Alfons Cervera, nous l’aimons bien. Marc nous en parlait déjà il y a
quatre ans, après sa lecture de « Tant de larmes ont coulé depuis » et l’an dernier, à
l’occasion de la Comédie du Livre, nous avions participé
activement à l’animation d’une rencontre avec le tandem Alfons – Georges menée par JulienDelorme.
Or,
nous vous le disions dans l'article précédent : la rentrée de La Contre Allée est prometteuse. Après le Nord du monde de
Nathalie Yot, paraîtra début octobre « Un autre monde / Otro
mundo » d’Alfons Cervera, traduit par Georges Tyras.
Françoise qui l’a lu en version originale, a décidé de partager
avec nous sans attendre ses impressions !
« Il
est des livres dont on n’arrive pas à se déprendre parce qu’ils
créent en nous une sorte d’onde de choc et dont il est difficile
de rendre compte par peur de n’être pas à la hauteur. « Otro
mundo », « Un autre monde » d’Alfons Cervera
dont la parution à La Contre Allée est imminente (le 4 octobre) est
de ceux-là.
Dans
ce livre de peu de mots, qui est comme une fugue musicale, Alfons
Cervera nous ramène une fois encore à son Macondo personnel, Los
Yesares, et à son thème récurrent, la mémoire. La sienne et celle
des vaincus, de ceux qui ont été condamnés au silence. C’est
pour eux qu’il écrit et pour son père qui fut l’un d’eux :
« C’est pour toi que j’écris. Pour sortir ta mémoire du
silence auquel t’ont condamné les années d’infamie ».
Et
« Otro mundo » c’est la tentative d’un dialogue
impossible avec un père par delà la mort, pour briser le silence
qui a été celui de toute sa vie même s’il a la certitude « qu’un
jour tu as voulu parler et que tu as décidé de te taire pour
toujours ».
« Otro
mundo c’est un livre sur le silence, sur un passé dont il ne reste
qu’un souvenir incertain que l’écriture tente de redessiner mais
dont les lignes restent à jamais floues. Car ce sont les brumes du
passé, si chères à Leonardo Padura que nous restitue Alfons
Cervera à travers « la calligraphie fragile de l’oubli ».
C’est
aussi un livre sur le temps qui passe, sur l’enfance, « ce
temps qui se prolonge à l’infini », sur la jeunesse perdue,
un livre écrit avec « la couleur orangée du crépuscule ».
Un
livre impressionniste fait de petites touches couleur sépia, d’une
délicatesse extrême où Alfons Cervera questionne l’écriture
(« écrire, c’est arriver nulle part »), fustige les
écrivains qui font de la littérature de la mémoire leur fonds de
commerce, s’interroge sur la façon dont le livre se prolongera
chez le lecteur.
Un
livre où il convoque les écrivains qui ont accompagné sa vie, qui
lui ressemblent et qui, comme lui, écrivent « à la marge ».
Et parmi ces compagnons de route figure Patrick Modiano, son double
français.
Et
ce livre, il s’insinue en nous, au plus profond et sa musique
entêtante nous renvoie à nos propres questionnements. Ce petit
livre, d’une profonde humanité, est un grand livre.
Il
sera dans les librairies le 4 octobre dans la traduction de Georges
Tyras, son traducteur de toujours, qui connaît si bien Alfons que
ses traductions semblent venir de l’intérieur des mots. »
Françoise
Jarrousse
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