mardi, juin 24, 2014

"La Isla Celeste" de Sara Rosenberg

De l'écrivaine argentine Sara Rosenberg, les adultes francophones ont pu découvrir il y a un an "Un fil rouge" (Ed. La Contre Allée), magistral récit sur les blessures de la dictature dont l'écrivaine fut elle-même victime. Les adultes hispanophones ont peut-­être eu l'occasion de lire "Un hilo rojo", Cuaderno de invierno (Ed. Espas Calpe) ou Contraluz (Ed. Siruela).



Les plus jeunes hispanophones, en esprit ou en âge, peuvent quant à eux découvrir "La Isla Celeste", une histoire poétique et militante illustrée de dessins de l'auteure elle-­même.




"La Isla Celeste" s'appelle ainsi car elle est toute bleue. Entièrement bleue. Comme le ciel, avec toutes les nuances de bleu. Bleus sont les arbres qui y poussent et les animaux qui y vivent. Au delà de sa couleur, l'île n'est pas ordinaire, car elle éprouve des émotions et peut être triste ou joyeuse. Toute petite et délaissée par les navires qui passent au large elle est un refuge pour les animaux qui y vivent et avec lesquels elle parle.

Céleste ne connaît pas les couleurs. Elle les voit de loin en loin, sur les navires qui n'abordent jamais ses côtes. Mais elle voudrait tant connaître les couleurs qu'elle en devient triste. Son désir envahissant pour ce qu'elle n'a pas la rend si triste que sa tristesse devient contagieuse.

Les animaux vont alors décider de chercher pour elle les couleurs et lui en font a surprise. Petit à petit Céleste prend des couleurs, fleurs et plumages se parent de toute la gamme de l'arc­-en-­ciel Iris. Heureusement, un petit coin de l'île a été conservé tout bleu et cela sauvera la baleine Ismael.

Mais tant de couleur finit par attirer l'attention... et une jour débarque un humain plein de projetspour l'île de toutes les couleurs... pleins de projets menaçants... les habitants de l'île auront plusd'un tour à jouer aux promoteur séduit par les couleurs, mais cela suffira-­t­-il à conjurer le danger ?

Une fable qui parle de désir et d'ambition, d'écologie et de solidarité, dont la clarté de la langue est fort bien adaptée à de jeunes lecteurs ou auditeurs (à partir de 8 ans pour l'éditeur) mais qui peut aussi enrichir bien des plus grands. Des bien plus grands même.



Vous aurez sans doute du mal à trouver "La Isla Celeste" dans les librairies hexagonales, mais il suffit d'un voyage en terres hispaniques, réel ou virtuel, pour prendre la mer dans ces eaux où vous croiserez peut-­être aussi Maurice Sendak et Max et ses maxi­monstres...


Marc Ossorguine (et son blog foisonnant !)

"El sí de las niñas" de Leandro Fernández de Moratín

Leandro Fernández de Moratín (Madrid 1760 - París 1828) fue un dramaturgo y poeta español, uno de los más relevantes autores de teatro del siglo XVIII español.

"El sí de las niñas", es una de sus obras teatrales, estrenada en 1806 en MadridSe trata de una comedia en prosa dividida en tres actos que llegó a ser prohibida por la Inquisición... Dos siglos después, esta lucha sigue vigente para muchas muchachas por el mundo...

Traduit en français sous le titre "Le oui des jeunes filles"...




Es una obra que destaca en la literatura del siglo diez y nueve (1806) :  Moratín con valor defiende a las chicas  victimas de matrimonios que ellas no aprueban. Y con ardor en una obra construida con grande arte llega a su meta : convencer al lector que las chicas tienen derecho de dar su opinión ante el matrimonio. En esta obra tan llena de vida y virtuosísima nos ofrece un regalo eterno de respecto, de humanidad y de tolerancia.
François Szabó

vendredi, juin 06, 2014

L'écrivain colombien Santiago Gamboa invité de la Comédie du Livre 2014 !

Hop hop ! C'était il y a déjà deux semaines !?! La Comédie du Livre 2014 s'ébrouait et démarrait de bon matin ! Honneur aux élèves et aux étudiants dans le beau bâtiment Saint Charles de l'université Paul Valéry de Montpellier !



