« Bon,
ok, j’ai des passades. Au début de cette année, j’ai découvert
l’écriture de Lilian Bathelot par « Simple mortelle ». Ça m’a plu. Et puis Catherine m’a prêté
« C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du blanc », ça m’a
botté. Alors à la Comédie du livre, j’ai trouvé « Terminus mon ange », je l’ai pris. Et je l’ai lu en deux soirs,
hier et avant-hier !
Whaouh !
Cela
ne fait que cent dix-neuf pages, mais c’est dense et sensuel. C’est
l’histoire d’une rencontre dans toute son essence. Oui, voilà.
La situation, les circonstances sont particulières (dans les deux
sens du terme, elles sont à la fois uniques parce que c’est lui,
parce que c’est elle, mais elles sont aussi exceptionnelles parce
que les protagonistes s’avèrent être exceptionnels), mais ce que
nous raconte Lilian Bathelot, c’est toutes les sensations, les
flashs, les accélérés, les ralentissements que l’on vit tous –
je crois – lorsque l’on rencontre quelqu’un qui nous touche. Un
truc carrément universel quoi. C’est beau. »
Laurence
Holvoet
p. 21 « Le train roulait clac
clac, et de temps en temps, quelque chose à dire me passait par
la tête. Et même deux ou trois trucs qui l’auraient entraînée
dans une conversation sans qu’elle s’en rende compte, bien
qu’elle semblât plutôt sur ses gardes, en définitive.
Mais je renonçais chaque fois à
tenter d’allumer la conversation.
J’y renonçais sans raison, comme
d’habitude depuis toutes ces semaines. Juste à cause du brouillard
que j’avais dans la tête, et qui faisait que je n’étais pas
certain de savoir me dépatouiller de la suite si je me lançais dans
quelque chose.
Peur de ne pas contrôler la suite. »
p. 48 « Quelque part, quelqu’un
avait tourné l’interrupteur. Tout était devenu plein, incroyable,
et ami.
Les mots et les gestes étaient tous à
leur place, comme les pêchers d’un verger où il y a trop d’herbes
folles sous un soleil très bas et les arbres en fleurs. Lové sous
l’édredon, on voit le soleil à travers les pêchers, les pêchers
à travers la fenêtre écaillée dont les vitres bullées déforment
un peu les choses. Elle ne voit pas tout ça, elle, elle dort encore,
juste à côté, sous le même édredon, et on sent la douceur de sa
cuisse contre la peau du ventre, l’odeur de son sommeil, qu’on
aime tellement soudain, un peu douce, un peu forte, parce qu’on
s’est aimé tellement, aussi, et que ces moments-là remontent à
la surface. »
p. 65 « Dans la vitre sombre,
j’ai vu son visage se relever. Ses yeux n’étaient pas exactement
dans les miens, ils avaient élargi le champ à tout mon visage, et
ils avaient des questions, ça se voyait, des questions qui ne
venaient pas de la même boîte que mes réponses, impossible de
faire des familles.
J’ai haussé les épaules.
Là, c’était une réponse qui ne
lui allait pas trop mal sans doute, qui avait dû tomber sur une
question possible, parce qu’elle s’est mise à hocher la tête,
doucement, longtemps, un temps dispersé qui ne peut s’empiler dans
aucune minute, qui s’ouvre sur des infinis qu’on entrevoit à
peine et dont on ne sait pas très bien s’ils sont à l’intérieur
de nous-même ou s’ils viennent d’ailleurs, mais ce n’est pas
grave au fond : ils existent, on les a effleurés, c’est tout
ce qu’on peut faire, on ne peut pas mieux, c’est impossible.
On aimerait bien, pourtant, que ça
dure davantage, surtout si on les a effleurés ensemble avec
quelqu’un d’autre, et qu’on choisit à ce moment-là d’appeler
cet effleurement je t’aime. »
Lilian Bathelot, un auteur devenu incontournable en plus d'un ami. Celui dont vous parlez est mon préféré. Jetez-vous dedans.
RépondreSupprimer