lundi, octobre 08, 2012

Réservez votre place !

Vous pouvez dès maintenant réserver votre pass pour le festival Regards sur le cinéma de Colombie et d'Amérique du Sud, organisée par les Amitiés franco-colombiennes de Montpellier, qui aura lieu du vendredi 16 au dimanche 18 novembre prochains, salle Rabelais à Montpellier :
http://www.weezevent.com/regards-sur-le-cinema-de-colombie-et-amerique-du-sud
Prenez vos places, vous ne le regretterez pas !
Avec en ouverture le vendredi soir : Perdre est une question de méthode, de Sergio Cabrera, adapté du célèbre roman de Santiago Gamboa.
Le samedi 17 novembre aura lieu une table ronde autour du roman et du film.

jeudi, septembre 27, 2012

La capitana, de Elsa Osorio


Elsa Osorio est née à Buenos Aires en 1952 où elle vit actuellement. Elle est l'auteure de Luz ou le temps sauvage, Tango et Sept nuits d'insomnie, tous publiés aux éditions Métailié. Ses romans sont traduits en 18 langues.

Elle a écrit La capitana entre 2007 et 2011, mais elle avait depuis très longtemps l'envie d'écrire ce roman : tout a commencé en 1986 en Argentine, lorsque l'écrivain Juan José Hernández lui a parlé d'une femme argentine qui avait commandé des troupes pendant la guerre civile espagnole. Elle a tout de suite été fascinée par ce personnage, Mika Etchebéhère, qui vivait encore à l'époque, à Paris. Elle s'est appuyée sur différents documents historiques, et notamment sur des notes de Mika, pour écrire son roman. Et pendant des années elle a mené une véritable enquête : elle est allée sur les lieux où a vécu son héroïne et a recueilli des témoignages ;  à partir de là elle a inventé et écrit ce roman.

Mika quitte l'Argentine dans les années 1920 pour l'Allemagne, son compagnon et elle étant animés par de fortes convictions politiques et une envie de changer le monde :
« Lui aussi a caressé cette idée, bien sûr qu'il aimerait commencer à écrire ce livre et continuer de vivre comme ils le font, mais il a lu les journaux qu'on leur a envoyés et il a bien réfléchi, il est évident qu'ils ne peuvent s'éterniser en Patagonie ni à Buenos Aires. C'est en Europe qu'il existe de solides organisations ouvrières, avec une longue histoire, incomparable avec le caractère naissant de la classe ouvrière latino-américaine ; c'est en Allemagne que la lutte a lieu. Tu ne te rends pas compte, Mika ? La vie nous file entre les doigts, a milieu de ces arbres magnifiques.
Hipólito a raison, c'est en Europe que se joue le destin de la classe ouvrière mondiale, Mika le sait »

Le lecteur se trouve captivé par ce personnage : on a envie de suivre Mika à travers son combat, en Allemagne, en France, en Espagne. A travers elle nous revivons et comprenons mieux certains événements historiques marquants, comme la montée du nazisme en Allemagne, la guerre d'Espagne ou mai 68 à Paris.
Mais ce livre c'est aussi et surtout le combat d'une femme, qui se bat dans un monde où ce sont les hommes qui dirigent. :

« Et quand ils arrivèrent à destination, la proposition du commandant Barros allait aggraver les choses : elle devait laisser sa colonne à la charge de quelqu'un d'autre et venir avec lui, il la nommait capitaine-adjoint.
  • C'est une promotion ? Ironisa Mika sur le point d'exploser. Vous pouvez vous la garder.
Mais ce n'était pas elle qui commandait ce bataillon, c'était Barros, un militaire de carrière. Ou elle acceptait cette proposition ou elle devait s'en aller et abandonner le combat. Ca, jamais. Elle déglutit et s'efforça de paraître le plus aimable possible.
  • Excusez-moi, camarade commandant. Reprenons les choses. J'ai besoin de comprendre votre proposition : si c'est une manière de m'écarter parce que le fait que je sois une femme est un problème pour les autres officiers, vous n'avez pas besoin de m'indemniser avec un grade à rallonge aussi inutile. - Elle essayait de se contrôler mais la colère la gagnait – Je peux revenir dans ma colonne et demander à un camarade d'en prendre le commandement, je préfère ça à un titre ronflant mais administratif et absurde. »

Mika est une femme forte qui a décidé de lutter jusqu'au bout, et même dans ses vieux jours à Paris, elle reste une combattante. C'est ce qui nous fascine, je crois : on n'a pas envie de la lâcher... On la suit.
Après avoir porté cette histoire en elle tout au long des années, Elsa Osorio est parvenue lorsqu'elle l'a écrite à donner corps à son personnage. C'est l'art du récit qu'elle nous fait découvrir finalement.
D'une part elle entremêle les voix de différentes narratrices. Par moments nous entendons la voix de Mika, à d'autres celle d'Elsa Osorio-enquêtrice ; d'autres fois celle d'un témoin de la vie de Mika. D'autre fois encore c'est la voix de la romancière, qui parfois s'adresse à son personnage. Cette polyphonie permet au lecteur d'approcher différents aspects de la personnalité de l'héroïne.
D'autre part, Elsa Osorio a choisi de déconstruire la chronologie : cela donne une vraie force au récit. L'histoire prend sens à la fin du roman, ce qui nous pousse à en reprendre la lecture au début...

J'ai lu la traduction française mais j'ai eu très envie de lire le roman dans le texte original pour me rapprocher davantage de l'héroïne...

Rachel Mihault

La capitana, de Elsa Osorio, éditions Métailié, 2012

Vous avez aimé ce livre ? Vous souhaitez nous en parler ici ? N'hésitez pas à nous laisser un commentaire !

mardi, juillet 31, 2012

Le pianiste afghan


Pour son premier roman, Chabname Zariâb s'est inspirée de sa propre histoire. Vers l'âge de six ou sept ans, l'héroïne quitte l'Afghanistan, alors occupé par l'armée soviétique, avec sa famille pour venir vivre à Montpellier.


Elle nous offre son regard sur l'Afghanistan d'hier et d'aujourd'hui :


« Dans mon pays à moi, dans cette patrie que j'ai connue, dans ces courts souvenirs qui me sont si précieux, la vertu ne se mesurait pas à la longueur de la barbe ! Les femmes n'étaient pas des fantômes, et les hommes n'étaient pas des bourreaux ! J'ai honte d'appartenir à ce nouveau pays.

