Il
y a des livres comme ça qui vous attrapent malgré vous – ou
presque ! "Gran Madam's" d'Anne Bourrel, auteure de
notre région, est de ceux-là !
Il
y a des livres noirs qui commencent fort, comme par exemple "Toutes
les vagues de l'océan" de Victor Del Arbol qui nous projetait
dès les premières pages, les premiers paragraphes, sur la scène
d'un assassinat d'enfant. L'horreur crue avec des mots simples,
banals et directs.
"Gran
Madam's" est de ceux-là aussi. En cinq lignes, on plonge. On
est plongé d'office. Sur la scène d'une passe banalement sordide
entre une petite pute de Jonquera, à la frontière entre la France
et l'Espagne, et son client. C'est elle, Bégonia, qui raconte. Elle
est aux premières loges, mais seul son corps semble concerné, son
esprit plane au dessus. Paumé. Mais pas anéanti. Pas encore en tout
cas.
On
lit ces premières pages en se disant, heeuuu, est-ce que j'ai
vraiment envie de lire ça ? Parce que les mots sont tellement
directs, tellement percutants qu'on y est ! Et c'est bien
glauque. Et on sait que ça existe. Que ce n'est pas que du roman. Mais
on est comme la société que décrit l'auteure, volontairement
aveugle face à la misère de l'agression sexuelle banalisée de la
prostitution, alors on préférerait sans doute ne pas le savoir avec
autant de détails, être mis face à autant de douleur muette.
Pourtant
on continue la lecture parce que l'écriture est fluide et que le
récit ne s'attarde finalement pas plus que ça sur l’innommable.
La banalité de toutes les vies quotidiennes reprend le dessus et
l'on part sur la route avec les trois principaux protagonistes... On
a l'espoir d'un ailleurs, d'un autre chose.
Et
on a raison. L'histoire ne s'arrête pas là. Elle nous emmène
passer le mois d'août dans un village de l'Aude écrasé par le
soleil et la chaleur dans une station service au bord de la nationale
menant à de Narbonne à Carcassonne... C'est un crime qui a donné
le top départ, mais on n'en saura pas beaucoup plus. C'est un roman
noir, pas un roman policier !
L'illusion
de la normalité fait surface. C'est Marielle, une enfant, une ado
fugueuse, qui offre au trio cette échappée pleine de soleil en leur
demandant de la ramener chez elle, où les parents, soulagés de voir
leur fille de retour, les invitent à rester quelques jours. Pour
Bégonia, les réminiscences du passé gâchent un peu le plaisir de
la détente, mais elles s'estompent... Mais, aussi, le soleil laisse place à
l'ombre... La vie normale dissimule ses aspérités, et les jours
passant, la réalité s'éclaire sous d'autres facettes... La vie de
Marielle n'est pas si douce qu'il n'y paraît et Bégonia décèle en
elle une âme sœur qui a besoin d'aide...
C'est
une histoire noire, mais c'est une histoire de rédemption aussi.
Jusqu'au bout, on se demande où Anne Bourrel nous emmène. Et l'on
est content lorsqu'on arrive à destination !
Ce
livre, je voulais le lire depuis un peu plus d'un an déjà, lorsque
– grâce à Claire ! - j'avais découvert un premier texte
d'Anne Bourrel, sa pièce de théâtre "¡Gualicho!",
mise en scène par
Isabelle
François et interprétée par la comédienne Charo Beltran Nunez et
la danseuse de flamenco Catha Poza.
A la sortie de ce spectacle qui m'avait enchantée – encore une
histoire de filles, de femmes ! - , j'avais pris une petite
carte postale faisant la promotion de ce roman qui s'appelait alors
"Station Service"... Claire en avait parlé là déjà ! J'ai un peu tardé à le lire
et, entre temps, il a été réédité en 2015 par La Manufacture de
Livres sous le titre "Gran Madam's" avec quelques révisions...
Souhaitons-lui
longue vie ! Et espérons qu'il aura des petits frères, ce qui
ne saurait tarder il semblerait !
PS :
Et je suis bien d'accord avec Claire, ce livre mérite d'être
traduit en espagnol, voire en catalan !
"Gran
Madam's" d'Anne Bourrel. Ed. La Manufacture de Livres, 2015. 204
p.
ISBN :
978-2358870863
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