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mardi, mars 21, 2017

"Contre-jour", de Sara Rosenberg (Argentine)

Une silhouette à contre-jour sur la couverture d’un livre. C’est un cerf. Pourquoi est-il là ?
C’est en premier lieu ce qui attire, le graphisme, et puis la qualité du papier si agréable au toucher, le choix de la mise en page et des caractères et le désir d’en savoir plus. C’est toujours ce qui se passe avec les Editions de la Contre Allée et c’est ce qui s’est passé avec ce roman de Sara Rosenberg qui vient de paraître. 
Ce livre, c’est « Contre-Jour » et ce cerf, c’est celui qui hante les nuits de Griselda Koltan comédienne argentine exilée à Madrid depuis de nombreuses années avec son compagnon metteur en scène engagé, Jerónimo Larrea.

dimanche, septembre 09, 2018

"Le Nord du monde" de Nathalie Yot (France)

La rentrée de La Contre Allée est prometteuse. On vous parlera bientôt très probablement du nouveau titre d’Alfons Cervera. Mais là, c’est le premier roman de NaTYot, oups, pardon ! de Nathalie Yot qui est à l’honneur.
NaTYot est poète et performeuse, elle vit à Montpellier. Je l’ai rencontrée avec son recueil « Je n’ai jamais été mais il est encore temps ». Et aujourd’hui, Nathalie Yot a écrit son premier roman, dans la même veine que sa poésie. D’ailleurs, il y a des clins d’œil comme « Je ne sais pas danser », l’un de ses poèmes électros qui est repris par bribes dans l’un des chapitres...

dimanche, septembre 16, 2018

"Un autre monde - Otro mundo", Alfons Cervera (Espagne)

Alfons Cervera, nous l’aimons bien. Marc nous en parlait déjà il y a quatre ans, après sa lecture de « Tant de larmes ont coulé depuis » et l’an dernier, à l’occasion de la Comédie du Livre, nous avions participé activement à l’animation d’une rencontre avec le tandem Alfons – Georges menée par JulienDelorme.
Or, nous vous le disions dans l'article précédent : la rentrée de La Contre Allée est prometteuse. Après le Nord du monde de Nathalie Yot, paraîtra début octobre « Un autre monde / Otro mundo » d’Alfons Cervera, traduit par Georges Tyras. Françoise qui l’a lu en version originale, a décidé de partager avec nous sans attendre ses impressions !

mardi, décembre 08, 2020

"Freshkills" de Lucie Taïeb (France)


La lecture du livre de Lucie Taïeb,
Freshkills, recycler la terre, a fait remonter à ma mémoire une lecture ancienne, celle d’une nouvelle d’Alejo Carpentier, Vuelta a la semilla (Retour à la source ou à la semence), que je n’ai jamais oubliée : un vieil homme, assis sur un banc, regarde des ouvriers qui démolissent une grande maison et, au fur et à mesure que la maison s’écroule, lui la reconstruit mentalement et fait revivre son histoire.

Il me semble qu’on peut relier cette nouvelle au travail de Lucie Taïeb commencé avec sa thèse, Territoires de mémoire, l’écriture poétique à l’épreuve de la violence historique, (Garnier 2012), ouvrage passionnant qui est, au-delà d’un travail universitaire rigoureux, le fruit d’une démarche intime et profonde.

Cette même démarche, on la retrouve dans Freshkills publié en 2019 au Canada et qui vient de sortir à La Contre Allée dans la collection bien nommée, Un Singulier Pluriel.

vendredi, octobre 16, 2020

"L'Arrachée belle" de Lou Darsan (France)

 


Une fois encore, La Contre Allée délaisse les grands axes et nous emmène sur des chemins de traverse, à la découverte d’un univers singulier. Cet univers c’est celui de Lou Darsan, blogueuse, voyageuse, dont le premier ouvrage, « L’Arrachée belle », est paru il y a peu.

C’est un livre dans lequel on peut refuser d’entrer ; mais si on se laisse porter par le flot des mots, on est embarqué dans un voyage inoubliable et qui nous interroge.

Au centre du récit, il y a une jeune femme au mal-être profond. La ville où elle vit l’oppresse. Dans l’appartement qui est le sien elle étouffe. L’homme qui est son compagnon est devenu un étranger. Tout vacille autour d’elle et en elle. Elle a même peur de disparaître par la bonde de la baignoire.