J'avais lu qu'une journaliste allemande, après la Deuxième Guerre mondiale, se disait suédoise lorsqu'elle voyageait. Je commence à la comprendre. Faudra-t-il un jour que moi, qui refuse d'appartenir à un autre pays que celui qui m'a vu naître, je me dise française ? Comment puis-je expliquer que moi, j'appartiens à l'Afghanistan d'avant ? Mais qui connaît l'Afghanistan d'avant ? »


Elle nous raconte le choc de l'arrivée à Montpellier, puis toutes les difficultés liées à l'intégration d'une enfant immigrée. Ainsi par exemple, l'adoption de la langue du pays d'accueil et la perte de la langue d'origine, et les conséquences qu'elles peuvent avoir au sein de la famille :


« Je commence à comprendre mon père, ce maniaque de la justesse de la langue, quand il nous faisait répéter toute une phrase en persan parce que nous y avions intégré un mot français. A l'époque, cela me gâchait tout le plaisir de lui raconter mes petites histoires. Son pointillisme m'énervait. Je préférais encore ne plus lui parler, et c'est comme cela que, petit à petit, nous nous sommes éloignés. Plus j'avançais en français, moins je maîtrisais le persan. Je mesure la dimension désastreuse de ces petites fautes suivies de ces corrections, et leurs ravages dans les familles d'origine étrangère. Ce sont elles qui créent le conflit, la distance puis le silence. Mais comment faire autrement ? »


Puis, après plusieurs années passées en France, la jeune fille décide un beau jour de retourner en Afghanistan pour tenter de retrouver son ami d'enfance. Nous la suivrons alors dans son voyage et sa découverte de l'Afghanistan d'aujourd'hui, à la recherche de son « pianiste afghan ».


Un récit très bien mené, qui tient le lecteur en haleine jusqu'au bout. Cette jeune auteure a bien mérité le prix Méditerranée des lycéens 2012.

Un roman à recommander à la traduction.


Rachel Mihault


Chabname Zariâb, Le pianiste afghan, Editions de l'Aube, 2011

samedi, juillet 07, 2012

Ce fut une belle rencontre















La rencontre organisée par notre Comité de Lecture, qui a eu lieu le 22 juin 2012 à l'Espace Martin Luther King à Montpellier, fut un franc succès ! Le public, venu nombreux, a beaucoup apprécié la lecture des textes de Frédéric Jacques Temple et de Rafael Cadenas, ainsi que l'échange qui a pu s'instaurer avec ces deux grands poètes.
Tout le monde a ensuite pu se réunir autour du buffet latino-américain préparé par l'association Amitiés franco-colombiennes de Montpellier.










Vidéo: cliquez ici


dimanche, juin 17, 2012

Découvrons Rafael Cadenas avec Daniel Bourdon...

L’incessante confrontation
(Rafael Cadenas et l’autre)

Daniel Bourdon*

Rafael Cadenas est poète, mais il est aussi bien lutteur. Cet homme ne cesse de se battre. Avec le soi, avec les mots, avec le monde. On me dira que c’est le lot de tout poète. Certes, mais ils ne sont pas légion ceux qui mettent autant d’énergie dans ce combat incessant, quotidien, épuisant, dont l’issue reste toujours douteuse et qu’inlassablement il leur faut réitérer. Que le poète soit insaisissable pour lui-même et qu’il doive construire son identité en assemblant à joints vifs ces pierres que l’on appelle des mots n’étonnera personne, c’est là monnaie courante et après tout c’est son métier. Mais qu’il doive se débattre contre une multiplicité apparemment originelle est moins commun. Le cas le plus fréquent est que l’on naît entier et qu’on se multiplie ensuite. La situation de Cadenas est à l’inverse : naissant d’emblée multiple, héritant d’une cohérence éparpillée, diffuse, éclatée en morceaux et ne s’y retrouvant pas, s’il veut parler d’une seule voix il lui faut constamment se rassembler. Il y a quelque temps, j’avais coutume de me diviser en d’innombrables personnages.i

Dans le meilleur des cas notre homme est simplement scindé en deux. Mis en présence de l’autre, de cet autre qui lui est propre, irrémédiablement sien, il ne sait discerner qui des deux conduit le bal. Est-ce l’autre, est-ce lui ? D’ailleurs qui est cet autre dont il est peut-être seulement l’ombre portée ? Est-ce celui-là qui le poursuit, le persécute, l’accule, le transperce de ses questions, de ses reproches et à qui il choisit de faire droit en lui donnant raison systématiquement ? Tous les deux nous nous regardons sans comprendre… Si tous deux nous étions réels, nous ne nous poursuivrions pas jusqu’à épuisement… Sans le vouloir nous nous confondons, nous entremêlons, nous enchevêtrons. Nous allons même jusqu'à nous perdre de vue et ne plus savoir qui, des deux, poursuit l’autreii. L’autre est-il vraiment cet autre ?

Cet ennemi intime qu’il soigne et qu’il nourrit peut à la fin tout de même l’excéder. C’est rare, mais cela lui arrive. Le poète se résout alors à aller contre son tempérament. Je ne suis pas très doué pour le combatiii. Il se force. Se résigne à l’affrontement. Il attrape l’adversaire, le bat, le tord, le coupe en deux du tranchant de la main, mais en fin de compte le vaincu lui glisse entre les doigts et s’évanouit à la manière d’un mirage. Mais lui n’est nulle part et je me désespèreiv.

Le poète regarde ses mains vides. Son adversaire s’est joué de lui. Le combat n’a servi de rien. Restent les exorcismes. La multiplicité se jetait sur moi. Et je la conjuraisv. Le poète ne peut pas annuler la dispersion mais sa voix, pour autant qu’elle veuille bien lui être fidèle, peut tenter de la conjurer. Le poème se met en œuvre. Il conjure, exorcise, recompose, à l’aide des quelques outils que l’auteur sait manier – des mots coupants, comiques, rudes, qu’il lance contre les ombres qui ne le quittent pas. Je sais me réunir patiemment, en usant de rudes procédés de montage.vi. Entreprise de longue haleine à ses commencements : c’est à la pénultième page de Los Cuadernos del destierro que l’auteur peut enfin écrire : J’ai recouvré mon nomvii.