En collaboration avec L'AFCM, le département Langues, Littératures, Arts et Cultures des Suds de l'Université Paul Valéry a reçu l'écrivain colombien Santiago Gamboa qui est venu nous parler de son livre « Plegarias nocturnas » récemment publié en français sous le titre « Prières nocturnes » (voir impression de lecture ici) !



Après une belle rencontre animée par Alba Lara et Carlos Tous qui a duré près de deux heures (compte-rendu à venir), nous avons eu le privilège de déjeuner en compagnie de Santiago Gamboa : des anecdotes sur le petit monde littéraire aux échanges sur la situation de quelques pays d'Amérique Latine, en passant par un bon repas => voilà un début de Comédie bien réussi !




Merci à Santiago et merci à tous de ce moment si convivial !

lundi, mai 19, 2014

La Comédie du Livre 2014, c'est parti !

29ème comédie du livre


Dans deux jours débutera dans toute la ville de Montpellier la 29ème édition de la Comédie du Livre, qui cette année met à l'honneur les littératures nordiques, les éditions Métailié qui fêtent leurs 35 ans d'existence et Xavier Dorison, scénariste de bd, à qui revient la carte blanche...

C'est dans ce cadre que notre comité de lecture s'est attaché à lire en priorité des œuvres des auteurs hispanophones qui seront présents, à savoir Rosa Montero, Luis Sepulveda et le colombien Santiago Gamboa - tous les trois édités par Métailié -, pour vous proposer nos notes de lecture et vous donner envie de venir les rencontrer...


A noter que Santiago Gamboa sera l'invité de l'Université Paul-Valéry et de l'AFCM pour un long entretien le vendredi 23 mai à 10h à St Charles ! Venez nous y rejoindre ! 

Nous serons également présent lors de la rencontre entre Rosa Montero, Johanna Sinisalo et Thomas Day qui se tiendra le vendredi 23 mais à 14h30 au Centre Rabelais avec pour thème "Roman d'anticipation et critique sociale"...


C'est dans le même esprit que l'association des Amis du Grain des Mots a décidé d'axer ces derniers mois une partie de ses lectures sur les auteurs qui seront présents et ils nous offrent ainsi en ligne un magnifique panel constitué de pas moins de 32 fiches de lecture ! Allez donc farfouiller chez eux : vous y ferez de belles rencontres aussi !

Marc Ossorguine, à la fois président des Amis du Grain des Mots et membre de notre comité de lecture, a lui aussi bien fourni son blog à l'occasion de cette Comédie 2014 ! Allez donc le lire lui aussi......



........ Et que la Comédie commence et qu'elle soit bonne pour vous !


samedi, mai 10, 2014

Libros de Poemas (1974-2001) de Darío Jaramillo Agudelo

Impressions de lecture de François Szabo




Esta poesía reunida por el Fondo de Cultura Económica de Colombia, propone de volver atrás el tiempo, empezando con el mas reciente “Cantar por cantar” (2001) hasta el más lejano “Historias” (1974) que acaba el volumen.

Homenajes a la música (blues, jazz), Homenajes a la literatura (Biografías imaginarias), la poesía de Darío Jaramillo Agudelo se inscribe claramente en el universo del siglo veinte.

Su poesía de amor, destacada por su vocabulario directo y no elaborado (sin imágenes falsas) se desarrolla por su construcción que permite una sorpresa para el lector con la tesis del poema y la antitesis del último verso. Aquí se ve su arte de oponer el deseo a la realidad vivida como de su manera hábil de destabilizar el lector.

Suma poética, esta edición permite descubrir la vacilación del autor entre una cierta melodía alcanzada en sus poemas y la pura meta del poeta de cantar por cantar como lo resuma muy bien el más reciente libro.

Libros de Poemas, 1974-2001, Darío Jaramillo Agudelo , 2003

Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #4

(Pour le récit du début de cette soirée, voir là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #1 et là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril #2  et encore là : Semana cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril #3 )

La Surprise !