Alors, dans un ultime sursaut, elle s’arrache à cette vie mortifère et elle part :

mercredi, mars 29, 2023

"Nuits de noce" de Violaine Bérot (France)


 Ce petit livre il faut seulement l’effleurer, ne rien dévoiler de l’histoire qu’il raconte. Ne pas dire pourquoi ni pour qui il a été écrit. Simplement se laisser porter par les mots. Par cette histoire d’un amour incandescent et doux à la fois, d’un amour unique, hors du commun, qui se prolonge toute une vie. Cela commence ainsi :

 « Dès le premier moment aperçu et aimé
instantanément
lui
l’homme interdit
le prêtre

devant la foule

Dès le premier moment convaincue
moi
que lui serait
l’homme de ma vie. »

vendredi, mars 03, 2017

"Témoin" de Sophie G. Lucas (France)

Étrange petit livre que celui-ci, publié l’année dernière par les éditions de la Contre Allée invitées à la prochaine Comédie du Livre de Montpellier. Pour l’écrire, Sophie G. Lucas, qui y sera également présente, a assisté pendant plusieurs mois aux audiences du tribunal de grande instance de Nantes et ce sont comme les minutes de ces audiences qu’elle nous livre là. Des textes courts au style incisif, rugueux, dépouillé, comme des coups de poing qui réveillent les consciences. Plusieurs voix racontent, ce qui donne de la profondeur à chaque petit texte. Et à travers ces paroles c’est tout un pan de notre société malade qui nous saute à la figure, celle des laissés pour compte, de ceux qui n’ont pas eu de chance et qui souvent reproduisent la violence qu’ils ont eux-mêmes subie. :

lundi, septembre 19, 2022

"Le Pion" de Paco Cerdà (Espagne)

Après « Les Quichottes », voyage dans les territoires désertés de la Laponie espagnole, Paco Cerdà revient, toujours à la Contre Allée, avec « Le Pion » (« El Peón »), un livre qui, au vu des ouvrages cités en référence, est le fruit d’un extraordinaire travail d’investigation. Et le résultat est passionnant.

À partir des 77 mouvements de la partie d’échecs qui vit s’affronter en janvier 1962, à Stockholm, deux génies de la discipline, Arturo Pomar « le petit facteur espagnol » et Bobby Fisher, l’américain ambitieux et mégalomane, à partir de cette partie donc, Paco Cerdà tisse une histoire politique et humaine qui nous ramène au temps du franquisme et à celui de la guerre froide.

lundi, mars 06, 2017

"Frictions" de Pablo Martín Sánchez (Espagne)

Les Collecteurs se préparent à la 32è Comédie du Livre qui invite notamment La Contre Allée. Alors Marc nous réinvite à lire Frictions dont il avait parlé sur son très bon blog !
« Les humains sont épris d'ordre. Les humains passent le plus souvent leur temps - quoi qu'ils en disent ou pensent par ailleurs - à mettre le monde et les choses en ordre, à les ranger, les classer, les catégoriser... à les nommer et les renommer sans cesse. Le langage lui-même n'est-il pas autre chose qu'une activité de classement, de mise en ordre des sons qui font des signes ou des mots, que l'on arrange pour faire des phrases? Je ne sais plus quel linguiste ou sémiologue disait que c'est de la combinaison que naît le sens. Que se passe-t-il alors quand vient le désordre? Quand les mots n'obéissent plus aux phrases? Quand les évènements brouillent les récits, quand les idées et les images vagabondent sans avoir cure du sujet ou du thème? C'est une des choses que nous fait explorer et expérimenter Pablo Martín Sánchez, en bon OuLiPien et dans un certain désordre.

mardi, mars 10, 2020

"Rouge Pute", Perrine Le Querrec (France)

« Rouge Pute », ça commence comme ça :

«Pour X raisons
La violence tombe
Pour X raisons
Mon corps, une ombre
Pour X raisons
Ma vie, une tombe »

Ces mots, ce sont ceux de toutes ces femmes battues, massacrées, que Perrine Le Querrec a rencontrées à Louvains, alors qu’elle était en résidence et qui ont réussi à lui parler : « J’écoute. Je sais faire cela écouter attentivement, de tout mon corps, aussi longtemps qu’il m’est nécessaire. Ce que j’entends ne ressemble à rien de connu ». Ces mots, elle les a scrupuleusement respectés et ce sont autant de poèmes que l’on prend en pleine figure et qui vous ébranlent physiquement.

