Continuons
notre découverte des nouvelles de Sergi Pàmies. Son dernier opus en
date (Ed. Jacqueline Chambon/Actes Sud, 2014) est donc "Chansons d'amour et de pluie". Comme dans son précédent recueil, Sergi Pàmies nous balade dans son
exploration de la vie quotidienne. Celle de ses contemporains et -
vues l'acuité et la pertinence de sa vision du monde – de la
sienne.
Il nous promène au cœur
des aléas de nos vies humaines en abordant tous les grands et petits
sujets de la vie, de l'amour et de la mort. Si l'on devait chercher
un point commun à ces vingt-six récits, ce serait peut-être qu'il
y a toujours un grain de sable qui vient perturber le cours des
choses...
Une averse au moment T
préfigure la durée d'un amour. Une voiture mal garée marque la fin
d'un amour ou d'une vie. Une absence de pleurs à la naissance
présume une vie sans histoire, sans aucune histoire. Une femme qui
pleure à heure fixe provoque un duel à mort entre un protagoniste
et l'auteur. Un papetier ému aux larmes perturbe l'auteur venu
s'approvisionner en carnets, au point que ce dernier doive changer de
projet d'écriture faute de se souvenir de celui qu'il avait en
entrant dans le magasin...
L'absurde tient toujours
une belle place aussi dans l’œuvre de Pàmies. La mort de leur
maman qui rassemble pour un temps deux extra-terrestres vivant dans
deux galaxies différentes. La chasse et la mise à mort du temps. Le
don du corps à la littérature. Le père qui attend et veille sur sa
fille à la sortie d'une discothèque qui glisse dans sa propre
adolescence. En assistant à notre propre enterrement, on
comprendrait mieux notre vie...
Marc Ossorguine nous en parle lui aussi sur son blog !
Vous hésitez encore ?
Voici un petit avant-goût !
"La vie
inimitable
Qu'il n'ait pas pleuré
au moment de sa naissance fut le premier indice d'une volonté, alors
embryonnaire, de passer inaperçu. Mais au cours des semaines qui
suivirent il se rendit compte qu'être différent pourrait lui nuire
et il s'efforça de sangloter de temps en temps, de façon assez
soutenue pour ne provoquer ni inquiétude ni stress. Ses parents le
regardaient avec orgueil. Ils jouissaient des avantages d'avoir un
enfant sans avoir à en supporter les inconvénients. Il mangeait
bien, supportait les flashes des appareils photo, les onomatopées
affectueuses et les avalanches de diminutifs. Quand c'était le
moment de dormir, il respirait avec emphase afin que personne n'ait à
s'approcher à chaque instant pour vérifier qu'il était toujours
vivant. Il apprit à parler et à marcher pour ne pas décevoir les
attentes de son entourage. L'école, qui est une délivrance pour les
parents négligents, ouvrit une longue parenthèse de tranquillité.
Tandis que ses camarades vivaient les angoisses des bras dans le
plâtre et des sautes d'attention, il s'installa dans la normalité à
un rythme de croisière. Il ne voulut pas avoir d'amis pour ne pas
leur voler une énergie qui, il en était convaincu, serait mieux
employée au bénéfice de quelqu'un d'autre. Quand, à l'heure de la
récréation, tout le monde jouait à se demander quel personnage il
aimerait être, il ne répondait pas mais il pensait : l'Homme
invisible. (…)"
Tous les membres du
comité de lecture de l'afcm sont ravis d'avoir bientôt l'occasion
d'échanger avec Sergi Pàmies lors de la 30ème Comédie du Livre de
Montpellier !
"Chansons
d'amour et de pluie" de Sergi Pàmies, traduction du Catalan par
Edmond Raillard, Ed. Jacqueline Chambon, 2014, 140 p.
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