Une fois encore, La Contre Allée délaisse les grands axes et nous emmène sur des chemins de traverse, à la découverte d’un univers singulier. Cet univers c’est celui de Lou Darsan, blogueuse, voyageuse, dont le premier ouvrage, « L’Arrachée belle », est paru il y a peu.
C’est un livre dans lequel on peut refuser d’entrer ; mais si on se laisse porter par le flot des mots, on est embarqué dans un voyage inoubliable et qui nous interroge.
Au centre du récit, il y a une jeune femme au mal-être profond. La ville où elle vit l’oppresse. Dans l’appartement qui est le sien elle étouffe. L’homme qui est son compagnon est devenu un étranger. Tout vacille autour d’elle et en elle. Elle a même peur de disparaître par la bonde de la baignoire.
Alors, dans un ultime sursaut, elle s’arrache à cette vie mortifère et elle part :
« L’envie viscérale de redevenir tourbillon la dévore » (p27).
Elle sait que le trajet sera long mais que sa survie en dépend.
Elle s’en va au hasard et, devant nos yeux fascinés, les paysages défilent et peu à peu, comme pour se réapproprier son corps, elle noue une relation charnelle avec la nature dans laquelle véritablement elle plonge :
« les pieds mouillés et gelés, elle avance dans l’herbe, stupéfaite et émue par sa nudité, l’immensité qui l’entoure, la douceur de l’air qui se réchauffe déjà, la pâleur de sa peau, le froissé des fleurs encore closes, le silence du matin » (p77).
Et puis, à un moment du voyage, dans ce qui est l’acmé du récit, elle pénètre dans une grotte comme dans le ventre de la terre et elle se met à danser dans une sorte de transe libératrice :
« Elle est femme-qui-danse-sous-la-montagne. La danse s’étend sans trêve à toutes les profondeurs de la grotte en une spirale infinie qui décolle les lambeaux de peur, pulvérise les pierres du plexus, dénoue les entrailles. Une chose se brise, une se résorbe ; une encore éclot » (p84-85).
C’est peut-être le début d’une renaissance. C’est en tout cas ce que suggère cette « arrachée-belle », véritable odyssée intérieure qui s’achève là où elle avait commencé, au bord de la mer.
C’est un texte très fort, une sorte d’ovni littéraire à la beauté parfois fulgurante. Mon coup de cœur de rentrée.
Françoise Jarrousse
« L’Arrachée belle » de Lou Darsan. Editions La Contre Allée, 2020, 160p.
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