mercredi, mai 19, 2021

"Les Quichottes. Voix de la Laponie espagnole" de Paco Cerdà (Espagne)


La petite maison d’édition « Pepitas de calabaza » (Graines de courge, un bien joli nom pour une maison d’édition), qui elle aussi emprunte les chemins de traverse, a publié en 2017 Los últimos. Voces de la Laponia española, œuvre d’un jeune journaliste trentenaire originaire de la région de Valencia, Paco Cerdà. La Contre Allée nous fait un bien beau cadeau en en publiant la traduction sous le titre Les Quichottes. Voix de la Laponie espagnole.

La Laponie espagnole ou Serranía Ibéríca, c’est un territoire de montagnes aux hivers rigoureux qui s’étend sur les provinces de Guadalajara, Teruel, La Rioja, Burgos, Valencia, Cuenca, Zaragoza, Soria, Segovia et Castelló. Un territoire qui compte 1355 villages mais au total pas plus de 500 000 habitants, soit une densité d’à peine huit habitants au kilomètre carré. Le territoire le moins peuplé d’Europe « cette tache désertée et agonisante qu’on appelle serranía ibérica » (p.50)

Paco Cerdà a entrepris un voyage hivernal de 2500 km au cœur de cette Espagne dépeuplée, cette « Tierra de los Pocos », ce « País de los Nadie » (la Terre des Peu Nombreux, le Pays des Personne).

vendredi, août 22, 2014

"Tant de larmes ont coulé depuis, tantas lagrimas han corrido desde entonces" d'Alfons Cervera

Alfons Cervera est venu au Grain des Mots (Montpellier) au printemps nous parler de son écriture...  Avant sa venue, j'ai tenté de lire son dernier roman traduit en français, "Tant de larmes ont coulé depuis", mais j'ai buté contre la particularité de son écriture... Je m'y suis donc reprise à deux fois pour enfin réussir à entrer dans son univers qui m'a, au final, bien emballée !

Marc Ossorguine, qui a animé cette rencontre à Montpellier, a déjà très bien dit ce que l'on peut en dire ! Voici donc l'article qu'il a publié sur son blog "Fil de lectures" et qu'il a accepté de republier ici, sur Version Libre... A la suite de son article, j'ai ajouté quelques extraits pour vous donner une idée et envie de partir en exploration !

Des voix exilées


Voici le quatrième roman d'Alfons Cervera, l'écrivain valencien qui nous est offert, traduit en français par le fidèle et complice George Tyras. Après La couleur du crépuscule(@) et Maquis à La fosse aux ours (premiers titres du cycle de la mémoire qui comptent 5 romans), puis Ces vies-là (@) à la Contre allée, voici Tant de larmes ont coulé depuis,Tantas lágrimas han corrido desde entonces, dernier titre publié outre Pyrénées (2012).

Alfons Cervera - Tant de larmes ont coulé depuis
Alfons Cervera - Tant de larmes ont coulé depuis

Le principal narrateur de ce roman a émigré en France, à Orange, il y a des années et revient aujourd'hui à son village perdu dans la "Serranía valenciana", Los Yesares, pour l'enterrement de la mère de son ami Alfons. Le récit s'inscrit donc dans une certaine continuité avec le cycle de la mémoire et avec Ces vies-là et mêle présent et passé, faits réels revisités ou réinventés, voix multiples...révélant et construisant une mémoire d'aujourd'hui sur les souvenirs du passé.
"La mémoire se construit par sauts successifs, en laissant dans son récit des trous intermédiaires, comme si une solution de continuité était possible au bout du compte entre ce qui a existé pour de vrai et ce que nous imaginons."
La mémoire n'est pas du passé, rappelle Alfons Cervera, mais bien du présent, nourri d'images et de bruits du passé qui se sont fragmentés, dispersés, et dans lesquels on se perd parfois. Un labyrinthe d'incertitude toujours menacé par l'oubli et les mensonges. Une mémoire qui ne se soumet pas non plus aux récits sagement découpés et soigneusement clos que l'histoire, celle qui se dit Histoire, voudrait officialiser. Mais l'histoire s'écrit avec des vies et des morts insignifiantes. Dans cette histoire-là, celle qui s'inscrit dans les corps, les gestes, les voix, les murs, et parfois dans de tels livres, la guerre ne se finit pas toujours à la fin de la guerre et l'exil, qu'il soit politique ou économique, ne connaît pas de fin. Cela vaut que l'on vienne d'Espagne, du Maroc ou de quelque autre pays ou région du monde. Le regard des exilés sur le monde qu'ils perdent et celui qu'ils découvrent est sans doute le même, quelle que soit la couleur de leur peau ou la géographie de leur exil.
Au fil du récit, plusieurs voix se croisent, se font écho et parfois se brouillent. Le lecteur n'est plus trop sûr de qui parle à chaque instant, mais cela importe au fond assez peu. Des voix parlent. Des mots se font entendre, souvent hésitants, fragmentaires, parfois confus, parfois redondants. Mais petit à petit, un puzzle précis d'impressions, de douleurs et de colères, de renoncements et d'espoirs, se compose et nous permet de comprendre un peu mieux le passé et l'histoire de tous ces exilés qui vivent parmi nous et parmi lesquels nous vivons. Ces exilés que nous sommes peut-être aussi, comme tout humain, au fond.

