lundi, avril 11, 2022

"Le Destin va ramener les étés sombres" de Etel Adnan (Liban-États-Unis)

 

La poésie de Etel Adnan trouve enfin en une édition de poche en français un moyen de parvenir à tous. Etel Adnan puissante inspiratrice poétique dans tous les arts y trouve enfin une reconnaissance à sa hauteur.

Merci à Alain Mabanckou d’avoir œuvré à cela, Et si la parole de la poète subsiste c’est encore grâce à cette poésie complexe mais audible, ce propos précis mais rythmé et évocateur.

Ce sont univers qui se succèdent dans une lente danse des mots et qui nous entraîne là où ne l’on ne s’y attend pas, lecture toujours dépaysante, lecture toujours renouvelée.

Ferment de modernité cette anthologie peut être comprise telle un testament.

François Szabó 

Le Destin va ramener les étés sombres, Etel Adnan, traduit de l’américain par Martin Richet, Jérémy Victor Robert, Françoise Despalles, Pascal Poyet, Françoise Valéry, éditions Points Seuil, 2022, 321 pages

 

lundi, avril 04, 2022

"De l’Hexagone considéré comme un exotisme" de Francis Navarre (France)

 

Savoir que Francis Navarre, sillonnant la Doulce France à moto, pratique un « régime un peu bas pour ne pas surcharger vilebrequin et embiellage » me laisse, je l’avoue, faute de compétences dans ce domaine, indifférente. Mais un auteur qui déclare n’avoir pas besoin de se pousser trop pour s’émerveiller… qui aime Georges Perec, Primo Levi et qui a lu huit fois « Le vide et le plein » de Nicolas Bouvier, mérite d’être accompagné dans ses pérégrinations ! J’ai donc enjambé les quelques éléments techniques du début pour le suivre avec délice dans les vignes de Champagne, sur le plateau de Millevaches ou à la Ferté-Vidame, village natal de Saint-Simon. Car le narrateur du bouillonnant « De l’Hexagone considéré comme un exotisme » est lui aussi accompagné, par des ombres tutélaires penchées sur son épaule (ou sur son guidon ?) : outre les traces du duc mémorialiste, il évoque celles d’autres compagnons, avec l’ânesse de Stevenson, parcourant les Cévennes, l’épervier de Maheux, village introuvable... C’est plein d’originalité, d’humour, de personnalité.

vendredi, avril 01, 2022

"La fille qui aimait les nuages" de Patrice Montagu-Williams (France)

 

On peut lire La fille qui aimait les nuages, (suivi de L’impératrice Rouge ; Le royaume de Nina) pour le plaisir de l’architecture des intrigues politico-policières, et c’est un plaisir légitime : elles sont bien documentées, et (hélas) tout à fait d’actualité : « Mettre tout le monde devant le fait accompli en faisant régner la loi du plus fort » s’applique certes à la politique extérieure chinoise, mais pas seulement ! Et l’axiome « Chez nous, c’est le Parti qui décide souverainement si une information est crédible ou non », lequel, dans le texte, se réfère au Viêtnam, trouve ailleurs de sanglantes illustrations. Quant à la bataille féroce pour l’énergie à l’échelle internationale, elle figure en bonne place dans Le royaume de Nina, avec le groupe Total en premier rôle. Sans parler des oligarques russes, des « usines à trolls » et des armées privées.

lundi, mars 28, 2022

"Bas bruit" de Joëlle Lafaye (France)

S’il fallait définir d’un mot le style de Joëlle Lafaye, je dirais « fluidité », et c’est un sacré compliment, à l’heure où triomphe parfois ailleurs un certain charabia (syntaxe bancale, coquilles non corrigées, etc.) « Fluidité », cela ne connote nullement la platitude, mais bien plutôt l’élégance, la limpidité ; l’aisance dans les enchaînements des phrases, des scènes, des péripéties, des chapitres ; la maîtrise du style indirect libre. « Bas bruit », le titre, pourrait ainsi se référer à la fois à l’intrigue – l’effondrement progressif d’un personnage dont un secret de famille va saper les racines – et à sa mise en scène : pas de fracas, rien de tonitruant, juste un effritement… et les surprises qui l’accompagnent.

