L'intrigue
policière de « Coupable vous êtes » est
vendredi, juillet 24, 2015
« Coupable vous êtes », de Lorenzo Lunar (Cuba)
Contemporain
de Padura, Lorenzo Lunar est lui aussi un auteur de polars cubains.
Son terrain n'est pas la Havane, mais la ville de Santa Clara –
dont il est originaire et où il tient une librairie -, à 300km de
la capitale, au centre de l'île. La petite chanson de Lorenzo Lunar
est donc assez semblable à celle chantée par Padura.
mercredi, juillet 22, 2015
« Pasado perfecto », de Leonardo Padura (Cuba)
Écrivain
rencontré en mars dernier lors de son passage remarqué à la
Librairie du Grain des Mots, c'est avec grande curiosité et envie
que je me suis plongée dans « Pasado perfecto » [« Passé
parfait » traduit par Caroline Lepage chez Métailié, 2001],
le premier opus de la série de romans policiers qui ont fait sa
réputation de chroniqueur de la vie quotidienne cubaine
d'aujourd'hui.
Ce
récit nous fait faire la connaissance de Mario Conde – flic, 35
ans -, au petit jour d'une cuite monumentale prise à l'occasion
jeudi, juillet 09, 2015
Suggestions de lecture pour l'été...
Comme promis là, quelques
participants du groupe de lecteurs vous invitent à profiter de l'été pour partager leurs
coups de cœur !
Marc
vous suggère :
Roman
« El
Dorado » de
mardi, juin 30, 2015
Réunion d'avant l'été !
Nous avons passé un très très bon moment, samedi 27 juin, pour notre dernière réunion avant l'été.
Ce fut aussi notre dernière réunion en tant que comité de lecture AFCM, mais nous n'arrêtons pas nos activités ! Bien au contraire, nous allons continuer à les développer au sein d'une nouvelle association de lecteurs (mais en gardant toujours des liens très forts avec l'AFCM qui nous a vus naître). Nous vous en dirons plus très bientôt, continuez à nous suivre sur ce blog !
Ce fut aussi notre dernière réunion en tant que comité de lecture AFCM, mais nous n'arrêtons pas nos activités ! Bien au contraire, nous allons continuer à les développer au sein d'une nouvelle association de lecteurs (mais en gardant toujours des liens très forts avec l'AFCM qui nous a vus naître). Nous vous en dirons plus très bientôt, continuez à nous suivre sur ce blog !
Voici quelques photos de ce bon moment, pour vous inviter à nous rejoindre ;)
dimanche, juin 28, 2015
Auteur et lecteur
Qu'est-ce
qu'être auteur ? Qu'est-ce qu'être lecteur ?
Comment
auteur et lecteur se rencontrent-ils ?
François
Bégaudeau est l'auteur de huit fictions. La plus connue est Entre
les murs (prix France Culture-Télérama 2006, adapté au cinéma
par Laurent Cantet). La dernière s'intitule La politesse.
Le
narrateur y relate de l'intérieur, de façon désabusée, la vie
d'auteur : mal payé, pas vraiment lu et
dimanche, juin 14, 2015
Lydie Salvayre
Lydie
Salvayre est romancière. Elle a reçu plusieurs prix pour ses
nombreux romans traduits en plusieurs langues et le prix Goncourt
2014 pour son dernier roman, Pas
pleurer.
Elle
était l'invitée et la carte blanche de la Comédie du livre 2015.
Pour
écrire ce livre, Pas
pleurer,
elle a étudié les écrits de Bernanos (qui a vécu les débuts de
la guerre civile espagnole) et recueilli le témoignage de sa mère
très âgée, Montse. Elle mêle les deux dans ce roman poignant.
Les
écrits de Bernanos l'amènent à s'interroger sur ce que représente
le témoignage et l'engagement d'une personnalité dans des temps
politiquement troublés :
« Au
seuil d'écrire son livre et de dénoncer les méfaits de cette
Eglise, tant adorée de doña Pura, Bernanos hésite un instant.
Qu'a-t-il à gagner à cette entreprise ? Et qu'ai-je moi-même,
me dis-je, à gagner à la faire revivre ? A quoi bon touiller
cette saloperie dont l'univers s'est écoeuré ? se demandait un
autre de mes admirés, Carlo Emilio Gadda, dans les premières pages
d'un livre qu'il mena jusqu'au bout sur l'abjection mussolinienne.
Bernanos
sait parfaitement que ces vérités ne sont pas bonnes à dire et
qu'on va les lui reprocher. Mais il se décide à franchir le pas,
non pour convaincre, dit-il, encore moins pour scandaliser, mais pour
pouvoir se regarder en face jusqu'à la fin de ses jours et rester
fidèle à l'enfant qu'il fut et que l'injustice accablait.
Il
s'y décide car il a vu son propre fils Yves déchirer en pleurant la
chemise bleue de la Phalange après que deux pauvres diables, deux
braves paysans palmesans, eurent été assassinés sous ses yeux.
(Yves désertera bientôt la Phalange et s'enfuira loin d'Espagne).
Il
s'y décide, car le scandale d'une Eglise qui tapine avec les
militaires l'a blessé au centre vif de sa conscience.
Et
bien qu'il lui en coûte de le dénoncer, il lui coûte plus encore
d'en être le voyeur muet. L'image de ces prêtres, le bas de leur
surplis trempant dans le sang et la boue, et donnant leur viatique
aux brebis égarées qu'on assassine part troupeaux, le révulse. »
A
travers le personnage de Montse, elle nous fait sentir ce que c'est
que le combat, la désillusion, la douleur, l'exil... et aussi
« penser entre les langues » :
« Montse,
Rosita, José et Juan arrivent le soir du 1er août dans la grande
ville catalane où les milices libertaires se sont emparées du
pouvoir. Et c'est la plus grande émotion de leur vie. