vendredi, avril 29, 2022

"Une enfance persane" de Vida Estivale (France, Iran)


Le récit de Vida Estivale commence par un désastre (un deuil) en 1956, alors qu’elle n’est encore qu’une enfant. Il se termine par un mystère, le pressentiment, peut-être, d’un autre malheur.

Mais entre les deux, et même depuis, que de lumière, de parfums, de couleurs, de fruits, d’images ! « Le souvenir du bonheur est encore du bonheur » a écrit un chanteur. Vida nous fait partager ses journées de petite fille dans « l’Iran d’antan », au sein d’une famille éclairée, dont les membres se répartissent - non sans conflits, parfois - entre l’islam et le bahaïsme, religion qui prône l’égalité hommes-femmes, l’éducation pour tous, l’harmonie entre religion et science (sept millions de membres aujourd’hui, dans près de deux cents pays). « À cette époque, le tchador n’était qu’un habit traditionnel… fait de beaux tissus de couleur aux motifs souvent très joyeux (…) En été, les tchadors transparents donnaient une allure sensuelle aux femmes, dont on devinait parfaitement la silhouette ».

Vida trottine à côté de son grand-père dans un champ de pavots plus hauts qu’elle : les Anglais ont naguère converti les Iraniens (comme les Chinois) à l’usage de l’opium, qui les affaiblit et les rend dépendants. L’enfant n’en a pas conscience ; elle hume avec délice l’odeur âcre des fleurs, et bientôt celle des capsules d’où coule une sève blanche, tout comme elle respire le parfum de térébinthe des pins, l’herbe mouillée et la confiture de pommes.

Pendant ce temps, les ragots vont bon train : la tante Ammé-Irane ayant, seule de la famille, fait le pèlerinage de La Mecque, en a-t-elle profité pour s’y débarrasser de son mari ? Elle est revenue seule… Laquelle des jeunes filles qui nouent les hautes tiges de blé pour trouver un fiancé dans l’année sera exaucée la première ? Les fêtes se succèdent, réunions de famille dans les grandes maisons aux toits plats, ou sous les palmes… Les grenades sont suspendues aux arbres comme des boules de Noël ; l’odeur du blé soufflé se confond avec celle des amandiers en fleurs ; dans une maison appartenant à une confrérie de soufis (branche libérale de l’islam), les hommes entrent en transe en chantant, accompagnés par les accents de la flûte.

Peu de dialogues, dans ce récit, mais des promenades dans les vergers, et puis des nuits d’été, sous la moustiquaire et les étoiles, sur de grands lits en bois tirés dans le jardin. Comment passer des mille et une nuits à la France ? Vida, nous attendons la suite 

Hélène Honnorat 

 "Une enfance persane" de Vida Estivale. Editions des Quatre Seigneurs, 2022. 178p. 

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