mercredi, février 26, 2020

"L'Ancêtre" de Juan José Saer (Argentine)

Le plaisir du partage de lectures s'infuse dans tous les lieux de rencontre possibles et imaginables. Les réseaux sociaux en sont, indéniablement.
Alors quand les éloges d'un livre sont éclatants et qu'ils sont formulés par une lectrice très avertie, on a très envie de les partager plus encore :

Merci donc à Françoise Salamand-Parker qui a accepté que l'on fasse un article de son grand coup de cœur ! Voilà donc ce que "L'Ancêtre" lui a inspiré :

"Voilà ma vision : C’est un livre-monde. Pour moi, j’ai su dès les premières pages que j’avais affaire à un grand roman.
Roman d’aventure, roman d’apprentissage, roman philosophique à la manière de Voltaire ou Rousseau, roman anthropologique, roman poétique.

La langue est belle en français. (je n’ai lu que la traduction de Laure Bataillon) Des phrases longues mais jamais pesantes qui cheminent dans l’imaginaire puisque le roman est présenté comme un recueil de souvenirs d’un vieil homme, pourtant cet imaginaire est très concret, très visuel. Il y a le jaune (étincelant, celui-ci, le jaune de la plage), le bleu du fleuve omniprésent, le brun des indiens, le rose des étrangers et ce noir qui englobe tout dans une contrée mythique mais indéterminée où le verbe « être » n’existe pas et est remplacé par « paraître ». Débutant comme un roman d’aventure avec toutes les tribulations de marins, la narration devient anthropologique : un narrateur (le mousse survivant de 17 ans qui écrit quand il a en 60) décrit la vie quotidienne de la tribu indienne nullement nommée dont il est devenu mi-prisonnier mi-protégé. Le déroulement de l’année atteint son climax lors de cérémonies orgiaques où s’entre-mêlent batailles, cannibalisme, beuverie et sexe en tout genre, puis douleurs extrêmes et morts. Ensuite tout redevient calme. Ce n’est pas sans rappeler les Bacchanales des Romains ou le Karnaval des gueux dont la violence ferait peur aux édiles montpelliérains et à laquelle on préfère des violences plus lointaines, plus sanglantes et moins rituelles quoique plus sauvages. Quels sont les mythes fondateurs d’une société ? Un hubris calendaire ou une sauvagerie qui s’auto-légitime et qui n’a pas de limite dans le temps ? Il y a bien sûr dans ce livre la dichotomie attendue et un peu caricaturale entre le « Sauvage » qui n’est pas toujours rousseauiste et le « Civilisé » qui n’est pas toujours bon. Ce qui fait craquer le texte comme le narrateur, c’est cette scène originelle et écrite d’une manière crue sans concession, cette vision de la fête cannibale où l’Homme est face à face avec son animalité. C’est grandiose…"

Et voilà que la Collectrice Françoise Jarrousse est venue en rajouter :

"Ce roman coule comme le flux ininterrompu d'un fleuve et nous emporte. C'est en effet grandiose. Et, Françoise, quelle belle analyse !"




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