Roberto Bolaño est un poète et
romancier chilien, né en 1953 à Santiago et mort en 2003 à
Barcelone (à l'âge de 50 ans). Avant 2666, il a écrit
notamment Les détectives sauvages. Il
fait partie des plus grands auteurs latino-américains
contemporains.
2666 : le titre évoque un chiffre
satanique ou maudit, à l'image du Mexique d'aujourd'hui, selon la
vision de Bolaño.
Quand il est décédé en 2003, Roberto
Bolaño avait pratiquement achevé ce roman. Celui-ci est découpé
en cinq parties. A l'origine l'auteur avait prévu de faire éditer
un volume pour chaque partie. Mais les éditeurs ont décidé de le
publier en un seul volume : dans cette édition, il fait 1353 pages.
Chaque partie est relatée par un
narrateur différent et écrite dans un style très différent. Dans
la première partie, quatre chercheurs européens font connaissance :
chacun d'eux s'intéresse à un auteur allemand dont le pseudo est
Archimboldi. Or cet auteur a disparu, on a perdu sa trace, personne
ne sait où il vit. Mais un jour ils apprennent qu'il vivrait dans le
nord du Mexique, dans l'Etat du Sonora, plus précisément dans la
ville (imaginaire) de Santa Teresa. Ils vont donc partir là-bas pour
tenter de le trouver.
La deuxième partie raconte l'histoire
de l'homme qui les accompagne et les guide dans leur recherche, nommé
Amalfitano : écrivain et philosophe chilien, universitaire
exilé à Santa Teresa, au bord de la folie, vivant seul avec sa
fille Rosa.
La troisième est racontée du point de
vue d'un journaliste afro-américain, Fate, qui est à Santa
Teresa pour 2-3 jours, le temps de faire un reportage sur un match de
boxe. Or il va apprendre par hasard (tout comme les personnages
principaux de la première et de la deuxième partie du roman) que
dans cette ville de Santa Teresa ont lieu depuis 1993 de nombreux
meurtres de jeunes filles et de femmes. C'est ce fait qui relie
toutes les parties du roman.
Dans la quatrième partie sont décrits
(de façon détaillée) tous les meurtres de femmes qui ont eu lieu,
les enquêtes qui ont été menées, les prétendus coupables
débusqués et emprisonnés.
Mais les meurtres continuent...
On retrouve dans ce roman les thèmes
de prédilection de Bolaño : la place de l'écrivain, l’art face
au Mal, l’errance, les désordres de l’Histoire.
Nous sommes face à un roman
foisonnant, mêlant les genres (roman noir, science-fiction, style
journalistique, fantastique, conte...), avec une infinité de
personnages, de lieux, de temps, et une multiplicité de thèmes.
Bolaño nous invite à vivre une belle
expérience littéraire. Alors accrochez-vous bien, attachez vos
ceintures, soyez prêts à embarquer pour une autre dimension. Vous
ne le regretterez pas.
«- Je suis journaliste, comme
je vous l'ai dit, dit Guadalupe Roncal. Je travaille dans l'un des
grands quotidiens de Mexico. Et si j'ai pris une chambre dans cet
hôtel, c'est par peur.
- Peur de quoi ? dit Fate.
- Peur de tout. Lorsqu’on
travaille sur quelque chose en rapport avec les assassinats de femmes
à Santa Teresa, on finit par avoir peur de tout. Peur qu'on vous
frappe. Peur d'un enlèvement. Peur de la torture. Evidemment avec
l'expérience, la peur s'atténue. Mais moi je n'ai pas d'expérience.
Je manque d'expérience. Je souffre du manque d'expérience. Et même,
si l'expression existait, on pourrait dire que je suis ici en tant
que journaliste secrète. Je sais tout à propos des assassinats.
Mais dans le fond, je n'ai aucune expérience du sujet. Je veux dire
que, jusqu'à il y a une semaine, ce n'était pas mon sujet. Je
n'étais pas au courant, je n'avais rien écrit à ce sujet, et d'un
coup, sans que je m'y attende ni que je le demande, on a posé sur ma
table le dossier des mortes, et on m'a donné l'affaire. Vous voulez
savoir pourquoi ?
Fate aquiesça de la tête.
- Parce que je suis une femme et que
nous les femmes nous ne pouvons pas refuser une mission. Evidemment,
moi je savais déjà quel avait été le destin ou la fin de mon
prédécesseur. Tous dans le journal, nous le savions. L'affaire
avait fait du bruit, et peut-être êtes-vous au courant.
Fate fit non de la tête.
- On l'a tué, bien sûr. Il a
fouiné un peu trop dans l'affaire et on l'a tué. »
Rachel Mihault
2666, Roberto Bolaño, Folio, 2004