« Ils », c’est un titre par défaut, par défaut de notre langue qui n’englobe pas, comme le fait le « they » anglais, le masculin et le féminin. Parce que « Ils », c’est « eux », c’est « elles », c’est « nous ». Parce que c’est de notre vie qu’il s’agit, de choses qu’elle observe, qui nous relient les uns aux autres. Elle dit : « J’écris sur ce que j’observe des autres,… sur ce qui se passe entre nous, les autres, nous, quels autres sommes-nous ? ».
C’est une poésie de peu de mots et les mots en résonnent d’autant plus. Et ils nous ramènent à des choses de notre vie, des choses qui peuvent paraître banales, mais pas toujours, les choses de la vie. Il y a le repas du dimanche, le trajet en métro, le déménagement, la manifestation, l’enterrement, la maison de retraite et bien d’autres choses encore, par exemple Noël :
« Ils achètent un arbre
Ils achètent tous le même arbre
ils le maquillent
en or
en argent
en rouge
toutes les couleurs parfois
des millions d’arbres maquillés
au mois de décembre
ils célèbrent le jour où un enfant est né
certains disent que l’enfant est divin
d’autres non… »
Ou encore le vernissage :
« Ils viennent à dix-neuf heures
c’est la bonne heure
ils entrent dans une pièce vide
il y a une table
des bouteilles des verres des cacahuètes
et des œuvres sur les murs
ils regardent les œuvres sur les murs
pas tous
ils se disent bonjour
ils passent plus de temps à se dire bonjour
qu’à regarder les œuvres sur les murs... »
Les mots qui composent chaque poème, véritablement on les entend et il y a ce « Ils » qui rythme les phrases comme un leitmotiv : « Toujours j’écris avec la voix, le son, le dedans du son, parce que la poésie ne peut être autrement sans le son qui interpelle, qui remue, qui secoue. »
Cette voix, grave, un peu rauque, on peut aussi l’écouter car Nathalie Yot est aussi une performeuse. Elle forme un beau duo avec Denis Cassan (Natyotcassan) qui l’accompagne par exemple dans la « Trilogie de l’année blanche » où elle dit certains de ses poèmes et nous montre que les mots sont faits pour être lus mais aussi pour être dits.
Françoise Jarrousse
« Ils » de Natyot. La Boucherie Littéraire, 2021. 84p.
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