La version originale, ed. Montesinos
La version originale, ed. Montesinos

Tant de larmes ont coulé depuis est donc un livre sur l'exil et la mémoire, mais pas seulement. C'est aussi un livre qui s'écrit un peu devant nous et où l'auteur-narrateur nous fait part de ses réflexions sur la mémoire et l'exil, sur l'écriture qui pourrait dire cette mémoire destinée au silence et à l'oubli. Avec la poésie d'une langue simple et profondément riche, Alfons Cervera nous propose un texte qui est aussi une manière d'essai dont les dimensions historiques, poétiques, littéraires et philosophiques, voire sociologiques, ne sont pas "incompatibles", pour une fois. Au fil des pages, les passages que l'ont recopie ou que l'on met en évidence d'un trait de crayon se multiplient, et nombre de phrases et d'images résonnent encore une fois le livre refermé. Notre mémoire du livre se construit en se mêlant à nous, nous construit par la part d'incertitude qu'il a fait naître en nous par la découverte de ces destins oubliés, méprisés, croisés chaque jour mais rarement rencontrés.
C'est sans doute cela que l'on attend d'un écrivain et d'un livre : qu'il nous révèle une partie du monde que nous ne savions voir et que nous commençons à comprendre, sans forcément chercher à l'expliquer. Une rencontre qui contribue aussi à nous changer et à faire de nous ce que nous sommes et serons demain.
Un livre, une œuvre et une voix à découvrir si ce n'est déjà fait.
Alors que nous attendons la publication de La nuit immobile, 3e volume du "cycle de la mémoire", signalons qu'en Espagne, l'ensemble de ce cycle a été réuni en un seul volume sous le titre Las voces fugitives. On y trouve donc La color del crepúsculo, Maquis, La noche inmóvil, La sombra del cielo et Aquel invierno, le tout précédé d'une préface de Georges Tyras, le traducteur français de l’œuvre de Cervera.

Marc Ossorguine

Pour partager un peu de cette sorte d'ovni littéraire, voici quelques extraits choisis...