Le héros, Renaud Bradier, est habitué à tout contrôler : son cadre de vie, ses relations, lui-même. « Un pinailleur de première », comme dit le menuisier qu’il a chargé de construire une mezzanine ! Dans sa raideur, il n’est pas particulièrement sympathique. Mais le lecteur va le suivre, de gré ou de force, voire même éprouver pour lui de l’admiration quand cette raideur se transforme en rigueur, appliquée à lui-même.

mercredi, mars 16, 2022

"Lorsque le dernier arbre" de Michael Christie (Canada)

 

Lorsque Jacinda Greenwood, jeune étudiante en Colombie-Britannique en botanique, qui fait visiter une des dernières forêts primitives préservée sur une île préservée (on est en 2038), apprend par son ex, un jeune avocat brillant, qu’elle pourrait être l’héritière de ce lieu privilégié au milieu d’arbres centenaires, elle a du mal à y croire. Il faut dire qu’elle vit à l’heure du « Grand Dépérissement », un temps où la poussière a majoritairement envahi la planète alors qu’elle a trouvé un îlot de verdure qu’elle fait visiter à de richissimes visiteurs.

C’est le début d’une quête qui va nous plonger dans les origines familiales de Jacinda dans un très long flash-back : on part tout d’abord en 2008 pour faire connaissance avec Liam, le père de Jacinda, ébéniste, qu’on découvre en mauvaise posture puisqu’il vient de faire une très grave chute d’un chantier sur lequel il travaillait – occasion pour lui de repenser à son histoire personnelle.

Il y dépeint notamment le portrait de sa mère, Willow, une militante écologique engagée corps et âme dans sa lutte pour préserver les arbres.

Puis on remonte encore en arrière, en  1974, lorsqu’elle va aller chercher son oncle Everett à la sortie de la prison où il a passé plus de trente ans enfermé, à la demande de son père Harris – un magnat du bois, à l’origine de la destruction de milliers d’arbres canadiens.

Et puis on va remonter en 1934, et c’est la naissance d’un bébé qui va mettre en branle tout une histoire, et même jusqu’en 1908, où l’on verra deux enfants orphelins (Harris et Everett) à la vie résolument chevillée au corps.

samedi, mars 05, 2022

Rencontres en poésie

 Les Collecteurs vous proposent plein d'activités ! 

Outre nos rendez-vous mensuels d'échanges littéraires, les Livres libres qui viennent à votre rencontre à la Maison pour tous Frédéric Chopin, nos propositions de lecture sur ce blog, nos interventions radiophoniques (sur Divergence et FM+) et nos échanges dans le groupe Facebook Les Collecteurs, los co-lectores, ... nous vous invitons par ailleurs régulièrement à des rencontres publiques autour d'auteurs qui nous ont marqués.

Le samedi 5 février, nous vous avons proposé une rencontre autour de la poésie de Martine Biard, qui est aussi historienne, romancière et conférencière. Ce fut un très beau moment, merci à elle et à François Szabo qui anima la rencontre ! 

Voici quelques photos, ainsi que le lien vers la vidéo qui propose quelques extraits de ce beau moment !


mercredi, mars 02, 2022

"Qu'allait-il donc faire dans le Drakensberg ?" de Philippe Vinard (France)

 

 

« Qu’allait-il donc faire dans le Drakensberg ? » On se le demande, et on se demande même, lorsqu’on est aussi ignare que moi, où se trouve le Drakensberg, en contemplant la couverture joliment fardée d’ocre du livre de Philippe Vinard. L’avant-propos nous donne heureusement la réponse : cette chaîne de montagnes « marque la frontière du Lesotho, un pays grand comme quatre départements français et entièrement enclavé en Afrique du Sud ».

Ce livre est une histoire de frontières, poreuses, élastiques… nous traversons les époques, avec les aventures de plusieurs générations (beaucoup d’ethnologues, de missionnaires, d’écrivains, protestants pour la plupart) ; nous suivons des lignes imaginaires s’étirant depuis les Cévennes jusqu’à l’Afrique du Sud et à ce minuscule Lesotho, qui rayonne comme un aimant ou un diamant. Nous franchissons parfois la démarcation entre l’hypothèse et la réalité. Philippe Vinard nous conduit par le bout du nez, au cœur d’un triple mystère.

lundi, février 28, 2022

"Tribulations initiatiques en Amérique latine" de Vincent Fauveau (France)


