mardi, mars 10, 2020

"Rouge Pute", Perrine Le Querrec (France)

« Rouge Pute », ça commence comme ça :

«Pour X raisons
La violence tombe
Pour X raisons
Mon corps, une ombre
Pour X raisons
Ma vie, une tombe »

Ces mots, ce sont ceux de toutes ces femmes battues, massacrées, que Perrine Le Querrec a rencontrées à Louvains, alors qu’elle était en résidence et qui ont réussi à lui parler : « J’écoute. Je sais faire cela écouter attentivement, de tout mon corps, aussi longtemps qu’il m’est nécessaire. Ce que j’entends ne ressemble à rien de connu ». Ces mots, elle les a scrupuleusement respectés et ce sont autant de poèmes que l’on prend en pleine figure et qui vous ébranlent physiquement.

lundi, mars 02, 2020

"Estimat Miquel' de Lluis Llach (Catalogne/Espagne)

Estimat Miquel es el més bel homenatge a una amistat entre el poeta Miquel Marti i Pol i el compositor Lluis Llach, dins una llengua catalana amb tota subtilesa que fa plaer com sempre amb la més rica expressió de admiració, de tolerància i de tendresa.
Durant vint anys des del 1982 i fins a la mort del poeta, Lluis Llach i Miquel Martí in Pol van col·laborar estretament.
Aquest edició amb dos CD que contenen totes les composicions de Miquel Martí i Pol – Lluis Llach es magnífica.
Conten també totes les lletres.


Estimat Miquel est le plus bel hommage à une amitié entre le poète Miquel Marti i Pol et le compositeur Lluis Llach, dans une langue catalane toute en subtilité qui fait plaisir comme toujours avec la plus riche expression d’admiration, de tolérance et de tendresse

mercredi, février 26, 2020

"L'Ancêtre" de Juan José Saer (Argentine)

Le plaisir du partage de lectures s'infuse dans tous les lieux de rencontre possibles et imaginables. Les réseaux sociaux en sont, indéniablement.
Alors quand les éloges d'un livre sont éclatants et qu'ils sont formulés par une lectrice très avertie, on a très envie de les partager plus encore :

Merci donc à Françoise Salamand-Parker qui a accepté que l'on fasse un article de son grand coup de cœur ! Voilà donc ce que "L'Ancêtre" lui a inspiré :

"Voilà ma vision : C’est un livre-monde. Pour moi, j’ai su dès les premières pages que j’avais affaire à un grand roman.
Roman d’aventure, roman d’apprentissage, roman philosophique à la manière de Voltaire ou Rousseau, roman anthropologique, roman poétique.

dimanche, février 23, 2020

"Autour de ton cou", de Mirjana Bobic (Serbie)


Quel est le secret du Professeur Stanislas Dugi, retrouvé mort dans son appartement, une pierre couleur lie-de-vin sur sa langue violacée, dans sa bouche entr’ouverte ?
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Autour de ton cou n’est pas une énigme policière. Mais il y a bel et bien une énigme autour du personnage de Léna, l’épouse adorée, mais qui cachait un secret qu’elle a emportée dans la tombe, Balaban, l’exécuteur testamentaire du Professeur Dugi, et un mystérieux collier de pierres que Léna ne quittait jamais.

Car Dugi est l’auteur d’une œuvre unique qu’il laisse à Balaban le soin d’éditer. Une œuvre étrange, dont chaque chapitre est placé sous le signe d’une pierre semi-précieuse.

Agate, Aigue-marine, Cornaline ou Lapis Lazuli, Onyx, Turquoise, Pierre de Lune ou Grenat, chaque pierre est prétexte à une courte nouvelle dont le thème est toujours lié à une rencontre amoureuse, suivie souvent de scènes de jalousie, ou de souffrance infligée à l’autre.
Jusqu’à l’histoire finale de l’Améthyste que Balaban est censé écrire pour parachever l’œuvre du maître.