PP 24-25
« Lorsque je suis arrivé en France, avec mes parents, à peine âgé de neuf ans, je ne savais pas qui était Miguel Hernandez, ni que bien des années plus tard je serais dans les journaux et à la télévision avec le visage apeuré d'un enfant qui n'était pas moi mais qui me ressemblait beaucoup. Sauf pour la couleur de la peau, pour tout le reste nous étions pareils, l'enfant des journaux et moi, lorsqu'on est arrivé à Orange. Le vieux cinéma du village est à présent une ruine envahie par les herbes en décomposition et les cadavres d'oiseaux. Une barrière de fer rouillé, les murs pleins de crevasses provoquées par les pelles mécaniques, la petite scène enterrée de façon obscène sous les gravats. J'ignore la raison de cette ruine. Ce que je sais, c'est que le regard de l'enfant dont la photo paraît dans les journaux et celui qui se perdait derrière le photographe inconnu dans une gare de France il y a cinquante ans sont pareils. Tous deux présentent la même brillance éteinte, l même tristesse et le même désarroi. La même peur. »
PP 87-88
« Plus tard, des années plus tard, j'ai compris que personne n'est à jamais du même endroit, que les lieux, nous les portons en nous, avec les gens qui les habitent, et que nous nous construisons peu à peu avec les lambeaux de tout ce que nous trouvons sur notre chemin, que grand-mère Delmira avait raison ou avait du moins la raison que toujours recèlent les mots parfois inexplicables de la folie. Dès notre arrivée à Orange commença à s'imposer la conviction que, quel qu'allait être notre destin sur ces terres étrangères où nous débarquions pour vaincre la faim, il n'y aurait pas de retour, ni à Los Yesares ni nulle part ailleurs. Le voyage débutait avec cette photo anonyme à la gare, avec ma mère et moi penché à la fenêtre les yeux emplis d'appréhension, et il n'est pas achevé, si longtemps après, au moment où, d'ici peu, j'empoignerai le cercueil de Teresa avec Miguel, Lucio et David Catarro, et que nous le porterons sur nos épaules pour gravir les marches qui conduisent au parvis de l'église. J'ignore si le temps existe ou pas, comme le soutenait Gerardo à Manuel le boulanger pendant les soirées de répétition du Don Juan Tenorio, mais je sais qu'il disparaît dans les replis de l'exil, de tous les exils, aussi bien celui qui conduisit le père anarchiste de Roman en France que celui qui nous arracha à Los Yesares, bien des années plus tard, pour ne pas mourir de faim. »
PP 109-110
« Il faisait froid et un mistral dur et parcimonieux, qui poussait des amas de feuilles humides, soufflait vers la place Lucien Larroyenne. Il était midi, un carré de soleil réunissait un groupe de jeunes maghrébins derrière la Comédie. J'appelais Aurora de mon portable : Je t'appelle d'ici, je lui dis. C'est où ça, ici ? Eh bien, mais à Orange, où veux-tu que ce soit. Aurora vivait à Orange il y a de nombreuses années et elle y a eu un fiancé français qui s'appelait François. La mémoire a toujours un lieu de référence. Il est impossible de se souvenir depuis nulle part. Le temps commence à s'écouler en titubant, comme s'il suivait des chemins de terre et qu'il soit aveuglé par la poussière. Marcher à l'aveuglette dans le temps. Parfois je me dis que la mémoire, c'est cela, chercher comme par instinct ce qu'il y a eu auparavant, cet endroit envahi de brume d'où nous nous sommes échappés une fois pour trouver une issue qui ne sera jamais celle que nous attendions. Le fiancé d'Aurora se prénommait François et l'été, il allait lui rendre visite à Los Yesares, quand elle et ses parents avaient quitté Orange sans espoir de retour à leur maison du boulevard Edouard Daladier, tout près de là où nous vivions, nous. Des gens rentrent à La Agricola, ils viennent à l'enterrement. Le froid de Los Yesares est semblable à celui de la maison du canal, semblable aussi le calme, cette lenteur qui est parfois plus propre à la vie qu'à la mort. Un silence étrange s'est soudain emparé de la rue. Nous avons commencé à parler chez Teresa et Aurora poursuit la remémoration de ses fiancés français et des fenêtres om se reflétait une jeune femme avec un visage de vieille. De temps en temps elle regarde Marie-Pierre et c'est comme si elle retournait aux jours d'été à Orange, à Caderousse, aux chansons de Johnny Hallyday et Françoise Hardy. Un jour j'ai vu François au Café des Glaces et il m'a dit que les étés à Los Yesares, c'était fini. La vie, c'est la vie, parfois elle réunit les gens et d'autres fois elle leur fait prendre des routes diférentes. »

jeudi, avril 22, 2021

"Tea rooms – Femmes ouvrières" de Luisa Carnés (Espagne)

Luisa Carnés (1905-1964) m’était complètement inconnue et il faut vraiment remercier la petite maison d’édition espagnole Hoja de lata établie à Gijón qui, en 2016, a décidé de republier l’un de ses romans, « Tea-rooms-Mujeres obreras » initialement paru en 1934. Il faut également remercier La Contre Allée, qui nous emmène toujours plus loin sur ses chemins de traverse, de nous en donner maintenant la version française.

