mardi, août 07, 2018

« Terminus mon ange » de Lilian Bathelot (France)

« Bon, ok, j’ai des passades. Au début de cette année, j’ai découvert l’écriture de Lilian Bathelot par « Simple mortelle ». Ça m’a plu. Et puis Catherine m’a prêté « C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du blanc », ça m’a botté. Alors à la Comédie du livre, j’ai trouvé « Terminus mon ange », je l’ai pris. Et je l’ai lu en deux soirs, hier et avant-hier !
Whaouh !

Cela ne fait que cent dix-neuf pages, mais c’est dense et sensuel. C’est l’histoire d’une rencontre dans toute son essence. Oui, voilà. La situation, les circonstances sont particulières (dans les deux sens du terme, elles sont à la fois uniques parce que c’est lui, parce que c’est elle, mais elles sont aussi exceptionnelles parce que les protagonistes s’avèrent être exceptionnels), mais ce que nous raconte Lilian Bathelot, c’est toutes les sensations, les flashs, les accélérés, les ralentissements que l’on vit tous – je crois – lorsque l’on rencontre quelqu’un qui nous touche. Un truc carrément universel quoi. C’est beau. »
Laurence Holvoet


p. 21 « Le train roulait clac clac, et de temps en temps, quelque chose à dire me passait par la tête. Et même deux ou trois trucs qui l’auraient entraînée dans une conversation sans qu’elle s’en rende compte, bien qu’elle semblât plutôt sur ses gardes, en définitive.
Mais je renonçais chaque fois à tenter d’allumer la conversation.
J’y renonçais sans raison, comme d’habitude depuis toutes ces semaines. Juste à cause du brouillard que j’avais dans la tête, et qui faisait que je n’étais pas certain de savoir me dépatouiller de la suite si je me lançais dans quelque chose.
Peur de ne pas contrôler la suite. »


p. 48 « Quelque part, quelqu’un avait tourné l’interrupteur. Tout était devenu plein, incroyable, et ami.
Les mots et les gestes étaient tous à leur place, comme les pêchers d’un verger où il y a trop d’herbes folles sous un soleil très bas et les arbres en fleurs. Lové sous l’édredon, on voit le soleil à travers les pêchers, les pêchers à travers la fenêtre écaillée dont les vitres bullées déforment un peu les choses. Elle ne voit pas tout ça, elle, elle dort encore, juste à côté, sous le même édredon, et on sent la douceur de sa cuisse contre la peau du ventre, l’odeur de son sommeil, qu’on aime tellement soudain, un peu douce, un peu forte, parce qu’on s’est aimé tellement, aussi, et que ces moments-là remontent à la surface. »


p. 65 « Dans la vitre sombre, j’ai vu son visage se relever. Ses yeux n’étaient pas exactement dans les miens, ils avaient élargi le champ à tout mon visage, et ils avaient des questions, ça se voyait, des questions qui ne venaient pas de la même boîte que mes réponses, impossible de faire des familles.
J’ai haussé les épaules.
Là, c’était une réponse qui ne lui allait pas trop mal sans doute, qui avait dû tomber sur une question possible, parce qu’elle s’est mise à hocher la tête, doucement, longtemps, un temps dispersé qui ne peut s’empiler dans aucune minute, qui s’ouvre sur des infinis qu’on entrevoit à peine et dont on ne sait pas très bien s’ils sont à l’intérieur de nous-même ou s’ils viennent d’ailleurs, mais ce n’est pas grave au fond : ils existent, on les a effleurés, c’est tout ce qu’on peut faire, on ne peut pas mieux, c’est impossible.
On aimerait bien, pourtant, que ça dure davantage, surtout si on les a effleurés ensemble avec quelqu’un d’autre, et qu’on choisit à ce moment-là d’appeler cet effleurement je t’aime. »


1 commentaire:

  1. Lilian Bathelot, un auteur devenu incontournable en plus d'un ami. Celui dont vous parlez est mon préféré. Jetez-vous dedans.

    RépondreSupprimer

N'hésitez pas à nous faire part de votre avis !