Avant de redonner place à la poésie elle-même en donnant la parole à nos invités, nous avons eu le très grand plaisir de réussir à entrer en contact avec le poète Darío Jaramillo Agudelo en direct de Bogotá grâce à une connexion en vidéo-conférence ! Si la qualité technique de l'image laissait un peu à désirer (c'était une première pour nous comme pour lui !), celle de l'échange qui a eu lieu a été, elle, vraiment très chaleureuse !


Passés les quelques instants de timidité réciproque, nous avons pu converser, mi en espagnol mi en français, Paula Cadenas et Dolores Panetier s'improvisant courageusement interprètes pour nous !


La première surprise pour Darío Jaramillo, c'est qu'en France on puisse réunir un vendredi soir à 21h tant de monde pour venir découvrir un poète colombien et parler du partage de la poésie ! A cette heure là en Colombie, les gens dînent en famille ou bien regardent la tv, nous a-t-il dit !


Nous lui avons ensuite fait part des réflexions que nous venions d'avoir autour de la diffusion et du partage de la poésie (cf article précédent), et il nous a confirmé qu'en Colombie la poésie se vit dès l'enfance et que cela lui confère une sorte d'évidence qui manque peut-être chez nous en France. Pour exemple, il a entonné un poème de Rafael Pombo, qui a été repris en cœur dans la salle à Montpellier par les Colombiens présents !



El renacuajo paseador

El hijo de rana, Rinrín renacuajo 

Salió esta mañana muy tieso y muy majo 
Con pantalón corto, corbata a la moda 
Sombrero encintado y chupa de boda.


-¡Muchacho, no salgas!- le grita mamá 
pero él hace un gesto y orondo se va. 


Halló en el camino, a un ratón vecino 
Y le dijo: -¡amigo!- venga usted conmigo, 
Visitemos juntos a doña ratona 
Y habrá francachela y habrá comilona.


A poco llegaron, y avanza ratón, 
Estírase el cuello, coge el aldabón, 
Da dos o tres golpes, preguntan: ¿quién es? 
-Yo doña ratona, beso a usted los pies


¿Está usted en casa? -Sí señor sí estoy, 
y celebro mucho ver a ustedes hoy; 
estaba en mi oficio, hilando algodón, 
pero eso no importa; bienvenidos son.


Se hicieron la venia, se dieron la mano, 
Y dice Ratico, que es más veterano : 
Mi amigo el de verde rabia de calor, 
Démele cerveza, hágame el favor.


Y en tanto que el pillo consume la jarra 
Mandó la señora traer la guitarra 
Y a renacuajo le pide que cante 
Versitos alegres, tonada elegante.


-¡Ay! de mil amores lo hiciera, señora, 
pero es imposible darle gusto ahora, 
que tengo el gaznate más seco que estopa 
y me aprieta mucho esta nueva ropa.


-Lo siento infinito, responde tía rata, 
aflójese un poco chaleco y corbata, 
y yo mientras tanto les voy a cantar 
una cancioncita muy particular.


Mas estando en esta brillante función 
De baile y cerveza, guitarra y canción, 
La gata y sus gatos salvan el umbral, 
Y vuélvese aquello el juicio final


Doña gata vieja trinchó por la oreja 
Al niño Ratico maullándole: ¡Hola! 
Y los niños gatos a la vieja rata 
Uno por la pata y otro por la cola


Don Renacuajito mirando este asalto 
Tomó su sombrero, dio un tremendo salto 
Y abriendo la puerta con mano y narices, 
Se fue dando a todos noches muy felices


Y siguió saltando tan alto y aprisa, 
Que perdió el sombrero, rasgó la camisa, 
se coló en la boca de un pato tragón 
y éste se lo embucha de un solo estirón


Y así concluyeron, uno, dos y tres 
Ratón y Ratona, y el Rana después; 
Los gatos comieron y el pato cenó, 
¡y mamá Ranita solita quedó!

Il a aussi rappelé la dimension de lutte de la poésie sud-américaine, une lutte visant avant tout à célébrer la vie en dépit de sa dureté.

Nos invités lui ont demandé si, au delà du magnifique Festival de Medellín, la diffusion de la poésie passe aussi comme chez nous par la diffusion radiophonique et il nous a dit qu'à sa connaissance, non, très très peu d'initiatives vont dans ce sens. Il a invité ses collègues français à se rapprocher des responsables du Festival pour leur proposer des discussions et des rencontres sur ce thème.