Il retrouve son nom après avoir convoqué les mots et bâti sa défense. Non sans mal car la tâche est rude. Les mots ont été abîmés à force d’avoir servi à tout, certains sont hors d’usage depuis longtemps. Le poète doit faire en sorte que chaque mot porte ce qu’il ditviii. Après la langue de Los Cuadernos del destierro (Les cahiers de l’exil) qui était, en 1960, une langue riche, au rythme convulsif, Falsas Maniobras (Fausses manœuvres) en 1966 est écrit dans un langage simple, modeste, économique. J’ai incendié les faux témoignagesix.Je tremble quand je crois me falsifierx. Voix ancienne, tu occultais la routexi. Changement radical. Cette fois, nulle recherche dans les mots ou, plus exactement, une seule recherche, celle d’une précision clinique. C’est que l’opération est délicate, qui consiste à juxtaposer, tout en se défiant d’eux, des mots banals pour à partir de leur simplicité - de leur fausse naïveté - restituer l’extraordinaire. C’est-à-dire l’effrayante complexité de l’ordinaire.

Cadenas, du reste, a dénoncé dans un essai la faillite du langage face à laquelle il défend une morale de la parole. Une position éthique autant que poétique. Son souci est profond : Quelle langue livrera les trésors sans les toucher ?xii Réalité, une miette de ta table me suffitxiii. Il rêve de rendre compte de ce que le langage peine à ne pas travestir. Réalité, instant, ou ce qui resplendit – qui vient de resplendir. Il s’achemine vers l’instant… Il congédie l’irréalitéxiv. La langue peut-elle mettre en présence de la réalité d’avant le mot, peut-elle dire l’instant qui met la parole en mouvement ? Immédiatement, non, car La parole n’est pas le lieu de l’éblouissement, mais nous insistons, nous insistons, personne ne sait pourquoixv. Mais peut-être de biais. Il faut ruser pour user des mots simples.

Non loin de là, à l’écart du poème, dédaigneux de la langue qu’il maltraite car il est avant tout bavardage, hâte désordonnée, paraître, agression, le monde trône en masquant le réel. A l’époque des Cuadernos del destierro, Cadenas n’hésite pas pour le restituer à élever la voix. Il recourt à l’imprécation, à quoi l’autorise l’exil, lequel se changera en éloignement intérieur au retour de l’île de Trinidad où la dictature l’a banni et sa voix a mué. Mais le changement de timbre fait que le monde ne peut plus être convoqué. Dès sa densification dans Falsas Maniobras, à laquelle plus tard s’ajouteront la concision de Intemperie (Intempérie) et le dépouillement de Memorial, le langage ne peut plus s’opposer frontalement à l’agression du monde. Mais il peut la conter, la décrire, la comprendre, quasiment l’approuver et ainsi la désamorcer. Le poète ne veut plus résister au monde. Il ne discute pas. Au contraire même, il lui cède tous ses biens, plaide coupable à tous les chefs d’accusation et va jusqu’à exhiber ses désastreux ratés dont il dira plus tard qu’ils l’auront protégé en l’écartant du champ - Un jour les persécuteurs ne trouvèrent pas leur victime, car elle assuma tout, se plia à leurs accusations, même les plus absurdes.xvi. Echec, tu es toujours intervenu à tempsxvii.

Est-ce un aveu de faiblesse, l’expression d’un manque de caractère ? Pas du tout : c’est une stratégie. Ayant longuement mis au point une méthode d’évitement, de feintes à demi conscientes, de sincères faux-semblants, et recourant à un vocabulaire qu’il s’est patiemment forgé pour son usage propre, Rafael Cadenas s’efforce d’épargner son énergie. Le monde est bien trop lourd et impossible à affronter. Face à la masse qui se jette sur lui d’un bloc et sans pitié, notre homme ne tente pas d’opposer une quelconque résistance. Il plie, consent, épouse l’inévitable puis, d’un glissement subit qui passe pour une maladresse – une de ces fausses manœuvres dont il est coutumier et qu’il dit déplorer – il se dérobe au moment même où le monde allait justement l’écraser. Emporté par un élan stupide et monocorde, ce monde malin qui ne rencontre plus aucune opposition, déséquilibré tout à coup, s’affaisse, bute contre sol et se brise en morceaux à deux pas du visage du lutteur, lequel, couché confortablement sur le sol car depuis bien longtemps il a appris à tomber sans se faire de mal, scrute sa feuille de papier et en deux ou trois mots dit la morale de l’histoire. Du calme. Nous y sommes. Je rentre dans la formexviii. Il y a du judoka chez ce lutteur et du laconique chez ce poète.


Janvier 2012


    Daniel Bourdon a habité un an à Caracas, en 1980, où il a fait la connaissance de Rafael Cadenas dont il a par la suite traduit quelques poèmes pour des revues (Obsidiane, NRF, Poésie), puis une anthologie personnelle - Fausses Manœuvres - publiée en 2003 par Fata Morgana (Montpellier). Il a épisodiquement lu et quelquefois traduit d’autres poètes – Alejandra Pizarnik, Oliverio Girondo – pour une revue intitulée Amérique Latine, aujourd’hui disparue. L’éditeur Monte Avila (Caracas) a publié en 2008 sa traduction de Y todo lo demás (Et ce qui reste), du poète Alfredo Chacón.
    Il a également publié de petits livres de prose brèves chez Fata Morgana (Les gardiens du territoire, La dispersion, L'opuscule, Abécédaire, L'extase du dilettante).


REFERENCES
Les citations sont traduites de l’espagnol par D. Bourdon
i Falsas Maniobras,
ii El enemigo, in Memorial.
iii Anotaciones.
iv Combate, in Falsas maniobras.
v Falsas maniobras
vi Rutina, in Falsas maniobras.
vii Los Cuadernos del destierro.
viii Ars Poética, in Intemperie.
ix Reconocimiento, in Falsas maniobras.
x Ars Poética, in Intemperie.
xi Notaciones, in Memorial.
xii Nuevo Mundo, in Memorial.
xiii Inmediaciones, in Memorial.
xiv Despedida, in Una isla.
xv Recuento, in Memorial.
xvi Entronizamiento, in Memorial.
xvii Fracaso, in Falsas maniobras.
xviii Rutina, in Falsas maniobras.


Quelques poèmes de Rafael Cadenas

Fausses manœuvres. Antholologie personnelle.