Très agréable à lire, Mirjana Bobic est auteure de best seller en Serbie, et de deux romans traduits en français. Parsemé de citations littéraires qui vont de Pavese à Kundera, frais et pétillant comme un apéritif d’été, tout à la fois manuel de minéralogie ou de cristallothérapie, ode à la passion amoureuse ou énigme concernant cet autre qu’est toujours un peu la personne aimée, Autour de ton cou est aussi un viatique pour tous ceux que tourmente le démon de la jalousie.

Un vrai petit bijou.

Florence Balestas

Autour de ton cou, Mirjana Bobic, Editions Xenia, 2012

vendredi, février 14, 2020

"USA Trilogy”, de John Dos Passos (Etats-Unis)


Le 42ème parallèle de New York à San Francisco, avec contexte historique de la première guerre mondiale pour 1919 et Big money pour clore la trilogie écrite dans les années trente par un John Dos Pasos adulé par Jean-Paul Sartre. C’est une poursuite de personnages engagés pour la vie dans des contextes risqués, des amours fragiles et conscients des questions sociales.

Le procédé d’écriture est novateur entre la vie de nombreuses personnes qui forment des chapitres tout au long de la trilogie USA, entrecoupés par des actualités mêlant annonces médias, chansons de l’époque et encore plus moderne, la vision de l’œil caméra qui dans un style visuel apporte une touche artistique et un changement de rythme.

mercredi, février 12, 2020

"Opus 77" d'Alexis Ragougneaux (France)

(Article précédemment publié sur le site de la Cause Littéraire dont Marc le Collecteur est également contributeur !) 

L'opus 77 qui est au centre de ce récit, c'est le 1er concerto pour violon de Dimitri Chostakovitch (aussi connu sous le numéro d'opus 99). Une œuvre que le compositeur, tour à tour réprouvé et honoré par le régime stalinien, composera dans une période pour lui sombre, en 1947-48 et qui sera créé en octobre 55 par le violoniste David Oistrakh et le chef Evguéni Mravinski. Pour autant ce n'est pas de Chostakovitch dont il est question dans ce 10e opus publié par Alexis Ragougneau (5 textes de théâtre et 5 romans).

Opus 77 nous introduit dans les secrets de famille d'un chef d'orchestre prestigieux, ancien pianiste, et dont la fille est aussi une pianiste de 25 ans dont la carrière internationale s'ouvre et s'annonce des plus remarquables, guidée par un imprésario de talent. Le récit s'ouvre sur les obsèques du père, Classaens, chef de l'Orchestre de la Suisse romande. Sa fille, doit jouer une pièce pour piano avant de débuter la cérémonie, elle ne sait pas vraiment quoi jouer, après avoir passé ces derniers jours au chevet de son père agonisant. Contre toute attente, du moins pour le public présent, Ariane Classaens ne choisira pas une pièce convenue mais s'attaquera à la version pour piano du fameux concerto opus 77, pour violon et orchestre. Pourquoi cette œuvre précisément à ce moment ? Secret de famille ! Secret et surtout silence. Silence du frère qui aurait pu être un grand violoniste. Qui l'a été quelques instant avant que tout s'arrête. Jusqu'à ce que jouer devienne impossible.

vendredi, janvier 31, 2020

"La lumière d'hier, de Lucian Blaga (Roumanie)



Lucian Blaga (1895-1961) est un des plus grands poètes de tous les temps, porteur d’une langue roumaine marquée par le Dor qui exprime un sentiment complexe qui mêle la nostalgie et la mélancolie, la douleur et la joie, Blaga trouve un ton proche des Doïnas orales tout en créant une langue ambitieuse et métaphysique intemporelle fidèle au peuple solaire roumain.

Ce peuple, qui nous a offert les francophones géniaux Tristan Tzara, Ghérasim Luca et Eugène Ionesco, peuple francophile et doté d’une langue riche en nuances mérite à être connu plus amplement et à redécouvrir ses auteurs de langue roumaine.