Ce roman est une perle rare et Luisa Carnés une femme au parcours exceptionnel. Contemporaine de la fameuse Génération de 27 qui comptait en ses rangs, FG Lorca, Rafael Alberti, Luis Cernuda, Dámaso Alonso, Vicente Aleixandre, Jorge Guillen,… elle aurait dû être sur la fameuse photo des Sin sombrero, ces artistes féministes qui ont accompagné ces grands poètes. Elle aurait dû, mais elle n’était pas de leur monde et on l’a oubliée. Née dans une famille pauvre, elle a travaillé dès l’âge de onze ans et notamment, à un moment de sa vie, dans un salon de thé. Autodidacte, militante communiste et féministe, elle doit s’exiler quand éclate la guerre civile. Passée par l‘un des camps de réfugiés du sud de la France, elle embarque avec d’autres intellectuels républicains sur le fameux transatlantique Veendam, affrété par le président mexicain Lázaro Cardenas. Elle vivra et écrira au Mexique jusqu’à sa mort, accidentelle, en 1964.

samedi, février 06, 2021

"Un père étranger" de Eduardo Berti, traduction J.-M. Saint-Lu (Argentine)



C’est avec grand plaisir qu’on retrouve Eduardo Berti,écrivain argentin né en 1964, auteur d’une œuvre déjà conséquente, membre de l’Oulipo et qui nous entraîne, dans ce nouvel opus, en Amérique du sud, en France, en Europe centrale et en Angleterre.

Ce « Père étranger » qui vient de paraître à la Contre Allée est un étonnant jeu de miroirs qui met en scène un fils écrivain, l’auteur lui-même, qui cherche à comprendre son père qui vient de mourir et lui a laissé en héritage un roman inachevé, « La Dé
route ». Dans le même temps le fils écrit ou tente d’écrire une biographie romancée de Joseph Conrad et pour ce faire se rend dans le Kent, à Pent Farm, où ce grand écrivain a vécu à une période de sa vie avec sa femme Jessie et son fils Borys.

jeudi, avril 08, 2021

« Entre les rives » de Diane Meur (France)

 

En octobre dernier, je partageais avec vous quelques lignes du livre de la traductrice Corinna Gepner, « Traduire ou perdre pied » paru aux éditions La Contre-allée. Avec celui dont je vais vous parler maintenant, ce livre inaugurait la création d’une nouvelle collection baptisée « Contrebande » et consacré à la traduction : « Contrebande fait entendre la parole d’un traducteur ou d’une traductrice, un parcours, une réflexion, le bruit de la traduction » nous disent-ils.

Donc, « Entre les rives » est le témoignage de Diana Meur, traductrice de l’allemand et de l’anglais qui a la particularité supplémentaire d’être également auteure reconnue de romans.

Si l’on doit comparer les deux ouvrages, je dirais que celui de Corinna est une collection de sentiments, d’impressions, une peinture intime de ce qui l'a amenée et la mène à la traduction littéraire, tandis que celui de Diane est plutôt une somme de réflexions autour du travail d’écriture qui passe autant par ses expériences de traduction que celles d’écriture « pure ».

mardi, juin 24, 2014

"La Isla Celeste" de Sara Rosenberg

De l'écrivaine argentine Sara Rosenberg, les adultes francophones ont pu découvrir il y a un an "Un fil rouge" (Ed. La Contre Allée), magistral récit sur les blessures de la dictature dont l'écrivaine fut elle-même victime. Les adultes hispanophones ont peut-­être eu l'occasion de lire "Un hilo rojo", Cuaderno de invierno (Ed. Espas Calpe) ou Contraluz (Ed. Siruela).



Les plus jeunes hispanophones, en esprit ou en âge, peuvent quant à eux découvrir "La Isla Celeste", une histoire poétique et militante illustrée de dessins de l'auteure elle-­même.




"La Isla Celeste" s'appelle ainsi car elle est toute bleue. Entièrement bleue. Comme le ciel, avec toutes les nuances de bleu. Bleus sont les arbres qui y poussent et les animaux qui y vivent. Au delà de sa couleur, l'île n'est pas ordinaire, car elle éprouve des émotions et peut être triste ou joyeuse. Toute petite et délaissée par les navires qui passent au large elle est un refuge pour les animaux qui y vivent et avec lesquels elle parle.

Céleste ne connaît pas les couleurs. Elle les voit de loin en loin, sur les navires qui n'abordent jamais ses côtes. Mais elle voudrait tant connaître les couleurs qu'elle en devient triste. Son désir envahissant pour ce qu'elle n'a pas la rend si triste que sa tristesse devient contagieuse.

Les animaux vont alors décider de chercher pour elle les couleurs et lui en font a surprise. Petit à petit Céleste prend des couleurs, fleurs et plumages se parent de toute la gamme de l'arc­-en-­ciel Iris. Heureusement, un petit coin de l'île a été conservé tout bleu et cela sauvera la baleine Ismael.