François Szabó lui a posé quelques questions concernant la naissance de sa vocation de poète, et Darío a confirmé que ses parents, son père en particulier, avaient veillé à lui faire vivre un bain de littérature dès sa plus tendre enfance, ce qui a fait que l'écriture a toujours été une sorte d'évidence qui s'est imposée à lui...


S'en est suivi un moment de poésie où Jaramillo nous a dit quelques uns de ses poèmes... en voici deux parmi les quatre ou cinq qu'il a partagés avec nous !


Sabiduría del gato:

hacer pereza todo el día sin llegar nunca al tedio.
Materialización del gato:
cuando el gato se convierte en materia, saca las uñas.
Astucia del gato:
fingir que es un animal doméstico.
Silencio del gato:
los gatos guardan todos los secretos de la noche.
Misterios del gato:
todo en el gato es misterioso.

Tiré du recueil "Gatos" (2008)



Sagesse du chat :
paresser toute la journée sans jamais atteindre l'ennui.
Matérialisation du chat :
lorsque le chat devient matière, il sort les griffe.
Ruse du chat :
feindre d'être un animal domestique.
Silence du chat :
les chats gardent pour eux tous les secrets de la nuit.
Mystères du chat :
tout dans le chat est mystérieux.

(Trad. L. Holvoet)

Tu voz por el teléfono tan cerca y nosotros tan distantes,
tu voz, amor, al otro lado de la línea y yo aquí solo, sin ti, al otro lado de la luna,
tu voz por el teléfono tan cerca, apaciguándome, y tan lejos tú de mí, tan lejos,
tu voz que repasa las tareas conjuntas,
o que menciona un número mágico,
que por encima de la alharaca del mundo me habla para decir en lenguaje cifrado que me amas.
Tu voz aquí, a lo lejos, que le da sentido a todo,
tu voz que es la música de mi alma,
tu voz, sonido del agua, conjuro, encantamiento.

Tiré de "Poemas de amor" (1986)

Ta voix au téléphone si proche et nous si loin l'un de l'autre,
ta voix, mon amour, de l'autre côté de la ligne et moi ici seul, sans toi, de l'autre côté de la lune,
ta voix au téléphone si proche, qui m'apaise, et toi si loin de moi, si loin,
ta voix qui revient sur nos devoirs communs,
ou qui mentionne un numéro magique,
qui au delà de l'explosion du monde me parle pour dire en langage codé que tu m'aimes.
Ta voix ici, au loin, qui donne du sens à tout,
ta voix qui est la musique de mon âme,


ta voix, bruit de l'eau, exhortation, enchantement.

(Trad. L. Holvoet)


En échange, nos invités languedociens ont eux aussi partagé des textes avec lui, avec nous !

François Szabó nous a dit un poème de son recueil "Páginas de invierno" (2001)


Un beso dado por tus labios
Vuelve loco los más sabios

Un beso robado a tus labios
Y ya no podré mas decir adiós

Que vuelvas pa’ que no desaparezca
Que vengas pa’ que por fin me conozcas

Ay lastima de momentos hundidos
Ay lastima de esos pasos perdidos

Nuestros caminos han de cruzar


Debo seguir tu olor de azahar

Michel Arbatz a, lui, convoqué Jacques Prévert et Son Orgue de Barbarie (recueil "Paroles")

