mardi, juin 18, 2013

Rafael Cadenas

 Poète, essayiste et traducteur vénézuélien, né en 1930 à Barquisimeto, Rafael Cadenas offre une oeuvre poétique dense, qui a été traduite en plusieurs langues. Son oeuvre est reconnue comme majeure en Amérique Latine et en Espagne. Il s'est vu décerner plusieurs prix prestigieux : le prix national de l'essai en 1984, le prix national de poésie en 1992 et le prix FIL de littérature en langues romanes en 2009.
Si, grâce à notre association, Amitiés franco-colombiennes de Montpellier, vous avez déjà fait connaissance avec Rafael Cadenas, vous serez heureux d'apprendre qu'il sera de nouveau parmi nous, lundi 24 juin, salle Pétrarque à Montpellier !
Si vous n'avez pas encore pu le rencontrer, venez faire sa connaissance !
Merci à Daniel Mordzinski pour ces magnifiques photos.








Voici pour vous quelques extraits de sa nouvelle anthologie :

du recueuil INTEMPERIE/INTEMPÉRIE (1977)

¿Cómo pudo
volverse tribunal
de su vida
(no es sino la sala
donde se reúne
a rumiar fallos)
el
que menos juzga,
el
que existe desde su cuerpo,
el
menos
concluyente de
los nacidos?

*

Muerde,
traga,
recibe
lo necesitas,
lo está pidiendo a gritos tu cuerpo,
lo reclama tu pecho a voces,
lo esperan tus rodillas.
Come cuanto antes este plato.
Tus manos no se sentirán flojas en la
mañana.
Toma el bocado que te
corresponde,
el escogido para ti,
el que alguien puso en tu mesa
para que vivieras con él.

Comment a-t-il pu
devenir tribunal
de sa vie
(il n’est que la salle
où il se réunit
pour ruminer des sentences)
celui
qui juge le moins,
celui
qui existe depuis son corps,
le
moins probant
de tous ceux qui sont nés ?

*

Mords,
avale,
reçois
tu en as besoin,
ton corps le demande à grands cris,
ta poitrine le réclame à tue-tête,
tes genoux l’espèrent.
Mange ce plat au plus vite.
Tes mains ne se sentiront plus molles le matin.
Prends le morceau qui te revient,
celui qui a été choisi pour toi,
celui que quelqu’un a mis sur ta table
pour que tu partages ta vie avec lui.

*


Me sostiene este
vivir en vilo
sin ninguna señal
ni mapa
ni promesa,
en una antesala donde todos trajinan
como empleados
para olvidar.


*

Es recio haber sido,
sin saberlo, un jugador,
y encontrarse
tocando
como una carta
el destino.

Ya no hay más jugadas sino un ponerse
en manos desconocidas.


Ce qui me fait tenir
c’est vivre en suspens
sans aucun signe
ni carte
ni promesse,
dans une antichambre où tous s’affairent
comme des employés
pour oublier.


*


C‘est rude d’avoir été,
sans le savoir, un joueur,
et de se retrouver
en train de risquer
comme une carte
le destin.


Il n’y a plus de coups à jouer, seulement s’en remettre
à des mains inconnues.


Du recueil gestiones/ DÉMARCHES (1992)
[…]

Lo que miras a tu alrededor
no son flores, pájaros, nubes,
sino
existencia.

No, son flores, pájaros, nubes.


*

¿Quién es ese que dice yo
usándote
después te deja solo?

No eres tú,
tú en el fondo no dices nada.

Él es sólo alguien
que te ha quitado la silla,
un advenedizo
que no te deja ver,
un espectro
que dobla tu voz.

Míralo
cada vez que asome el rostro.


[…]
Ce que tu regardes autour de toi
ce ne sont pas des fleurs, des oiseaux, des nuages,
mais
de l’existence.


Non, ce sont des fleurs, des oiseaux, des nuages.




*




Qui est donc celui-là qui dit moi
en t’utilisant
pour ensuite te laisser seul ?


Ce n’est pas toi,
toi au fond tu ne dis rien.


Lui, c’est seulement quelqu’un
qui t’a enlevé ta chaise,
un dernier venu
qui ne te laisse pas voir,
un spectre
qui double ta voix.


Regarde-le
chaque fois qu’il montre le visage.






Ocurre que después del laborioso forcejear
el poema
está donde menos se esperaba,
donde nadie lo buscó,
donde no se ve,
en el rincón más apagado.

Vino a dar ahí
burlando al que escribía, al lector, a la página.
Se deslizó hasta ese lugar
donde de pronto
es descubierto.
Aquí,
dice una voz queda.
Oculto
como un niño
en un cuarto
donde se guardan viejos muebles.






Il arrive qu’après de laborieux efforts
le poème
se trouve là où on s’y attendait le moins,
là où personne ne l’a cherché,
là où on ne le voit pas,
dans le recoin le plus obscur.


Il a abouti là
déjouant celui qui écrivait, le lecteur, la page.
Il s’est glissé jusqu’à cet endroit
où soudain
il est découvert.
Ici,
dit une voix basse.
Bien caché
comme un enfant
dans une chambre
où l’on garde de vieux meubles.



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