Poète, essayiste et traducteur vénézuélien, né en 1930 à Barquisimeto, Rafael Cadenas offre une oeuvre poétique dense, qui a été traduite en plusieurs langues. Son oeuvre est reconnue comme majeure en Amérique Latine et en Espagne. Il s'est vu décerner plusieurs prix prestigieux : le prix national de l'essai en 1984, le prix national de poésie en 1992 et le prix FIL de littérature en langues romanes en 2009.
Si, grâce à notre association, Amitiés franco-colombiennes de Montpellier, vous avez déjà fait connaissance avec Rafael Cadenas, vous serez heureux d'apprendre qu'il sera de nouveau parmi nous, lundi 24 juin, salle Pétrarque à Montpellier !
Si vous n'avez pas encore pu le rencontrer, venez faire sa connaissance !
Merci à Daniel Mordzinski pour ces magnifiques photos.
Voici pour vous quelques extraits de sa nouvelle anthologie :
du recueuil
INTEMPERIE/INTEMPÉRIE
(1977)
¿Cómo pudo
volverse tribunal
de su vida
(no es sino la sala
donde se reúne
a rumiar fallos)
el
que menos juzga,
el
que existe desde su
cuerpo,
el
menos
concluyente de
los nacidos?
*
Muerde,
traga,
recibe
lo necesitas,
lo está pidiendo a gritos
tu cuerpo,
lo reclama tu pecho a
voces,
lo esperan tus rodillas.
Come cuanto antes este
plato.
Tus manos no se sentirán
flojas en la
mañana.
Toma el bocado que te
corresponde,
el escogido para ti,
el que alguien puso en tu
mesa
para que vivieras con él.
Comment
a-t-il pu
devenir tribunal
de sa vie
(il n’est que la salle
où il se réunit
pour ruminer des
sentences)
celui
qui juge le moins,
celui
qui existe depuis son
corps,
le
moins probant
de tous ceux qui sont nés
?
*
Mords,
avale,
reçois
tu en as besoin,
ton corps le demande à
grands cris,
ta poitrine le réclame à
tue-tête,
tes genoux l’espèrent.
Mange ce plat au plus
vite.
Tes mains ne se sentiront
plus molles le matin.
Prends le morceau qui te
revient,
celui qui a été choisi
pour toi,
celui que quelqu’un a
mis sur ta table
pour que tu partages ta
vie avec lui.
*
Me
sostiene este
vivir en vilo
sin ninguna señal
ni mapa
ni promesa,
en una antesala donde
todos trajinan
como empleados
para olvidar.
*
Es
recio haber sido,
sin saberlo, un jugador,
y encontrarse
tocando
como una carta
el destino.
Ya no hay más jugadas
sino un ponerse
en manos desconocidas.
Ce
qui me fait tenir
c’est vivre en suspens
sans aucun signe
ni carte
ni promesse,
dans une antichambre où
tous s’affairent
comme des employés
pour oublier.
*
C‘est
rude d’avoir été,
sans le savoir, un joueur,
et de se retrouver
en train de risquer
comme une carte
le destin.
Il n’y a plus de coups à
jouer, seulement s’en remettre
à des mains inconnues.
Du
recueil gestiones/
DÉMARCHES
(1992)
[…]
Lo
que miras a tu alrededor
no
son flores, pájaros, nubes,
sino
existencia.
No,
son flores, pájaros, nubes.
*
¿Quién
es ese que dice yo
usándote
después
te deja solo?
No
eres tú,
tú
en el fondo no dices nada.
Él
es sólo alguien
que
te ha quitado la silla,
un
advenedizo
que
no te deja ver,
un
espectro
que
dobla tu voz.
Míralo
cada
vez que asome el rostro.
[…]
Ce
que tu regardes
autour de toi
ce
ne sont pas des fleurs, des oiseaux, des nuages,
mais
de
l’existence.
Non,
ce sont des fleurs, des oiseaux, des nuages.
*
Qui
est donc celui-là qui dit moi
en
t’utilisant
pour
ensuite te laisser seul ?
Ce
n’est pas toi,
toi
au fond tu ne dis rien.
Lui,
c’est seulement quelqu’un
qui
t’a enlevé ta chaise,
un
dernier venu
qui
ne te laisse pas voir,
un
spectre
qui
double ta voix.
Regarde-le
chaque
fois qu’il montre le visage.
Ocurre
que después del laborioso forcejear
el
poema
está
donde menos se esperaba,
donde
nadie lo buscó,
donde
no se ve,
en
el rincón más apagado.
Vino
a dar ahí
burlando
al que escribía, al lector, a la página.
Se
deslizó hasta ese lugar
donde
de pronto
es
descubierto.
Aquí,
dice
una voz queda.
Oculto
como
un niño
en
un cuarto
donde
se guardan viejos muebles.
Il
arrive
qu’après de laborieux efforts
le
poème
se
trouve là où on s’y attendait le moins,
là
où personne ne l’a cherché,
là
où on ne le voit pas,
dans
le recoin le plus obscur.
Il
a abouti là
déjouant
celui qui écrivait, le lecteur, la page.
Il
s’est glissé jusqu’à cet endroit
où
soudain
il
est découvert.
Ici,
dit
une voix basse.
Bien
caché
comme
un enfant
dans
une chambre
où
l’on garde de vieux meubles.