Traduite par Daniel Bourdon

Fata Morgana, Montpellier, 2003.



Échec
Tout ce que j'ai cru victoire n'est que fumée.
Échec, langue de fond, piste d'un autre espace plus exigeant, difficile de lire entre tes lignes.
Quand tu mettais ta marque sur mon front, jamais je n'aurais imaginé que tu m'apportais un message plus précieux que tous les triomphes.
Ta face flamboyante m'a poursuivi et moi je n'ai pas su que c'était pour me sauver.
Pour mon bien tu m'as remisé dans les coins, refusé les succès faciles, fermé les issues.
C'est moi que tu voulais défendre en m'empêchant de briller.
Par pur amour pour moi tu as modelé le vide qui, durant des nuits enfiévrées, m'a fait parler à une absente.
Si tu as toujours donné priorité aux autres, si tu t'es arrangé pour qu'une femme me préfère un homme plus décidé, si tu m'as licencié de postes suicidaires, c'était pour me protéger.
Tu es toujours intervenu à temps.
Qui, ton corps couvert de plaies, de crachats, ton corps odieux m'a reçu dans ma plus simple forme pour me livrer à la transparence du désert.
C'est folie de t'avoir maudit, maltraité, de t'avoir blasphémé.
Tu n'existes pas.
Un orgueil délirant t'a inventé.
Je te dois tant !
En me nettoyant avec une éponge rêche, en me lançant sur mon vrai champ de bataille, en me donnant les armes que le triomphe dédaigne, tu m'as levé au dessus de la mêlée.
Tu m'as pris par la main et conduit à la seule eau qui puisse me refléter.
Grace à toi je ne connais pas l'angoisse de jouer un rôle, de m'accrocher à tout prix à un échelon, de me faire pistonner à la force du poignet, de me battre pour arriver plus haut, de me gonfler jusqu'à éclater.
Tu m'as fait humble, silencieux, rebelle.
Je ne te chante pas pour ce que tu es, mais pour ce que tu ne m' as pas laissé être. Pour ne m'avoir donné que cette vie-Ià. Pour m' avoir restreint.
Tu m'as seulement offert la nudité.
Tu m'as élevé à la dure, c'est vrai. Mais toi-même apportais Ie cautère. Et Ie bonheur de ne pas te craindre.
Merci de m' enlever de l' epaisseur en l' échangeant contre des caractères gras.
Merci à toi de m'avoir privé d'enflures.
Merci pour la richesse à laquelle tu m'as contraint.
Merci d'avoir construit ma demeure avec de la boue.
Merci de m'écarter.
Merci.


*

Il y a quelque temps, j’avais coutume de me diviser en d’innombrables personnages. Sans que cela leur occasionne la moindre gêne, j’ai été tour à tour voyageur, équilibriste, saint.

Pour plaire aux autres et à moi-même, j’ai conservé une image double. J’ai été ici et en d’autres lieux. J’ai élevé des spectres maladifs.

Chaque fois que j’avais un moment de repos, les images de mes métamorphoses m’assaillaient, m’acculaient à l’isolement. La multiplicité se lançait contre moi. Et je la conjurais.

C’était le défilé des habitants séparés, les ombres de nulle part.

En fin de compte il s’avéra que les choses n’étaient pas ce que j’avais cru.

Parmi les fantômes, m’a surtout fait défaut celui qui chemine à mon insu.

Peut-être le secret de la sérénité est-il là, entre les lignes, comme une splendeur innommée. Mon orgueil sans fondement céderait alors le pas à une grande paix, une joie sobre, une justesse immédiate.

Jusqu’alors.



*

MON PETIT GYMNASE

Il consiste en un coussinet sur lequel je frappe avec un accompagnement musical.

Un sac de sable où je décharge tout le poids de la rue.

Une natte où je me contorsionne pour obtenir l’oublie.

Un trou triangulaire où je me cache pour ne pas voir.

Une corde dont je me châtie pour toutes les prudences du jour.

Un engin en forme de O où je me plie en deux pour esquiver les reproches de ma conscience.

Une barre fixe où je me ris de mes intentions.

Une planche où je cogne inutilement –je pourrais mieux viser.

Un petit extenseur idiot qui m’étire pour chaque fruit que je n’ai pas pris, chaque action que je n’ai pas faite, chaque parole que je n’ai pas osé dire.

Une lanière qui m’abîme le bras droit pour chacun de mes oublies, de mes revirements, pour chaque indécision.

L’équipement courant du sportif ordinaire s’ajoute à tout cela. Les exercices s’effectuent dans l’obscurité. le public n’est pas admis (ma honte ne me le permet pas, et d’ailleurs le sourd mécontentement étoufferait celui qui oserait entrer)

De toutes façons je ne suis qu’un débutant. Je n’ai pas encore réussi à toucher les genoux avec le front, m’arquer en arrière jusqu’à toucher le sol m’est encore impossible et je ne sais pas non plus me dresser sur les mains.

Parfois mon excessive lourdeur me rend ridicule. (j’ai le souvenir de postures lamentables, et cela me fait mal). Malgré mes efforts je suis toujours charnel, rude, indiscipliné.

Dans le fond, ces exercices tendent à faire de moi un homme rationnel, qui vive avec précision et se joue des labyrinthes. En secret, ils poursuivent ma transformation en Homme Numéro Tant. J’espère seulement au fond de moi qu’un jour, grâce à eux, je cesserai d’être absurde.


Quelques poèmes de Frédéric Jacques Temple...

Merry-go-round


à David Gascoyne




Un train aux lumières aveugles

franchit des forêts invisibles.

J'emporte

cent boîtes d'allumettes

mille cigares noirs

cinquante pipes de merisier sauvage

un calumet en pierre-à-savon

gravé par un Indien de l'Ontario

la pipe-calebasse

à cou d'oiseau-serpent

cadeau d'Archuleta-de-la-Terre-des-Trembles

le tambour sacré de Taos

dans ma poche un éclat d'obsidienne

et mon vieux Laguiole à manche d'ivoire...


Tandis que le train glisse

longue chenille spasmodique

à travers la Forêt Noire

je reviens à mon premier lointain voyage...


J'avais vingt ans

avec encore dans mes cheveux le sable du désert

en ce matin léger où le canon s'est tu

dans les vergers du Würtemberg.

