se passe rien. (« Le silence du 77 il devient
insoutenable la nuit » (p.
45))
Peu à peu, au fil de ses pensées, nous apprenons à connaître cet
adolescent, sa famille dont il dit que « c’est compliqué »,
ses amis, Enzo avant qu’il soit le Traître,
la fille Novembre et le grand Kevin.
C’est
un dévoilement progressif, une histoire commencée au bord de la
nationale et qui se termine là aussi dans une sorte d’envol vers
les nuages (« Moi, j’écrirais sur les nuages »p199) ou
vers le silence (« Le silence du 77. Certains y sont restés »
p215)
Une
histoire qu’il était sans aucun doute, pour son auteur, urgent
d’écrire (en témoignent les remerciements à la fin du livre) et
qui nous touche parce qu’elle est profondément humaine.
Françoise
Jarrousse
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