vendredi, décembre 27, 2019

"Avant que j'oublie", de Anne Pauly (France)



Pour son premier roman publié aux éditions Verdier, Anne Pauly s’est inspirée de sa propre histoire et raconte la maladie et le décès de son père, « le colosse unijambiste et alcoolique ». 

« Avant que « j’oublie »… Ou quand l’écriture aide à mettre à distance les sentiments mêlés que l’on peut ressentir lorsque l’on doit faire face à la mort d’un proche à la personnalité contrastée.

« Tu t’énerves ? Je vois bien que tu t’énerves. T’es bien comme ta mère… agressive, impatiente… En serrant les dents j’ai dit : Non, pas du tout, je m’énerve pas du tout, mais là je dois y aller, mon bus passe dans dix minutes et si je le rate, je serai bonne pour descendre à la gare à pied. Il s’est radouci. Bon, d’accord. Sois bien prudente en rentrant, hein ? Mais avant de partir, ouvre un peu la fenêtre, s’il te plaît, j’ai trop chaud. Un peu, un peu plus, un peu moins, non, encore… parfait ! Allez, salut papa, à demain. Je l’ai embrassé sans le regarder. Le temps de compter jusqu’à dix, j’avais enfilé mon manteau, pris mon sac et quitté la chambre en claquant la porte. Il allait mourir et, comme toujours, je n’avais qu’une envie : partir. Partir le plus vite possible avant que sa névrose et ses angoisses ne me contaminent davantage. »

Avant que j’oublie… ou quand la lecture peut nous aider à surmonter la douleur causée par la perte d’un être cher.

« Pour l’après-cimetière, on avait prévu un petit buffet avec des cakes sympa, du vin d’Alsace et des mini saucisses cocktail, en mémoire de ses goûts. Dans les repas de famille, quand survenait l’apéritif, il chaussait ses grosses lunettes d’écaille et une fois le ravier à sa portée, attrapait deux ou trois de ses petits boudins qu’il croquait goulûment, en lançant entre deux bouchées de chair rose : C’est bon hein les petites saucisses ? C’est mieux qu’un coup de pied dans le ventre, nan ? puis attendait, presque frétillant, le deuxième passage. L’idée de manger à sa place les choses qu’il aimait me réconfortait. Je connaissais la saveur de ces aliments, le plaisir qu’il en tirait et j’imaginais que par quelque étrange principe de vases communicants entre morts et vivants, il pourrait reprendre, grâce à cette collation, des forces pour la suite de son voyage. Manger serait aussi une manière de tromper le vide qui prenait lentement place en moi et dont j’avais à peine commencé à prendre la mesure sur le chemin qui me ramenait à la maison. »

Je vous conseille la lecture de ce roman et éventuellement une rencontre avec l’auteure (à Montpellier, en février à la librairie La cavale).
Rachel Mihault

Avant que j’oublie, de Anne Pauly, éditions Verdier, 2019

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