Et ce fut le printemps du Paradis après l'Enfer :

les truites de la Mürg

les chevreuils du Lac Noir

et la grosse Hildegarde

qui nous versait du vin d'Uberlingen.

Nous achetions des pendules de Triberg

et des couteaux de chasse

oubliant l'enfant nu de Fribourg méditant sur un crâne

qui avait assombri notre adolescence

à jamais.


Soudain le chant des rossignols

déchira les ténèbres

l'Hymne à la Joie déferla des terrasses

sur l'eau verte et muette

à Heidelberg.

Ici vécurent les poètes

Achim d'Arnim et Clemens Brentano.

Il ne reste que la plaque.

J'habitais là rêvant que montait de l'auberge voisine

la voix mâle de Zarah Leander :

Schlafe mein Geliebter

Du darfat mir nie mehr rote Rosen Schenken


crépusculaire et vaginale

et derrière la vitre

le coiffeur recousait des visages

couverts de sang...


Un train aux lumières aveugles

franchit des plaines disparues.

Il pleut des escarbilles

et l'odeur des mélèzes envahit la nuit.


Dans ma valise il y a :

Fenimore Cooper

un vieux catalogue de la Manufacture

des Armes et Cycles de Saint-Etienne

une lettre originale du Capitaine Nemo

et la photo de ma mère

jouant du violoncelle

pour toujours...


Tandis que le train glisse

longue chenille spasmodique

à travers la Forêt Noire

je reviens à mon premier lointain voyage...


J'avais vingt ans

avec encore dans mes oreilles

la sauvage accélération de la mort

haut très haut dans le ciel mauve

sur les clochetons d'or du Monte Cassino

et les cris de fin du monde

qui giclaient avec le sang

de la gorge béante d'un mulet

hérissé de douleur

et d'éternelle surprise...


Je garde le parfum du vin noir

et du porcelet rôti

sur la plage vespérale du lac de Bolsena

où Dante pêcha des anguilles

et j'entends turluter des alouettes

massacrées


Soudain la ville ivre de feu

la vomissure des soufrières

le ciel en deuil

et des rivières en fusion

se noient en beuglant dans la mer...

Je suis à Pompéi dans les marques de Pline

qui fut ici sous le gris de la mort

et ce n'est alentour qu'exode débandade

vers des lieux saufs

d'où voir la bête et l'adorer :

O bello, bello, bello com'un dio !

Et la cendre en neige sur le Pausilippe

où règne Virgile en sa grotte.

Ici le volcan tonne et les canons

là-bas sur les Abbruzzes...


Un train aux lumières aveugles

franchit des palus oubliés.

Voici le vol ralenti des hérons

brassant l'air de leurs ailes de cendre

la volée de flèches des sarcelles

les guêtres fauves du garde-chasse

à travers les roseaux broyés

et moi de loin criant au vent de mer :

Natty Bumppo ! Natty Bumppo !

Sur les chutes de Glenn

ou les palissades du Fort William-Henry

lorsque j'avais douze ans

parmi les Delawares

pour toujours...


Tandis que le train glisse

longue chenille spasmodique

à travers la Forêt Noire

je reviens à mon premier lointain voyage...


J'avais vingt ans

avec encore sur mes lèvres de miel

la grégorienne plainte du Vendredi-Saint

et les vingt-deux lettres de l'Alphabet

qui fut au commencement de l'Attente.

De mon lit je voyais sur le mur du dortoir

défiler les fantômes de mes rêves.

J'entends toujours

la voix grave du kappelmeister

le choeur final de la Passion

que troublaient les folles clameurs des paons

et mes larmes

à jamais...


Soudain le claquement des livres

sur les stalles à Ténèbres

les lampes s'éteignent et c'est la nuit

sur le monde qui bascule

la fin de l'ancien héritage

la Nouvelle Attente

Flectamus genua... levate...

les dieux sont morts

Dies irae dies illa

le sang remplace l'eau du Déluge...


Un train aux lumières aveugles

franchit des forêts invisibles.

C'est un manège

et les chevaux de bois tournent encore

me ramenant sur le quai de départ

et le train glisse toujours

à jamais

vers mon premier lointain voyage...


Aujourd'hui

je suis plus âgé que ma mère.



Extrait de :

Frédéric Jacques Temple

La chasse infinie

Frontispice de Claude Viallat

éd. Jacques Brémond, 2004


Rafael Cadenas

Rafael Cadenas est un poète, essayiste et traducteur vénézuélien né à Barquisimeto en 1930. Il a publié son premier recueil de poésie en 1946, Cantos iniciales, à l'âge de 16 ans. Ses ouvrages les plus importants sont Los Cuadernos del Destierro publié en 1960, Falsas maniobras en 1966, Intempérie en 1977 et Gestiones en 1992.

Il a notamment traduit Walt Whitman et Robert Creeley en espagnol. En 1986, il reçoit une bourse Guggenheim qui lui permet de mener des recherches sur Whitman et Emerson à Cambridge.

Pendant de nombreuses années, il a été professeur à la Faculté des Lettres de l’Université Centrale du Venezuela à Caracas, où il vit aujourd'hui.

En l’an 2000 la maison d'édition mexicaine, el Fondo de Cultura Económica, publie l'intégralité de son œuvre - Obra entera. Poesía y prosa–. En 2007, la maison d’édition espagnole Pre-Textos publie Obra entera. Poesía y prosa (1958-1995).

Doctor Honoris Causa de l’Université des Andes (Mérida), de l’Université Centrale du Venezuela (Caracas) et de l’Université de Carabobo , Rafael Cadenas s’est vu décerner le Prix national de l’essai (1984), le Prix national de littérature (1985), le Prix International de Poésie J.A. Pérez Bonalde (1992).

En 2009, il a reçu au Mexique le Prix FIL de Littérature en Langues Romanes.

Son œuvre poétique –traduite en plusieurs langues- est l’une des plus importantes de l’histoire de la littérature vénézuélienne et des belles-lettres hispano-américaines.