L’ombre que nous portons sur le chemin,
faite de soleil, faite de lune,
nous est aussi obscure qu’une rune
écrite sur la pierre de lagune.
Pour escorter dans le monde l’être
marche à ses côtés le non être.
L’ombre que nous portons sur le chemin
serait-elle une fumée ? Oh, elle n’est pas fumée.
Tout ce qui l’entoure veut dire :
l’ombre est aussi incarnation
du rien solaire,
du rien lunaire

François Szabó

La Lumière d’hier, de Lucian Blaga, traduit du roumain par Andrea-Maria Lemnaru-Carrez, Edition bilingue, Editions Po&psy, 2019, 80 pages

mercredi, janvier 29, 2020

"Péter les boulons" de Laurence Biberfeld (France)

Laurence Biberfeld n’est pas une inconnue pour Les Collecteurs : quatre de ses livres sont déjà chroniqués sur notre blog, et voici le cinquième, et elle fut également notre invitée, en compagnie d’Anne Bourrel, lors de la première rencontre publique de notre association, il y a un peu plus de quatre ans au Gazette Café.
Elle a vingt-et-un titres à son actif, principalement des romans, mais aussi quatre essais. Son domaine de prédilection est le roman noir, et si je me fie aux cinq titres que j’ai lus, ce qui l’occupe, la préoccupe le plus, c’est le sort des individus et des communautés les plus déshérités de notre société.
Elle décrit crûment leur vie et les nombreux obstacles et mécanismes qui leur rendent l’existence impossible. Et chaque fois, pour les sortir de là, de ces impasses, il reste l’explosion, l’évènement de trop qui les conduit à la résistance, à la rébellion, à l’irréparable.
« Péter les boulons » (éditions in8), la dernière parution en date, est un concentré de tout cela, une sorte de feu d’artifice. Voici comment l’éditeur la présente :
« Lucien, opéré pour une simple hernie, se réveille amputé de deux mètres d’intestins. La surprise n’est pas vraiment au goût d’Irène, sa fille, qui décide de punir de façon définitive le chirurgien zélé. C’est qu’Irène est très famille. En cavale, elle se réfugie dans un squat multiculturel et y retrouve tous ses compagnons de galère, des laissés pour compte, des boulons trop serrés qui ne demandent qu’à faire dérailler le rouleau compresseur du système. Ce petit monde s’engage bientôt dans une vengeance collective radicale. Assistantes sociales, psys, comme agents pôle emploi feraient bien de se mettre aux abris. Car c’est le système social entier que le gang d’Irène veut déboulonner.

lundi, janvier 06, 2020

"Encre sympathique", de Patrick Modiano (France)


Qu’est-ce qui pousse le narrateur, un jeune homme d’une vingtaine d’années au début du récit, à mener une enquête pour découvrir ce qu’est devenue une certaine Noëlle Lefebvre, signalée disparue par un dénommé Georges Brainos auprès de « Hutte » le patron du narrateur ?

« Encre sympathique » commence comme un polar américain de Raymond Chandler, avec un privé chargé de retrouver une personne disparue mystérieusement. Mais très vite Patrick Modiano abandonne les codes du genre – le narrateur n’a rien d’un Philip Marlowe – pour une tonalité plus mélancolique et énigmatique. 

Ce qui n’est au départ qu’une mission confiée pour un premier emploi au narrateur en effet, va se transformer en quête à partir de maigres indices : une carte pour aller chercher le courrier de Noëlle Lefebvre à une poste restante, un agenda tenu de sa main et oublié dans un tiroir de chambre obscure, un personnage d’apprenti comédien, un dancing sur le point d’être démoli … Comme toujours avec Modiano on arpente les rues de Paris – ici le 15ème arrondissement – à la recherche d’une trace d’un passé révolu. Mais le jeu de piste nous conduira aussi jusqu’à Rome, où on évoquera des souvenirs de la région d’Annecy.
Remémoration, passage du temps, recherche de ses maigres traces, on retrouve bien là tous les thèmes chers au Prix Nobel de littérature qu’on connaît. Patrick Modiano maîtrise l’art de l’ellipse, et celle du récit labyrinthique pour cerner son sujet : il procède de façon concentrique et apparemment décousue, avant de retrouver celle qu’il recherche, alors que le narrateur lui-même ne sait pas ce qui le pousse à aller de l’avant.