Mais tant de couleur finit par attirer l'attention... et une jour débarque un humain plein de projetspour l'île de toutes les couleurs... pleins de projets menaçants... les habitants de l'île auront plusd'un tour à jouer aux promoteur séduit par les couleurs, mais cela suffira-­t­-il à conjurer le danger ?

Une fable qui parle de désir et d'ambition, d'écologie et de solidarité, dont la clarté de la langue est fort bien adaptée à de jeunes lecteurs ou auditeurs (à partir de 8 ans pour l'éditeur) mais qui peut aussi enrichir bien des plus grands. Des bien plus grands même.



Vous aurez sans doute du mal à trouver "La Isla Celeste" dans les librairies hexagonales, mais il suffit d'un voyage en terres hispaniques, réel ou virtuel, pour prendre la mer dans ces eaux où vous croiserez peut-­être aussi Maurice Sendak et Max et ses maxi­monstres...


Marc Ossorguine (et son blog foisonnant !)

vendredi, juillet 07, 2017

"In Utero" de Julien Blanc-Gras (France)

Dans « La Femme Brouillon » publié en septembre 2016 à la Contre Allée Amandine Dhée parlait avec beaucoup de force et de justesse associées à une belle pointe d’humour de la grossesse, de la difficulté d’être à la fois femme et mère, de « la violence d’être habitée par un autre », de la peur d’être dépossédée de son identité, de celle aussi de ne pas être une bonne mère et de son refus de n’être que cela. C’est un livre qui nous avait beaucoup plus ici et dont Laurence avait parlé avec enthousiasme.
Si je rappelle cela c’est que je viens de lire « In Utero » de Julien Blanc-Gras publié en 2015 au Diable Vauvert et réédité en Livre de Poche. Si le titre n’est pas génial, ...

mardi, octobre 06, 2020

« Traduire ou perdre pied » de Corinna Gepner (France)

Corinna Gepner est traductrice, elle a même été la présidente de l’Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF). Germaniste, elle vient d’être récompensée avec le prix Eugen-Helmlé.

Dans ce texte fragmenté, elle nous livre ce qui l’anime, ce qui la pousse, ce qui la fait douter… en permanence ! Cela se lit d’une seule traite, c’est un pur régal.


Morceaux choisis :


« Plus je traduis, moins je sais. Plus j’ai d’habileté, plus le sol se dérobe sous moi, plus les mots, les phrases révèlent leur double, leur triple fond et bien plus encore. Je ne cesse de composer avec le vertige. Le texte, foncièrement, m’échappe, et pour travailler je dois faire comme si je savais, juste comme si. »

 

« La traduction est pour moi une lente et systématique destruction de ce que je croyais savoir. Car il y avait la croyance en un savoir possible et le désir de bâtir sur du solide. Cette croyance-là s’effrite de jour en jour. »

lundi, juin 14, 2021

"Ils" de Natyot (France)

 


De Nathalie Yot, j’avais beaucoup aimé « Le Nord du monde » [Laurence en avait parlé là !] paru à la Contre Allée en 2018 et jamais oublié cette phrase qui ouvre et ferme le livre : « C’est courir qu’il faudrait ». Elle publie aujourd’hui , (et elle est Natyot en poésie), aux éditions La Boucherie littéraire, un petit recueil de poèmes, « Ils ».

« Ils », c’est un titre par défaut, par défaut de notre langue qui n’englobe pas, comme le fait le « they » anglais, le masculin et le féminin. Parce que « Ils », c’est « eux », c’est « elles », c’est « nous ». Parce que c’est de notre vie qu’il s’agit, de choses qu’elle observe, qui nous relient les uns aux autres. Elle dit : « J’écris sur ce que j’observe des autres,… sur ce qui se passe entre nous, les autres, nous, quels autres sommes-nous ? ».

mercredi, mars 11, 2015

Isabel Alba

Isabel Alba est romancière, scénariste et photographe. 
La verdadera historia de Matias Bran (La véritable histoire de Matias Bran) est son deuxième roman.
Elle sera présente pour la prochaine Comédie du livre de Montpellier. Profitons-en !

