lundi, mai 14, 2012

La désirante, de Malika Mokeddem


L'auteure, Malika Mokeddem, est algérienne, née le 5 octobre 1949 à Kenadsa.
Elle est médecin, spécialiste en néphrologie, mais elle n'exerce plus depuis 1985 et se consacre à l'écriture.
Elle vit à Montpellier depuis 1979.
Elle a obtenu le Prix Littré, en 1991, pour Les hommes qui marchent (qui a été traduit en espagnol). Dans ses livres, transparaît son combat pour les femmes opprimées.


La désirante (livre publié en 2011 chez Grasset):

Le compagnon de la narratrice a disparu en mer. Seul son bateau, nommé Vent de sable, a été retrouvé à la dérive au large du golfe de Squillace (tout au sud de la botte italienne). Elle s'accroche à l'espoir qu'il n'est pas mort mais qu'il a dû être enlevé, même s'il n'y a eu aucune demande de rançon. Et elle va partir à sa recherche, depuis Montpellier où elle vit.
Voici un passage qui rend compte des sentiments très forts qui lient cette femme à son compagnon et de sa détermination sans faille à le retrouver :
 « Je prends le large et je te parle. Je te parle parce qu'à mon tour, je dois te convaincre que tu ne peux pas disparaître en Méditerranée sans que je sois capable de te retrouver. Je te parle parce que ton absence m'enchaîne à ce bateau plus solidement qu'aucun harnais. Je te parle parce que pour la première fois le manque a un corps, le tien. Je te parle pour que la mer te rende à moi. Je te parle parce que je te veux vivant. Je te parle de Vent de sable, ce grand vent qui de nouveau m'emporte. Avec ma propre détermination cette fois. »
La mer est évidemment très présente dans le récit, car la narratrice et son compagnon aiment naviguer. On y trouve de nombreuses descriptions de la vie des marins, par exemple : 
« Le vent, les vagues n'attendent pas. Redoublant de vigilance surtout par des mers de grande circulation comme celle-ci, les marins sont les plus souvent rivés entre cockpit et pont. Ils se nourrissent à la hâte. Leurs vaisselles débordent de l'évier. Ce n'est qu'à bon port qu'ils se soucient de ranger, de laver. Harassés mais comblés, ils se prêtent alors à ce rituel de l'arrivée avec une lenteur enfin déconnectée : remettre le bateau en ordre, le dessaler, se dessaouler eux-mêmes de l'ivresse de la traversée et domestiquer le mal de terre. »
C'est aussi le récit d'une enquête bien sûr, l'enquête que cette femme va mener pour essayer de comprendre comment son compagnon a pu disparaître. Elle en a l'expérience puisqu'elle a été journaliste.
La narratrice a un lien très physique avec la nature. Elle aime le sable qui lui rappelle celui du désert de son enfance, en Algérie. Elle se ressource au bord de la mer, sur la plage du Grand Travers :
« Le monde avait changé de siècle mais la mer était toujours la même. Ce jour de mai 2000, j'étais encore à la regarder. Juste de l'autre côté. Comme je le faisais là-bas. La terreur en moins. J'avais arpenté la plage du Grand Travers une partie de ce samedi après-midi. Elle n'a rien de particulier, si ce n'est qu'elle n'est pas bétonnée. Que j'en aime le nom, Grand Travers. Je me sentais tellement délabrée. J'avais tellement besoin de toucher le sable, de l'éprouver. Je m'y étais jetée, enfoncée, comme à mon habitude. Et comme d'habitude, son contact m'avait restituée à moi-même. »
Elle n'avait pas de famille, pas de maison, plus de pays puisqu'elle a quitté l'Algérie. Son compagnon est toute sa vie.
Elle évoque également la guerre civile en Algérie, qu'elle a fuie, puis l'exil.
Et son amour des livres qu'elle a dû laisser derrière elle en partant :
« Mon dernier regard fut pour les livres qui tapissaient tous mes murs. C'était là l'image du désastre des exils dans l'urgence : fuir comme une voleuse en abandonnant des textes qui m'avaient nourrie, portée, aidée à résister sans savoir si je pourrais, un jour, les récupérer. J'avais refermé ma porte sur le chagrin de cet abandon. »

On voit bien ici que Malika Mokeddem aime la langue française et les mots. Elle nous offre un très beau portrait d'une femme libre, forte et sensible.
C'est un récit très agréable à lire, même s'il y a parfois quelques longueurs. C'est une écriture très poétique qui fait la force du roman.
Rachel Mihault

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