Découvrez quelques-uns de ces poèmes sur ce blog :

http://versionlibreorg.blogspot.fr/2012/06/quelques-poemes-de-rafael-cadenas.html

Pour en savoir plus :

http://www.rafaelcadenas.org/rafael_cadenas.htm



Frédéric Jacques Temple

Frédéric-Jacques Temple est né à Montpellier en 1921 et vit aujourd'hui à Aujargues (Gard). Il a passé son enfance entre les Grands Causses et les lagunes littorales. En 1942, il rencontre à Alger Edmond Charlot, l’éditeur de Camus, qui publie son premier recueil. En 1943, il participe aux derniers combats contre l’Afrika Korps en Tunisie, à la Campagne d’Italie, au débarquement en Provence et termine la guerre en Autriche. En 1946, il se trouve au Maroc où il dirige les pages littéraires d’un hebdomadaire et contribue à créer des jardins maraîchers dans le désert. C’est le début d’une correspondance avec l’écrivain américain Henry Miller. Revenu à Montpellier en 1948, il collabore à la Radio Régionale et se lie d’amitié avec Delteil et Blaise et Blaise Cendrars.
Il est nommé en 1954 directeur régional de la Radiodiffusion Française, poste qu’il occupera jusqu’en 1984.
Ses œuvres en prose autant que ses poèmes doivent l’essentiel à ses racines méditerranéennes, ses voyages, sa passion pour l’histoire naturelle et la conscience aiguë d’une enfance perdue et d’un Sud défiguré.
Ses premiers recueils de poèmes ont été réunis dans une
Anthologie personnelle (Actes Sud, 1989) plusieurs fois rééditée, qui a obtenu le prix Valery-Larbaud.

Parmi les recueils publiés depuis, plusieurs ont fait l’objet d’une collaboration avec un peintre comme Boréales/Atlantique Nord (1999) et Un émoi sans frontières (2006) avec René Derouin, A l’ombre du figuier (2003) et Molène (2007) avec Alain Clément, Ode à Saint-Pétersbourg (2004) avec Pierre Soulages et Venise toute d’eau (2007) ainsi que des traductions et des biographies.

L'ensemble de son œuvre, réfractaire à tout dogme comme à toute affiliation, est animé d'une liberté frémissante. Ce qui la caractérise, c'est l'attention aux vibrations e la nature comme à celles de poèmes de Whitman, Rimbaud, Cendrars, des fugues de Bach et les simples émotions humaines.

Découvrez ces poèmes sur ce blog :

http://versionlibreorg.blogspot.fr/2012/06/quelques-poemes-de-frederic-jacques.html

Une grande rencontre


Nous organisons une grande rencontre de poésie, qui aura lieu le vendredi 22 juin à Montpellier.
Avec Frédéric Jacques Temple, poète et romancier français et Rafael Cadenas, poète et essayiste vénézuélien.
A 18h30, Espace Martin Luther King.
A ne surtout pas manquer !

samedi, juin 09, 2012

El Sexto, de José María Arguedas


Ce roman autobiographique décrit la vie quotidienne des détenus au pénitencier d'El Sexto, à Lima, dans les années 1930.

Il s'agit d'un microcosme très hiérarchisé, telle la pyramide du jugement dernier, où les 3 étages symbolisent les strates sociales: en bas, l'enfer, où croupissent les assassins et les clochards, au milieu, le purgatoire, contient les délinquants, les caïds et les victimes de droit commun tandis que les prisonniers politiques et les étudiants occupent le 3é étage, le « paradis ».

La violence (brimades, tortures, viol, prostitution, trafic…) et la cruauté régissent ce lieu clos encadré par des gardiens eux-mêmes corrompus.
A cette ambiance carcérale s’ajoute une rivalité idéologique entre
les deux frères ennemis, l'APRA et le parti communiste péruvien.
Seules quelques échappées lyriques (poésie, nostalgie andine) permettent au jeune étudiant Gabriel et au lecteur de supporter l’insoutenable.

Œuvre classique de la littérature, cette vision d’un réalisme noir constitue une allégorie de la société péruvienne à cette époque.

Immergez-vous dans ces bas-fonds, courage…

Claire Amiel

Editions Métailié, 2011, pour la traduction française


samedi, juin 02, 2012

Fernando Vallejo y el desbarrancadero


El desbarrancadero, de Fernando Vallejo1


El autor
Fernando Vallejo (Medellín, 1942) es un escritor y cineasta de origen colombiano radicado y nacionalizado en México. Su estilo crítico en contra de la iglesia católica, la falsa moral, la clase política, la reproducción, la familia, lo colombiano, la pobreza y la física, entre otros temas, lo han convertido en uno de los autores más polémicos de la escena literaria latinoamericana. Defensor de la homosexualidad y de los derechos de los animales, su obra incluye novelas, ensayos, una gramática del lenguaje literario y biografías de los poetas colombianos José Asunción Silvia y Porfirio Barba Jacob y la más reciente sobre el filólogo Rufino José Cuervo. Ha recibido numerosos reconocimientos como el Premio Rómulo Gallegos y el Premio de Literatura Latinoamericana y del Caribe Juan Rulfo.

La obra
El desbarrancadero es una novela de amor fraternal en la que Fernando, el protagonista, narra los últimos días en la vida de su hermano Darío, enfermo de Sida. El regreso forzado a Medellín supone un sacrificio emocional para el protagonista quien intentará curar las dolencias del moribundo usando tratamientos veterinarios mientras rememora las historias vividas con ese hermano brillante y descarriado que ama el aguardiente, la marihuana y el sexo con muchachos.
Por amor a Darío, Fernando retorna a la mala patria, como llama a Colombia, regresa a la destartalada casa paterna y a sus recuerdos de infancia, dialoga con la muerte que insiste en llevarse a sus pocos seres queridos y desafía a La Loca, aquella madre abusiva, ególatra y dominante a la que odia y culpabiliza del infortunio familiar. El primogénito vuelve a casa y lanza una mirada crítica a ese clan engendrado en una locura reproductiva que termina fragmentándose entre víctimas y victimarios. De esa familia disfuncional, Fernando ha escogido a quien amar y a quien odiar. A la figura santa del padre se suma la figura del hermano, una oveja negra a quien el autor acepta amar con sus excesos sin tratar de justificar sus errores.
Fernando sabe que la luz de Darío se está apagando y en medio del jardín inventa un refugio. Una cama bajo la sombra de los árboles que se convierte en un confesionario donde el protagonista intenta hilar la vida de su hermano, impregnándose de su esencia, acompañándolo en su dolor físico que al final es el propio dolor del autor ante el vacío de la próxima muerte.
La historia, narrada en primera persona, es un relato continuo sin divisiones ni capítulos donde se intercalan recuerdos, descripciones, reflexiones y diálogos que dejan en el lector una sensación de incertidumbre al no saber donde está el límite entre la narración biográfica y la ficción literaria. En un lenguaje cáustico e incendiario, el autor devela su visión de la muerte, la decadencia de la familia y la violencia autodestructiva de la sociedad colombiana.
Por esta obra Vallejo recibió el premio Rómulo Gallegos en 2003. El libro fue traducido al francés por Gabriel Iaculli. Fue publicado en 2005 por el sello Edition du Rocher bajo el titulo Et nous irons tous en enfer.