Moi je joue du piano
disait l'un
moi je joue du violon
disait l'autre
moi de la harpe 
moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou...
moi de la flûte
et moi de la crécelle
Et les uns les autres parlaient parlaient
parlaient de ce qu'ils jouaient.
On n'entendait pas la musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait
mais dans un coin un homme se taisait.
"Et de quel instrument jouez-vous monsieur
qui vous taisez et qui ne dites rien?"
lui demandèrent les musiciens.
"Moi je joue de l'orgue de Barbarie
et je joue du couteau aussi"
dit l'homme qui jusqu'ici
n'avait absolument rien dit
et puis il s'avança le couteau à la main
et il tua tous les musiciens
et il joua de l'orgue de Barbarie
et sa musique était si vraie
si vivante et si jolie
que la petite fille du maître de la maison
sortit de dessous le piano
où elle était couchée endormie par ennui
et elle dit:
"Moi je jouais au cerceau
à la balle au chasseur
je jouais à la marelle
je jouais avec un seau
je jouais avec une pelle
je jouais au papa et à la maman
je jouais à chat perché
je jouais avec mes poupées
je jouais avec une ombrelle
je jouais avec mon petit frère
avec ma petite sœur
je jouais au gendarme
et au voleur
mais c'est fini fini fini
je veux jouer à l'assassin
je veux jouer de l'orgue de Barbarie.
"Et l'homme prit la petite fille par la main
et ils s'en allèrent dans les villes
dans les maisons dans les jardins
et puis ils tuèrent le plus de monde possible
après quoi ils se marièrent
et ils eurent beaucoup d'enfants.
Mais
l'aîné apprit le piano
le second le violon
le troisième la harpe
le quatrième la crécelle
le cinquième le violoncelle
et puis ils se mirent à parler parler
parler parler parler
on n'entendit plus la musique
et tout fut à recommencer !



Enfin, pour clore cette soirée qui a vraiment filé, Christian Malaplate nous a offert l'un de ses beaux textes...

DANS LE GRAND SILENCE DE LA NUIT

Dans le grand silence de la nuit, je marche vers des pôles imaginaires.
J’entre dans un chant venu d’ailleurs avec le Verbe qui apaise les ondes.
Je cultive mon jardin intérieur dans le fondement des couleurs ciselées.
Je capte les faisceaux des symboles en pénétrant dans les cercles de la béatitude
Parmi les eaux de la nuit des temps et la mémoire ancestrale des hommes et des dieux.

Dans le grand silence de la nuit, je rencontre des folies brûlantes,
Des peines aux blessures insondables et les interrogations du regret.
Je cherche à faire danser les mots dans le cri de la vie et dans les miroirs sphériques.
Une alchimie secrète naît entre le sens caché des choses et l’usure des jours perdus.
Elle efface lentement les cicatrices intimes et les départs inattendus.

Dans le grand silence de la nuit, j’écoute les longs échos des voix qui se sont tues.
Je façonne les nervures des éclats émotionnels et des murmures du cœur.
Je navigue entre le pays natal et cette contrée sauvage où tout est possible,
A la recherche d’un monde nouveau, à la quête d’une terre promise.
Mes mains dessinent des figures fugitives et des fabuleux bestiaires enluminés.

Dans le grand silence de la nuit, les grands vents semeurs de palabre,
Voyagent parmi les brisures d’étoiles et les lunes tentaculaires.
Des morceaux de musique s’accrochent à des visages aimés, à des souvenirs inachevés.
Des ombres évanescentes dansent dans le reflet d’une lune rousse.
Elles se transforment en étranges clapotis puis elles partent dans une sarabande échevelée.

Dans le grand silence de la nuit, je voyage dans des brumes parfumées,
Dans des galeries translucides, dans des espaces mobiles et dans des sanctuaires animaliers.
Les cercles s’agrandissent. J’entre dans la nuit profonde, hors des limites humaines.
Je deviens un buveur d’horizon qui traîne sur les chemins de l’errance et de l’exil.
Il y a la terre des origines, le soleil des solitudes et tous les ferments de discordes.

Dans le grand silence de la nuit, je nage dans les eaux du secret, dans les eaux de l’alchimie intérieure,
Dans les eaux métamorphosées de l’inconscient et dans les eaux primordiales du monde.
Je chemine dans l’univers des ondes vers les langues de feu et les illuminations de l’esprit.
Je traverse des territoires étranges, des cités interdites, des forêts symboliques,
Des enclos d’innocence, des domaines d’amour et des lieux de contemplation absolue.

Dans le grand silence de la nuit, je pose mes mains sur des crânes. J’entre dans un humble apostolat.
J’égrène des phrases apocryphes, des mots cartographiques et des attentes salvatrices.
Je parlemente avec des bruits avant-coureurs. Je dénude mes saveurs éduquées.
Je bois tous les sucs et toutes les sèves de mon jardin secret
Avant d’entrer dans des cathédrales de lumière et de suivre les chemins de jouvence.