Pour assouvir son désir de départ, l’auteur de « Tribulations initiatiques en Amérique latine » s’embarque comme « pilotin » (aspirant officier non diplômé) sur un navire de la marine marchande. Ce fut la fonction de l’un de mes oncles, lequel racontait que le pilotin était, à bord, chargé des piqûres, même s’il ne possédait aucune compétence infirmière ou médicale ! Notre héros, lui, est lesté d’une année d’études de médecine, ce qui lui ouvrira bien des portes, au cours de son périple. Il est du reste prêt à endosser avec talent – même si par hasard – des rôles variés : jeune révolutionnaire de mai 68, grand séducteur supposé, ecclésiastique…

En Équateur, au Pérou, en Bolivie, en Colombie, au Venezuela, il passe par nombre de lieux parfois fort dangereux, mais il passe aussi entre les gouttes (agressions, tentations du repos – y compris de celui du guerrier) et s’échappe toujours, sautant agilement de pays en pays.

vendredi, février 11, 2022

"Le Parfum d'Adam" de Jean-Christophe Rufin (France... mais on voyage !)

C’est un gros roman d’espionnage (750 p. en poche) par lequel j’ai été très vite captivée. Le thème en est l’écologie et le terrorisme qui en découle. C’est une enquête assez trépidante qui nous emmène en Pologne, dans le Colorado, sur la côte est des États-Unis, en France, en Afrique du Sud, au Cap-Vert, au Brésil, et j’en oublie certainement… Mais en tout cas, on voit du pays !

Le résumé de l’éditeur conclut ainsi sa présentation : « L'écologie en France est considérée comme une cause acquise et sympathique. Pourtant au niveau mondial, l'écologie radicale constitue selon le FBI la deuxième source de terrorisme. À travers ce grand roman d'enquête, Jean-Christophe Rufin dévoile les paradoxes de la pensée écologique et va jusqu'à l'extrême bout de sa logique. Il jette les bases d'une série destinée à explorer les nouvelles réalités contemporaines, au carrefour de la médecine et de la politique internationale. »

vendredi, février 04, 2022

"Lisez-moi !" de Magali Brieussel (le monde !)

Deux avis pour un seul livre... On est co'lectrices ou on ne l'est pas !

"« Lisez-moi ! », c’est un petit livre écrit par Magali Brieussel, la charmante libraire-traductrice-voyageuse-écrivaine de La Géosphère

C'est l'histoire d'un carnet acheté par un jeune homme dans une librairie de Kampala (en Ouganda), et qui va passer de main en main et faire ainsi le tour de la planète en compagnie de personnages hauts en couleurs... Chacun de ses propriétaires successifs écrit – ou n'écrit pas d'ailleurs ! – quelque chose dedans... jusqu'à ce qu’il atterrisse dans les mains d'une traductrice qui entreprendra de… Mystère !

L’écriture est bondissante et joyeuse, d’ailleurs on y croise Alice ! Pour proposer ce texte de fiction, Magali s’est servie de ses souvenirs : chaque lieu-protagoniste est un endroit qu’elle a visité lors d’un long voyage autour du monde fait avec son compagnon il y a une douzaine d'années. Et ces lieux ont tous un rapport avec le monde du livre : librairie, bibliothèque, imprimerie, et même île déserte !

dimanche, janvier 30, 2022

"Qui a peur des vieilles ?" de Marie Charrel (France)

 


Je vous parle aujourd’hui d’un livre qui avait attiré mon attention à sa parution…

et très surprise, j’ai gagné un exemplaire dédicacé à un concours sur l’Instagram de Catherine Berra (journaliste qui a créé la chaîne youtube Dame Mature) !

Qui a peur des vieilles ? a été écrit par Marie Charrel, journaliste et autrice de romans et de nouvelles.

Elle se donne ici pour mission de montrer que les femmes ne doivent pas avoir peur de vieillir mais continuer à cultiver le bonheur, quel que soit leur âge.

Et l’avant-propos donne le ton puisque Marie Charrel nous souhaite la :

« Bienvenue au pays des rides heureuses » !