Por: María Inés McCormick


1Alfaguara, 2001, 200 páginas

jeudi, mai 31, 2012

Falke, de Federico Vega



Falke : raconter l’Histoire à partir d’un échec

Une petite maison d’édition mexicaine publie, en 2004, Falke : roman d’un jeune auteur vénézuélien, Federico Vegas. Un livre très bien accueilli, puisqu'il sera en 2005 un succès de librairie et deviendra rapidement une référence de la littérature vénézuélienne actuelle.

Federico Vega part d’un épisode historique vénézuélien : l’insurrection d’un groupe d’exilés contre le dictateur Juan Vicente Gómez, dirigée par Román Delgado Chalvaud en 1929. Falke est le nom du navire allemand où voyagera un équipage de plus de cent hommes, 2000 fusils, 1288 boîtes de munitions et 2 millions de cartouches, depuis les côtes de la Mer du Nord jusqu'aux Caraïbes vénézuéliennes. Les témoignages de cette aventure conspiratrice sont multiples: extraits des journaux intimes, mémoires, lettres, biographies, articles de presse et chapitres de livres d’Histoire. C’est à partir de toute cette documentation que l’auteur construit un récit à la première personne : celle de Rafael Vega, son oncle, un personnage captivant. Le jeune étudiant en médecine à Paris, intelligent, sensible, d’un corrosif esprit critique, donne au roman une autre dimension, une conscience de l’échec, une lucidité de l’ombre qui manque justement à une tradition trop peuplée de héros.
Ainsi, un épisode de l’Histoire du début du vingtième siècle vénézuélien sert de point de départ pour construire une autre histoire, celle qui n’a jamais été représentée dans aucun manuel du Venezuela post-gomeciste : c'est l’exploration d’une aventure plutôt ‘quijotesca’, davantage que la célébration d’une expédition héroïque. L’auteur se sert d’un cadre historique pour faire démarrer le récit. Il nous raconte le départ, la formation du groupe - la junta libertadora, qui contient plusieurs références aux discours de Simón Bolívar -, la vie des protagonistes, un groupe de jeunes étudiants et vieux expatriés vénézuéliens à Paris, qui favorisent l’engagement du lecteur dans le voyage. C’est en suivant avec humour toutes les démarches précédant ce départ, ces petits événements qui n’ont justement pas été décrits dans le discours historique officiel, que le lecteur commence à se sentir complètement pris par l’effet de réel et, là, en pleine mer, semble se libérer la fiction. Le lecteur s’embarque dans l’inconnu jusqu'à l’arrivée du bateau près des côtes vénézuéliennes ; c’est aussi le début d’un drame majeur pour les apprentis héros et les vieux exilés qui dirigent l’expédition. Le Venezuela du début du XXe siècle, comme le Mexique de la Révolution, est un pays rural, ignorant, mais aussi pluriel, qui ne peut pas être libéré car n’y habite pas encore l’idée de nation.
Falke, où l’histoire se libère dans les espaces de la fiction pour nous délivrer de nouvelles possibilités de rapprochement, où les lecteurs sont invités à participer, comme dans un bon roman d’aventures, mais aussi à se retrouver psychologiquement. Un roman qui voyage dans la mémoire, explore l’absurde et se rapproche du présent pour articuler une communauté dans l’acte de raconter.

Paula Cadenas

lundi, mai 28, 2012

La vida conyugal, de Sergio Pitol

EL AUTOR
Escritor mexicano reconocido, diplomático, traductor. Como miembro de Servicios Exteriores viajó a Francia, Rusia. Residió en Roma, Pekín, Barcelona...

OBRA
Empezó a escribir en la madurez, (~30 libros) y la difusión de su obra fue tardía. Forma parte de la generación que quiere "matar a Gabo".

LA VIDA CONYUGAL
Decimocuarta novela.
La referencia temporal son los años cincuenta, el lugar Mexico en un ambiente urbano.
Es la historia de un matrimonio enfocada a partir de la mujer.
Ella es una advenediza, procede de una familia de clase popular, casándose consigue acceder a la alta sociedad mexicana. Cambia de nombre, pasa a llamarse Jacqueline y rechaza totalmente sus raíces humildes. Está muy satisfecha con su éxito.
Poco a poco por las infidelidades de su marido va sintiéndose frustrada, se aleja de él y lo mejor que se le ocurre es eliminarlo.
Sergio Pitol cuenta de una manera paródica las relaciones de pareja, los engaños y los intentos de eliminación en un marco de negocios y estafas.
Es la historia de un fracaso personal y matrimonial de una pareja fatalmente "unida hasta que la muerte la separe".
Escritura
Narración en 3era persona, relato extradiegético
Relato cronológico puntuado por prolepsis y analepsis, con ciertos desajustes en la historia.
Se desprende la impresión de observación más o menos científica al mismo tiempo que humorística.
Hace hincapié sobre la soledad, la incomprensión, el amor o el desamor, los desencuentros, el arte de arruinarse la vida.