Dans le grand silence de la nuit, je découvre le passage du dense au subtil,
De la matière à l’esprit, le courant de la vie, de la mort et celui de la conscience.
Je devine l’arbre de vie qui a pour sève la rosée céleste et l’harmonie parfaite.
Je porte dans mes bras la gerbe de blé qui symbolise la fécondité de la terre.
Je décortique mon âme, je sais que la lumière de l’aube approche.


Voilà, ce sont les mots sur lesquels nous nous sommes quittés un peu à regret ! Mais, pas d'inquiétude :  nous saurons nous retrouver à d'autres occasions !

L'AFCM remercie tous nos invités et le public pour leur présence chaleureuse et passionnante...


Pour voir la vidéo de cette soirée, rendez-vous sur le site de notre asso :
http://amitiesfrancocolombiennesmontpellier.fr/
 

Des larmes sous la pluie


Des larmes sous la pluie... les fans de Blade Runner y verront un clin d'oeil à cette histoire.

Nous sommes en 2109, sur les États-Unis de la Terre. Les réplicants sont des êtres créés par les humains pour remplir les tâches les plus ingrates, qui peu à peu se sont battus pour acquérir des droits, mais ne sont toutefois pas encore tout à fait intégrés ou acceptés dans la société. Ils naissent à l'âge de 25 ans avec une mémoire artificielle et vivent environ dix ans, puis meurent de la TTT (tumeur totale techno).
Bruna Husky, une réplicante, va s'apercevoir que plusieurs réplicants sont morts dans des crises de folie meurtrière. Elle va alors mener son enquête, avec pour seuls alliés quelques marginaux, et découvrira peu à peu l'existence d'un trafic de mémoires vérolées.
Or Bruna doit faire vite car il lui reste peu de temps à vivre. Ainsi à travers elle, Rosa Montero nous parle de notre mort à tous, de notre vie limitée et de ce que nous pouvons en faire...
Mais Bruna va se trouver confrontée à des êtres dangereux, comme les Suprématistes humains, membres d'un parti politique prônant l'exclusion et l'élimination progressive des réplicants. Ici, la science-fiction met en scène le présent : Rosa Montero évoque le sentiment d'intolérance que connaissent nos sociétés actuelles. Sur d'autres points, et notamment sur les questions environnementales, elle anticipe sur les problèmes auxquels nous risquons d'être bientôt confrontés si nous n'agissons pas rapidement :
"Autour d'eux, tout semblait en glace ou en verre mais il s'agissait en réalité de thermoglass, ce matériau synthétique et incassable capable de créer des ambiances thermiques. Ils marchèrent à travers une reproduction de ce qui avait dû être l'Arctique, avec ses grandes roches glaciaires et ses icebergs brillants qui flottaient sur des mers de cristal, jusqu'à une longue crevasse irrégulière qui séparait les visiteurs d'un lac au bleu intense et de plateformes de glace, le foyer de Melba. Depuis le bord du fossé, on pouvait contempler l'animal, s'il était hors de l'eau et ne s'était pas caché parmi les roches. Mais le mieux était de descendre dans la crevasse. C'est ce que firent Nopal et Husky : ils montèrent sur le tapis roulant comme des touristes appliqués et descendirent entre les parois glissantes et cristallines. Le tapis avançait très lentement et sur les murs de la crevasse, sur cinq écrans successifs qui se confondaient les uns dans les autres, on projetait le film des derniers moments de la Melba d'origine. Réellement, on avait l'impression d'y être, quand on voyait se briser le dernier petit morceau de glace auquel l'ourse voulait s'agripper, l'animal qui nageait de plus en plus lentement, soufflait en s'enfonçant sous la surface, ressortait son museau sombre hors de l'eau dans un effort d'agonisant et poussait un gémissement épouvantable, un grognement entre la fureur et la terreur. Avant de disparaître finalement sous une mer gélatineuse et noire."
J'avoue avoir eu quelques difficultés à me plonger dans les 130 premières pages de ce roman de science-fiction, cependant je me suis par la suite laissée emporter par une intrigue captivante.
Un récit bien construit, avec au centre le thème de la mémoire si cher à l'Espagne actuelle.
Rachel Mihault
Des larmes sous la pluie, Rosa Montero, traduit par Myriam Chirousse, éd. Métailié, 2013

vendredi, mai 09, 2014

"Mundo del fin del mundo" de Luis Sepúlveda

Mundo del fin del mundo, de Luis Sepúlveda, 1989

Toujours à la Comédie du Livre, nous attendons la visite du chilien Luis Sepulveda ! Alors pour les amateurs de l'auteur du Vieux qui lisait des romans d'amour et de l'Histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler, il était temps de replonger dans son univers ! Place à un roman qui ne date pas d'hier !