Elle appuie son propos sur les travaux de chercheuses et de journalistes (Michelle Perrot, Simone de Beauvoir, Gail Collins, …) ainsi que sur un grand nombre de témoignages de personnes de plus de 50 ans connues ou non, avec qui elle a pu échanger de manière approfondie.

mardi, décembre 28, 2021

"Un mari d'Asie", de Hélène Honnorat (France)

 

Voilà un livre réjouissant et rafraichissant – une très bonne idée de cadeaux si vous ne savez pas quoi offrir pendant cette période de fêtes.

C’est un récit nous dit-on sur la couverture. Le récit d’un ailleurs que l’autrice a vécu sur le plan professionnel et qui est devenu aussi un ailleurs dans sa vie amoureuse.

Le livre s’ouvre au moment où le séduisant Upali, accompagné de sa future épouse, tente de braver tous les obstacles qui se dressent sur la route avant de convoler en de justes noces. Et des tracasseries il y en a ! La bureaucratie française se pique de dénoncer un mariage blanc – mais il n’en est rien, puisque de communauté de vie il en est bien question.

Les voyages, Hélène Honnorat, connaît son sujet. Mais pas en simple touriste comme nous le ferions, non, en véritable professionnelle expatriée. Jugez du peu : Malaisie, Sri Lanka, Antilles, Jakarta,  Costa Rica– une spécialiste, vous dis-je.

lundi, décembre 06, 2021

"Secrets", de Claudio Magris (Italie)

 

Dans ce petit opuscule paru aux Editions bibliothèque Rivages, le grand auteur italien Claudio Magris dévoile les différents aspects du "secret."

Politique, religieux, ou intime, le secret a de multiples ramifications.

Le pouvoir a besoin de secrets, rappelle l'auteur au début, même s'il est démocratique, et l'existence de "services secrets" en est l'un de ses bras armés.

On pense bien sûr au secret religieux, et au secret de la confession (dont il est question en ce moment de ses limites), et au secret spirituel qui plonge ses racines dans notre histoire humaine.

Mais la partie la plus intéressante est celle où Claudio Magris parle de l'intime, citant le « droit à l’opacité » cher à Edouard Glissant.

Au travers de l’écriture – un sujet qui devrait intéresser tous les Collecteurs – l’auteur cite longuement des auteurs, dont Javier Marias.

lundi, novembre 22, 2021

"Mistigris" de Philippe Vinard (France)


Philippe Vinard est un transfuge des étonnantes éditions Yovana qui ont publié trois de ses livres.

Avec Mistigris (aux éditions des Quatre Seigneurs), il nous plonge tout vifs dans sa propre parentèle. Quelle famille n'est pas déjantée, bancale, phobique, schizo, parano (ou particulièrement cachottière) ?! Celle-ci ne fait pas exception à la règle : un grand-père issu de la bourgeoisie protestante du Midi, prof en Khâgne, une mère qui, refusant d'être professeur, s'inscrit à Femme Sec (La Femme Secrétaire) ! Trois enfants qui, chaque automne, la regardent partir pour l'hôpital, conduite par le père, car au moment où les feuilles tombent, elle tombe elle aussi en dépression, jusqu'à ce qu'elle refile ce mistigri, cette mauvaise carte, à son mari.

Lui, donc, le père, qui en vertu de la règle des vases communicants, se trouve mal quand son épouse va mieux, et dont le corps devient « un hall de gare de maladies diverses » pendant trente ans… Sa cécité disparaît après son entrée en maison de retraite, mais à quoi bon revenir en arrière, il y reste.

lundi, novembre 15, 2021

"La Poésie du Portugal des origines au XXème siècle", Maryvonne Boudoy & al. (France)

 


La Poésie du Portugal éditée par Chandeigne offre à la poésie une bible de plus de 280 auteurs et quelques 1100 poèmes en version bilingue. C’est une somme qui donne à voir l’expression de toute une culture et civilisation avec ses constantes et ses variations et fait ressentir une saveur particulière inédite par son ampleur.

Que désirer de plus comme un livre univers pour un somptueux cadeau ?

A lire et à savourer par multiples gorgées, splendeur et vision tenace de toute une palette émotive et sonore qui enchante réellement.

Dans le mitan des langues le portugais s’offre une place de choix dans le domaine poétique et cette anthologie le démontre avec profusion.

François Szabó

La Poésie du Portugal des origines au XXème siècle, Maryvonne Boudoy et al., Édition de Max de Carvalho (Portugal), Chandeigne, 2021, 1892 pages