Aubin
est un jeune homme très attachant.
Son
Grand Oncle, Anchise, était un apiculteur installé sur les hauts de Nice, tout
comme toute la famille d’Aubin. Celui-ci garde un souvenir mémorable de la fois
où les abeilles de son rucher avaient attaqué sa mère et lui, par un soir
d’orage, sans que le Grand Oncle se décide à leur prêter main forte : il
riait à gorge déployée devant le spectacle et ne voyait pas l’intérêt de lever
le moindre petit doigt pour éviter l’attaque. De ce souvenir douloureux, dont
Aubin conservera quelques jours un œil gonflé par une piqure d’abeille, sa mère
gardera l’idée que son oncle est quelqu’un d’infréquentable, et il ne sera plus
question de le revoir. Pourtant cet Anchise n’était qu’un original qui,
quelques temps plus tard se suicidera en s’immolant par le feu, inconsolable de
la mort de sa femme 60 ans plus tôt, une femme portant un prénom un peu désuet
mais adorable : « Blanche » ….
Aubin
grandit.
Entre
une mère caissière et un père ripeur – on aurait pu dire aussi « agent de
collecte des déchets » ou bien encore éboueur, mais le père préférait
ripeur, plus chic – qui les quitta tous deux du jour au lendemain, sans coup
férir, et remplacé un an plus tard par un dénommé Maxence dit Maxou, avec qui
Aubin ne veut rien à voir à faire.
Ça
tombe bien : Maxou joue aux jeux vidéo, tandis qu’Aubin grimpe dans la
colline derrière chez lui. Il habite à proximité de son oncle et de sa tante :
Tante Stefi est maître-chien et le beauceron loge dans sa niche à côté de la
maison, tandis que leurs deux jumeaux passent leur temps à se goinfrer et que
l’oncle regarde des films pornos. Un cadre charmant, quoi …
Il
y a peu la maison d’Anchise a été rasée. Mais juste avant Aubin trainait
souvent dans la maison désaffectée, une maison tout en fouillis et dans
laquelle il a déniché une trompette. L’instrument trône maintenant sur une
étagère au-dessus de son lit : trouvera-t-il une occasion de l’utiliser un
jour ?
La
maison d’Anchise rasée, la commune décide d’y installer une déchetterie. Des
déchets, il en sera question tout au long de ce récit, et c’est un des thèmes
de ce récit qui révèle plein de surprises
A
l’image de cet Abdel, jeune gardien de la déchetterie, qu’Aubin va
rencontrer : « Adel je ne sais pas le décrire, il a des yeux jaunes,
et tout est dit ». Aubin est plein d’un sentiment nouveau pour cet Adel,
un sentiment qu’il ne saurait nommer (trop dangereux) mais il cherche toutes
les occasions de se rapprocher de lui, trainant autour de la déchetterie pour
apercevoir son « ami ».
Adel
va faire découvrir une musique à Aubin, une musique dont il n’a jamais entendu
parler – chez lui on écoute « Chériefem » - une musique qu’il appelle
Jazz.
Alors Aubin fouille sur Internet et découvre l’histoire triste et belle de Chet
Baker – très beau chapitre sur la vie de ce trompettiste hors norme et sur sa
fin dramatique. Ce musicien lui donne envie de s’essayer à la trompette
d’Anchise : « La trompette pourrait-elle être un leurre pour attraper
Adel ? »
Je
connaissais Maryline Desbiolles pour avoir lu plusieurs de ses livres,
notamment « la Seiche » que je vous recommande si vous ne
l’avez pas encore lu. Elle avait déjà brossé le portrait d’Anchise dans un
livre qui avait pour titre ce seul nom, « Anchise ». Ici
l’autrice poursuit et fouille encore la question de la mémoire, de la
transmission, des restes que nous laissons derrière nous et de cette
civilisation du déchet recyclé que nous connaissons aujourd’hui.