Plus d'un siècle et demi plus tard, c'est à une magnifique plongée dans le monde de Moby Dick que nous invite Sepúlveda ! Dès les premiers mot de ce court roman, le lien est fait avec le monument d'Herman Melville : « Llamadme Ismael..., llamadme Ismael... » repetí varias veces mientras esperaba en el aeropuerto de Hamburgo y sentía que una fuerza extraña ortogaba cada vez mayor peso al delgado cuadernillo del pasaje, peso que aumentaba conforme se acercaba la hora de salida. » Et, dans l'avion du retour, les derniers mots affirment une dernière fois le lien de parenté : « El chico leía Moby Dick. »
Mais un siècle et demi plus tard, Sepúlveda, auteur et cinéaste écologiste, nous entraîne dans un monde qui a changé : les baleines sont désormais protégées et leurs persécuteurs se trouvent « obligés » de déployer des ruses criminelles pour continuer leurs carnages...
C'est en trois temps que se déroule ce beau voyage en Patagonie.
Nous sommes en 1988 et le narrateur est un journaliste chilien résidant en Allemagne et qui travaille dans une agence de presse spécialisée dans les informations sur l'écologie et l'environnement. Embarqué dans un avion pour le Chili, il nous raconte comment dans sa jeunesse, après avoir lu Moby Dick à quatorze ans et convaincu ses parents de le laisser aller découvrir le grand sud chilien pendant l'été de ses seize ans, il avait pu s'embarquer sur un baleinier, l'Evangelista, et vivre une expérience inoubliable dans le dédale des îles du grand sud chilien.
Puis les années ont passé, il nous entraîne alors à la découverte du travail d'enquête du journaliste qui depuis son bureau à Hambourg cherche à recouper des informations inquiétantes en provenance de Puerto Montt : un baleinier appelé Nishin Maru serait en train d'opérer des massacres dans les eaux au large du Chili alors que les informations officielles le situe dans l'Océan Indien... Nous entrons alors là dans l'intimité du travail des organisations de défense de l'environnement telles que Greenpeace. Nous découvrons ainsi comment grâce à quelques personnes très déterminées et à des moyens – en particulier des bateaux - assez limités mais très mobiles et très dévoués, des opérations de lobbying et de dénonciation réussissent à avoir un retentissement mondial.
Finalement, alors qu'il repoussait régulièrement le jour où il allait remettre les pieds sur le sol de son pays natal – qu'il avait fui pour cause de mauvais traitements dans les prisons de la dictature -, notre narrateur se retrouve en quelques jours presque malgré lui obligé d'aller poursuivre l'enquête sur place. Retour sur les bateaux, sur la mer, sur les îles sauvages et dans les fjords de ce grand sud mythique. Cette aventure maritime est vraiment passionnante. Et, au delà des baleines, Sepúlveda n'oublie pas non plus de nous parler des peuples premiers de ces régions, indiens chonos, onas, etc., ni des corsaires fameux tels que Francis Drake et ni tous ces gens pour qui cet endroit du monde n'appartient à aucune nation et n'est que le Monde de la Fin du Monde !
Extraits :
P. 26 Alors que le narrateur a 16 ans, et qu'il mange dans une gargote de Puerto Nuevo...
«  - Usted no es de por aquí, paisanito. Habla demasiado. ¿No será por casualidad un fugado de la casa? ¿De dónde es usted?
  • De Santiago.
Mi respuesta sobresaltó al carabinero que hacía las preguntas.
  • A ver, ¿tiene carné de identidad?
Lo tenía, y nuevecito. Se lo entregué junto al plastificado permiso notarial que fimaran mis padres. El carabinero leyó moviendo los labios.
Luego las formalidades de nombres y domicilios el permiso decía : “Y en nuestra condición de padres legítimos y responsables legales del portador, declaramos que viaja por el sur del territorio nacional con nuestra autorización y consentimiento. Este permiso caduca el 10 de marzo de...”.
  • Patiperro el hombre. ¿Qué le parece, cabo? Santiaguino el paisano. Esto es lindo. Me alegra saber que todavía hay chilenos que quieren conoceríu país. ¿Cómo está el corderito? -consultó amistoso el carabinero al tiempo que me devolvía los documentos.”