Michèle Montagut

mercredi, mai 16, 2012

Perder es cuestión de método, de Santiago Gamboa

AUTOR
Nació en 1965 en Bogotá, vivió en Madrid y en París donde fue periodista en Radio France Inter.
OBRA
Perder es su segunda novela, fue publicada en 1997 por Editorial Mundadori Barcelona y adaptada al cine en 2005.
PERDER ES CUESTIÓN DE MÉTODO
Novela policial cuyo marco principal se ubica en Bogotá a finales de los 80.
El Capitán Moya contacta con Victor Silanpa, periodista en El Observador, después del descubrimiento de un cadáver a orillas del río Sisga. El choque al ver este cuerpo empalado (como si se tratara de un rito), deformado, porque estuvo en el agua, arrastra a Silanpa en una investigación desenfrenada para encontrar a los culpables de tal ignominia.
Desde entonces entramos de lleno en una novela negra. El enigma gira alrededor de unos terrenos muy codiciados y la investigación nos hace descubrir la ciudad como un laberinto con sus bajos fondos, la prostitución, la mafia, la corrupción política, inmobiliaria, los chanchullos. Todas estas facetas turbias Silanpa las va a descubrir llevando su investigación con la ayuda circunstancial de un detective improvisado Estupiñán muy avispado y digno de
confianza. Es el hermano de una de las víctimas.
Paralelamente el héroe vive una historia de amor algo complicada con Mónica. Podemos pensar que el título anuncia su desenlace. Investigación y desencuentros amorosos le hacen sufrir a Silanpa una degradación tanto moral como física.
En el relato de la investigación se insertan como en una puesta en abismo el relato autobiográfico del Capitán Moya, ¿Relato de un perdedor? Son capítulos muy cortos, tanto en la primera parte como en la segunda. Es Víctor Silanpa quien tiene la última palabra en el epílogo.
LO ORIGINAL
Es el estatuto ambiguo del personaje fundamentalmente perdido tanto en su vida personal como profesional. Oficialmente periodista se transforma en privado e incluso mantiene relaciones de "inspector de policía " con el Capitán Moya.
ESCRITURA
Lengua agradable, sencilla, relato cautivador con mucho humor y referencias culturales.
EJE INTERESANTE
Pintura de una sociedad decadente y agonizante.

Michèle Montagut

Consultez également l'avis de Maria Inés :
http://versionlibreorg.blogspot.fr/2012/10/perder-es-cuestion-de-metodo-de.html 

lundi, mai 14, 2012

Santiago Gamboa et la littérature latino-américaine

Selon l'écrivain colombien Santiago Gamboa, depuis le boom, la littérature latino-américaine a maintenant atteint "sa majorité". Il met toutefois un auteur en avant : le chilien Roberto Bolaño.
http://cultura.elpais.com/cultura/2012/05/11/actualidad/1336761317_461722.html

La désirante, de Malika Mokeddem


L'auteure, Malika Mokeddem, est algérienne, née le 5 octobre 1949 à Kenadsa.
Elle est médecin, spécialiste en néphrologie, mais elle n'exerce plus depuis 1985 et se consacre à l'écriture.
Elle vit à Montpellier depuis 1979.
Elle a obtenu le Prix Littré, en 1991, pour Les hommes qui marchent (qui a été traduit en espagnol). Dans ses livres, transparaît son combat pour les femmes opprimées.


La désirante (livre publié en 2011 chez Grasset):

Le compagnon de la narratrice a disparu en mer. Seul son bateau, nommé Vent de sable, a été retrouvé à la dérive au large du golfe de Squillace (tout au sud de la botte italienne). Elle s'accroche à l'espoir qu'il n'est pas mort mais qu'il a dû être enlevé, même s'il n'y a eu aucune demande de rançon. Et elle va partir à sa recherche, depuis Montpellier où elle vit.
Voici un passage qui rend compte des sentiments très forts qui lient cette femme à son compagnon et de sa détermination sans faille à le retrouver :
 « Je prends le large et je te parle. Je te parle parce qu'à mon tour, je dois te convaincre que tu ne peux pas disparaître en Méditerranée sans que je sois capable de te retrouver. Je te parle parce que ton absence m'enchaîne à ce bateau plus solidement qu'aucun harnais. Je te parle parce que pour la première fois le manque a un corps, le tien. Je te parle pour que la mer te rende à moi. Je te parle parce que je te veux vivant. Je te parle de Vent de sable, ce grand vent qui de nouveau m'emporte. Avec ma propre détermination cette fois. »
La mer est évidemment très présente dans le récit, car la narratrice et son compagnon aiment naviguer. On y trouve de nombreuses descriptions de la vie des marins, par exemple : 
« Le vent, les vagues n'attendent pas. Redoublant de vigilance surtout par des mers de grande circulation comme celle-ci, les marins sont les plus souvent rivés entre cockpit et pont. Ils se nourrissent à la hâte. Leurs vaisselles débordent de l'évier. Ce n'est qu'à bon port qu'ils se soucient de ranger, de laver. Harassés mais comblés, ils se prêtent alors à ce rituel de l'arrivée avec une lenteur enfin déconnectée : remettre le bateau en ordre, le dessaler, se dessaouler eux-mêmes de l'ivresse de la traversée et domestiquer le mal de terre. »
C'est aussi le récit d'une enquête bien sûr, l'enquête que cette femme va mener pour essayer de comprendre comment son compagnon a pu disparaître. Elle en a l'expérience puisqu'elle a été journaliste.
La narratrice a un lien très physique avec la nature. Elle aime le sable qui lui rappelle celui du désert de son enfance, en Algérie. Elle se ressource au bord de la mer, sur la plage du Grand Travers :
« Le monde avait changé de siècle mais la mer était toujours la même. Ce jour de mai 2000, j'étais encore à la regarder. Juste de l'autre côté. Comme je le faisais là-bas. La terreur en moins. J'avais arpenté la plage du Grand Travers une partie de ce samedi après-midi. Elle n'a rien de particulier, si ce n'est qu'elle n'est pas bétonnée. Que j'en aime le nom, Grand Travers. Je me sentais tellement délabrée. J'avais tellement besoin de toucher le sable, de l'éprouver. Je m'y étais jetée, enfoncée, comme à mon habitude. Et comme d'habitude, son contact m'avait restituée à moi-même. »
Elle n'avait pas de famille, pas de maison, plus de pays puisqu'elle a quitté l'Algérie. Son compagnon est toute sa vie.
Elle évoque également la guerre civile en Algérie, qu'elle a fuie, puis l'exil.
Et son amour des livres qu'elle a dû laisser derrière elle en partant :
« Mon dernier regard fut pour les livres qui tapissaient tous mes murs. C'était là l'image du désastre des exils dans l'urgence : fuir comme une voleuse en abandonnant des textes qui m'avaient nourrie, portée, aidée à résister sans savoir si je pourrais, un jour, les récupérer. J'avais refermé ma porte sur le chagrin de cet abandon. »

On voit bien ici que Malika Mokeddem aime la langue française et les mots. Elle nous offre un très beau portrait d'une femme libre, forte et sensible.
C'est un récit très agréable à lire, même s'il y a parfois quelques longueurs. C'est une écriture très poétique qui fait la force du roman.
Rachel Mihault