Nous sommes à Madrid en 2010. Matías Bran, 65 ans, se trouve seul dans une chambre. Il est sur le point de se suicider. Il positionne son revolver dans sa bouche... Près de lui se trouvent des carnets de notes, des photos, et une valise confiée par son grand-père, qu'il n'a jamais ouverte, et qui contient toute une histoire. Si Matías Bran appuie sur la gâchette, cette histoire tombera dans l'oubli.



Le livre 1, intitulé El recinto Weiser (Les usines Weiser) revient sur l'histoire de cette famille. Elle se situe en Hongrie, au début du 20e siècle. Nous faisons connaissance avec une jeune fille, nommée Örzse, issue d'un milieu très défavorisé, et de son jeune frère, Miklós Brasz. Tous deux vont aller travailler dans l'usine d'armement Weiser. Va arriver la première guerre mondiale, et alors que certains ouvriers cherchent à convaincre leurs camarades d'aller combattre pour leur patrie, Örzse pour sa part milite pour la révolution, afin d'en finir avec le système capitaliste et renverser les dirigeants qui exploitent les ouvriers. 
Miklós, lui, va s'engager et partir faire la guerre, mais devant les horreurs qu'il voit, il décide de déserter.

« Miklós Brasz había enterrado a hombres con los que se había emborrachado la noche anterior en la trinchera o con los que había jugado a las cartas.
Miklós Brasz había visto caer a su lado a muchachos a los que había leído las cartas de sus novias o de sus madres.
Miklós Brasz había saltado en el campo de batalla por encima de los cadáveres de quienes le daban las órdenes.
Miklós Brasz había pisoteado en su huida a quienes había odiado y a quienes había amado. »

En 1919, c'est la révolution communiste, qui apporte de grandes avancées sociales, mais qui sera rapidement réprimée et suivie d'une dictature très dure.
Miklós va alors fuir et il se retrouvera en Espagne, sous le nom de Miguel Bran...
Nous attendons avec impatience le livre 2 pour connaître la suite de cette saga familiale. La valise en question ici a-t-elle une lointaine parenté avec celle de Walter Benjamin ? Il nous faudra patienter pour tenter de le savoir...
Même si ce récit est un peu trop didactique à mon goût, je l'ai trouvé très agréable à lire. L'écriture d'Isabel Alba est intéressante car très visuelle et poétique, inspirée par le théâtre et le cinéma.
J'ai bien aimé les réflexions d'Emma Fräter, amie de Örzse, qui nous explique ce que signifia pour elle l'apprentissage de la lecture :
« No he hecho otra cosa que trabajar, año tras año, día tras día, doce horas diarias ; de las máquinas al jergón, del jergón a las máquinas. […] Fue cuando Ilona Mennyei me enseñó a leer, ¿te acuerdas ?, cuando todos, uno tras otro, aprendimos a leer. La idea partió de Akos Zeléndy y creo que también de Örzse Brasz. Y fue una idea provechosa, al menos para mí, porque leer es la primeras cosa buena que me ha pasado en la vida. De pronto, después de muchos días de perder horas de sueño intentando juntar las letras, éstas formaron palabras y las palabras representaban ideas, y aunque aún no había cumplido doce años, nunca podré olvidarlo, empecé a darles vueltas y vueltas a esas ideas hasta que las entendí y entonces se abrió un mundo, nuevo y enorme, ante mis ojos. […] Y entonces, al fijarme en ellas por primera vez, comprendí para qué veníamos al mundo, que era algo que nunca me había entrado en la cabeza, no estábamos aquí para trabajar como mulas, no estábamos aquí para sufrir como dicen los curas, sino para ser felices. […] Frank, tú lo sabes, son solo algunos hombres los que han hecho el reparto de todas las cosas naturales y buenas que tiene el mundo, esas que están ahí para aportarnos la pequeña dosis de felicidad que nos corresponde a cada uno de nosotros. Esos hombres egoístas y malos se han quedado con todas ellas y para justificar su robo, porque en realidad son de todos y ellos se las han apropiado, nos enseñan con patrañas divinas, con cielos lejanos y bendicen su hurto llamándolo propiedad privada y haciéndolo, encima, hereditario para que pase de generación en generación. »

Rachel Mihault

La verdadera historia de Matias Bran, Libro 1: El recinto Weiser, Isabel Alba, Montesinos, 2011
Le roman a été traduit en français par Michelle Ortuno et publié par les éditions la Contre Allée sous le titre La véritable histoire de Matias Bran