P. 77 Pour comprendre comment l'écologie et la défense de l'environnement se retrouvent otages d'intérêts mal assumés...
Los japoneses. A veces es bien difícil no caer en el pozo de la intolerancia, y cuando esto ocurre uno empieza a generalizar, a meter a todos los habitantes de un país en un mismo saco.
En Japón hay una fuerte presencia ecologista, y los amigos nipones realizan su trabajo jugándose muchas veces la vida, porque los depredadores del mundo no son partidarios del diálogo ni de los razonamientos legales, y cuando los aceptan, es para utilizarlos como atenuantes en las demandas judiciales.
Hay que señalar que no son solamente los depredadores japoneses os que practican el juego de la doble moral que caracteriza a un mundo regido por la ética del mercado. Japón es uno de los siete países más ricos del planeta y un interlocutor fundamental; a veces hasta da la impresión de ser una nación con patente de corso. Por ejemplo: todos los países de Europa, Estados Unidos, la Unión Soviética y la mayoría de los Estados africanos condenan la caza del elefante y reconocen el peligro de extinción en que se encuentran los gigantes grises de África. Pero ningún país condena a Japón, el gran incentivator de la caza y el mayor comprador de marfil del planeta. De más está señalar que controla el mercado y que es el principal proveedor de marfil a Europa, Estados Unidos y la Unión Soviética. ¿Y para qué sirve el marfil? Toda su utilidad se limita a la fabricación de unos pocos artículos de lujo; con toda seguridad podemos afirmar que el talento de una Paloma O'Shea o de un Claudio Arrau no se verá disminuido al sentarse frente a piano cuyo teclado no sea en marfil, y continuaránácon sus formidables interpretaciones de Mozart o Scarlatti sin que para ello haya que exterminar animales de seis u ocho toneladas, de los cuales se obtienen cuarenta miserables kilos de marfil.”

P. 105, à propos de la solidarité...
Al día siguiente el capitán Nilssen me sacó de la cama con las primeras luces del alba. En el comedor nos esperaba una generosa cafetera y pan recién horneado. Adivinando mis pensamientos se apresuró a informarme de Sarita.
  • Progresa. Naturalmente sufre los dolores de toda fractura, pero es una niña fuerte. Como bien sabe, estamos en territorio de brujos y éstos le avisaron de su llegada. Le manda saludos desde su lugar de reposo, y esta nota. Tenga.

En una hoja escrita con letra temblorosa, Sarita decía que, luego de ver al Nishin Maru en el astillero de la Armada, decidió fotografiarloóy al parecer no tomó ólas debidas precauciones para hacerlo. Llevó los rollos de película al laboratorio fotográfico de un amigo y, al salir con las fotos, dos desconocidos le echaron un auto encima. Apenas pudo verles las caras, pero estaba segura de que se trataba de chilenos. Le arrebataron el material y la dejaron tirada en la calle. Sarita me agradecía el haber dispuesto que la llevaran a un lugar seguro, pues en el hospital la amenazaron de muerte si abría la boca. Ella ignoraba que todo era obra de Nilssen y preferí no hacer preguntas al respecto. Confiaba en Nilssen, y confiar en alguien es uno de los mejores sentimientos que uno peude albergar.”

Cette balade dans les terres australes est revivifiante : mon plaisir de lectrice a été grand ! Outre l'intrigue qui sait nous retenir, les descriptions des paysages et l'énumération des noms de lieux mythiques nous permet de faire un voyage inoubliable !
GRAND ENTRETIEN AVEC LUIS SEPÚLVEDA
Pour rencontrer l'auteur, rendez-vous le samedi 24 pour le Grand Entretien avec Luis Sepulveda !

Laurence Holvoet