La petite maison
d’édition L’Atinoir a eu la merveilleuse idée de publier en
2010 ce très beau récit d’un grand auteur argentin
malheureusement très peu connu ici et oublié dans son propre pays.
« Un écrivain maudit, oublié par le système » disent
ceux qui tentent de maintenir sa mémoire vivante. Ce porteño, né
en 1924, fils d’immigrés juifs italiens, qui a passé son enfance
dans le quartier de Villa Pueyrredón était tellement attaché à
sa ville qu’il aurait souhaité ne jamais la quitter. Mais les
années noires de la dictature en décidèrent autrement. Après la
disparition de son grand ami Haroldo Conti, il fut contraint de fuir
au Mexique. Pendant ses années d’exil il publia « De
dioses, hombrecitos y policias » qui obtint le prix Casa de las
Américas, ce qui fit dire à Cortázar : « Pour moi
il est un écrivain important ».
C’était un homme grand et robuste qui fut
tour à tour, vétérinaire, vendeur, céramiste, enquêteur,
passionné de tango qu’il dansait et chantait mais avant tout un
écrivain, poète, homme de théâtre, auteur de contes et de romans.
Sa dernière œuvre « Rapsodie de Raquel Liberman » raconte la véritable épopée de Raquel Liberman, prostituée juive, soumise à la sinistre Zwi Migdal , qui se rebelle contre son destin et en meurt. Cette œuvre est restée inachevée et n’a toujours pas été publiée. Humberto Costantini, revenu à Buenos Aires en 1983, avec le retour à la démocratie, est malheureusement mort d’un cancer en 1987. Humberto Costantini était un homme généreux, un militant qui s’est éloigné du parti communiste à cause des dérives staliniennes et a rejoint le parti révolutionnaire des travailleurs. C’était un homme droit dont la devise était : « Hacer lo recto a los ojos de Jehová es decir acatar su destino » (faire ce qui est juste c'est-à-dire obéir à son destin). C’était ce qu’il avait l’habitude de dire et c’est ce qui a guidé sa vie.
Sa dernière œuvre « Rapsodie de Raquel Liberman » raconte la véritable épopée de Raquel Liberman, prostituée juive, soumise à la sinistre Zwi Migdal , qui se rebelle contre son destin et en meurt. Cette œuvre est restée inachevée et n’a toujours pas été publiée. Humberto Costantini, revenu à Buenos Aires en 1983, avec le retour à la démocratie, est malheureusement mort d’un cancer en 1987. Humberto Costantini était un homme généreux, un militant qui s’est éloigné du parti communiste à cause des dérives staliniennes et a rejoint le parti révolutionnaire des travailleurs. C’était un homme droit dont la devise était : « Hacer lo recto a los ojos de Jehová es decir acatar su destino » (faire ce qui est juste c'est-à-dire obéir à son destin). C’était ce qu’il avait l’habitude de dire et c’est ce qui a guidé sa vie.
Et il ne faut pas oublier
cette profession de foi car c’est elle guide le lecteur, comme un
fil d’Ariane, dans « La longue nuit de Francisco Sanctis ».
Qui est cet homme qui donne son nom à ce court récit ? Un
homme sans relief particulier d’une quarantaine d’années,
vaguement gauchiste dans sa jeunesse estudiantine, employé de
bureau, divorcé et remarié, père de trois enfants, heureux en
ménage, sans ambition particulière si ce n’est vivre le plus
tranquillement possible dans l’ambiance lourde de la dictature
argentine des années 70. Le hasard d’un coup de fil va venir
bouleverser l’ordre des choses : Une ancienne camarade d’étude
lui demande d’aller prévenir deux hommes dont elle sait que la
police militaire va venir les arrêter et ce dans un délai de 10
heures. Francisco Sanctis est face à un terrible dilemme :
obéir ou non à cette injonction. Et au cours de cette longue nuit
où il marche dans la ville face à sa conscience, dans une ville
lugubre où l’on respire l’angoisse, il va « faire ce
qui est juste et accomplir son destin ».
Ce récit est
profondément émouvant parce qu’il nous concerne et nous rappelle
notre propre histoire. Il l’est d’autant plus qu’il n’y a
aucun pathos, tout y est suggéré. Et nous sommes tenus en haleine
comme s’il s’agissait d’une sorte de thriller métaphysique. Le
ton se veut délibérément alerte, le style est nerveux, proche du
langage populaire, on y retrouve des accents de Roberto Arlt. En même
temps, c’est comme si nous étions embarqués dans un roman
d’aventures : L’auteur interpelle le lecteur au début de
chaque chapitre, comme dans le Quichotte, et lui annonce ce qui va
se passer tout en le maintenant en haleine. Tout commence ainsi, au
chapitre premier : « Où, afin que le lecteur ne se leurre
pas trop sur le plaisir qu’l prendra à lire ce petit livre, on
prend soin de préciser tout d’abord qu’il s’agit plutôt d’une
œuvre de type psychologique, donc, à dire vrai, passablement
ennuyeuse. Ces précautions étant prises, on en vient à raconter
quelques petites choses au sujet d’un appel téléphonique
intempestif… » N’en croyez pas un mot, n’hésitez pas à
suivre ce héros ordinaire en marche vers son destin qui peut être
aussi le nôtre.
Françoise Jarrousse
P.S. Un couple de jeunes
réalisateurs argentins, Andrea Testa et Francisco Márquez ont
réalisé un film à partir de ce récit, au titre éponyme, qui aété présenté au dernier festival de Cannes dans la section « Uncertain regard ». Il vient d’être primé au festival
international du cinéma indépendant de Buenos Aires 2016. Cela
donnera peut-être envie aux éditeurs argentins de publier à
nouveau Humberto Costantini.
La longue nuit de Francisco Sanctis, Humberto Costantini, éd. L'atinoir, 1984
Edit du 18/12/16 : Ah oui ! C'est une belle lecture que celle-ci ! Un thriller psychologique où la quasi ineptie des tiraillements de la conscience se heurtent de plein fouet à une histoire de vie ou de mort... C'est le Buenos Aires des années soixante-dix, mais c'est aussi l’Istanbul de 2016 ou n'importe quel lieu hier aujourd'hui ou demain où les sinistres ont réussi à confisquer le "pouvoir" en faisant régner la terreur... Outch !
"Par ailleurs, il sait qu'il n'est pas trop difficile d'éviter la petite porte, de faire la sourde oreille au "T'es pas cap !", et que le monde ne va pas cesser de tourner pour autant. Mais il a également l'intuition que s'il se défile, s'il ne se lance pas dans ce mano a mano décisif avec "son" moment, tous les autres moments de son existence perdront brutalement tout leur sens. Qui pourrait douter que le Francisco Sanctis que l'on voit là est douloureusement tiraillé par la crainte et le doute ? Mais il sait aussi qu'il y a également un autre Francisco Sanctis bien conscient de ce qu'il est en train de faire, plein de ferveur et de courage, et qui parfois traîne à sa remorque l'autre, l'indécis, le désabusé, le froussard !"Laurence Holvoet
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