Le
vendredi 11 décembre prochain, nous vous invitons à rencontrer Anne
Bourrel et Laurence Biberfeld au Gazette Café ! Alors nous
poursuivons avec plaisir la découverte de leurs écrits...
Aujourd'hui donc, voici ce que nous
dit la 4ème de couverture du
« Roman de Laïd » :
« Dans
le carré musulman du cimetière de Lodève-en-Rivière, une jeune
femme découvre par hasard le nom de Laïd Bourhala inscrit sur l'une
des tombes.
Pour recomposer l'histoire de cet homme né en Algérie, la jeune femme bascule dans le monde de la Mémoire.
Pour recomposer l'histoire de cet homme né en Algérie, la jeune femme bascule dans le monde de la Mémoire.
"Laïd
Bourhala est mort le 4 mars 1983. Sa tombe est belle à
Lodève-en-Rivière, et de lui, je ne sais rien de plus..." »
Ce
roman
est
court
et rapide à lire, et
l'écriture
d'Anne Bourrel est toujours fluide. Il est construit autour de deux
récits. Dans la première moitié, nous sommes aux côtés de
Yasmina Loiseau.
Cette jeune femme sort d'une rupture amoureuse et,
sonnée, elle vacille entre rêve et réalité lors d'un passage à
Lodève.
Son chemin croise alors la tombe d'un certain Laïd Bourhala, né en
Algérie en 1950 et mort à Lodève en 1983. Sans savoir vraiment
pourquoi, elle va partir à la recherche de ce qu'a été la vie de
cet homme mort bien jeune. La deuxième partie du roman nous met en
présence de Laïd qui va, lui,
nous raconter sa vie, douloureuse,
de fils de harki.
Par
ce récit, Anne Bourrel nous entraîne dans la vie, dans les
ressentis, de toutes ces familles dont l'exil est à la fois le fruit
de leur choix et de la force des choses, sujet
d'actualité s'il en est.
Yasmina Loiseau est traductrice ; son métier l'amène donc à
créer sa propre écriture en se glissant dans celle des autres, et
aussi à se soumettre aux sujets qui se présentent… Elle creuse
donc, elle cherche et elle finit par trouver… Elle nous laisse
alors entre
les mains de Laïd. Pour ma part, j'ai regretté qu'à la fin elle ne
revienne pas pour
nous
laisser
une piste : que
tire-t-elle de cette aventure, de cette recherche, de cette
trouvaille ?
Quelques
extraits :
p.
42
« Elle
ressassait, encore et encore. Elle repensait sans cesse au petit
cimetière musulman, à la tombe. Naïvement, elle se demandait
pourquoi il fallait différencier sur un espace géographiquement
défini, les morts musulmans des morts chrétiens. Les lunes, les
croix et les étoiles pourraient tout aussi bien cohabiter, cela
aiderait peut-être les vivants… Elle restait des heures plongée
dans des pensées informes. Le silence se faisait. Elle écoutait le
vent. Elle regardait les lumières de la ville, elle contemplait le
noir de la nuit. »
p.
45
« Un
soir, alors qu'elle était allongée sur le canapé, près de la
lampe rouge,
en
train de lire le petit livre des lettres de Flaubert que Jean lui
avait conseillé, une phrase lui sauta aux yeux : « On ne
choisit pas son sujet d'écriture, il nous tombe dessus. »
Elle
n'avait pas non plus choisi de se trouver dans cette histoire, mais
elle devait l'accepter. Aussi étrange que sa journée à
Lodève-en-Rivière puisse paraître, cela avait eu lieu. Elle le
savait, elle le sentait, elle le croyait. Elle avait reçu une
mission, et elle allait devoir l'accomplir. Désormais, l'improbable
était devenu sa réalité. »
p.
138
« Le
premier soir, on nous servit de la nourriture militaire. Ma sœur
Alima fut prise d'un de ses fous rires inextinguibles lorsqu'elle vit
arriver dans son assiette une bouillie marronnasse. Nous, à la
maison, on avait l'habitude des fous rires d'Alima. Ils prenaient
généralement toute la tablée et on riait, on riait jusqu'à se
rouler par terre. Mais cette fois, Alima a ri toute seule dans un
silence embarrassé et puis elle a fini par pleurer et ma mère
aussi.
A
ce moment, j'étais découragé, je me souviens à quelle point
j'étais découragé ; j'aurais voulu me coucher à même le sol
et dormir, dormir pendant des jours et des jours. Mon père fixait
son assiette remplie de cette bouillie, sans dire un mot. Il
ne parlait pas beaucoup mais à partir de là, il s'est refermé
comme une tombe. J'ai maintenant oublié sa voix. »
p.
140
« On
est resté silencieux encore pendant deux ou trois longues minutes.
C'était lourd, je baissais la tête, une boule au fond de la gorge,
je n'arrivais pas à aller plus loin, à dépasser un étrange
sentiment de honte donc je n'aurais pu déterminer la provenance. Une
honte générale, que je sentais peser sur mes épaules d'enfant. Une
honte que les adultes auraient dû endosser, que certains d'ailleurs
endossaient.
Mon
père ne parlait plus, et ces hommes maigres, qui se croisaient sans
un mot, tous les jours, traversaient les champs poussiéreux de notre
camp en portant cette honte de la guerre jusqu'aun fond de leurs
yeux, noirs et immenses.
J'aurais
voulu pouvoir lui raconter cela à Bruno quand on s'est retrouvé. »
p.
171
« Maintenant,
mes trois sœurs habitent avec leurs maris, en ville. Elles ont
épousé trois algériens, des fils de harkis de la cité ; pour
elles, cela n'a pas été un problème.
Elles
poursuivent leur vie, sans nous, elles sont plus fortes que nous :
elles se débrouillent bien avec le présent et l'avenir, leurs
enfants naissent et grandissent. Leur vie semble exister.
Nous
trois, mon père, ma mère et moi, on n'a pas bougé. »
Pour
en savoir encore
un peu plus,
vous
pouvez aussi lire la
critique
de Penvins sur e-litteratures.net.
« Le
Roman de Laïd » d'Anne Bourrel. Acoria éditions, 2008.
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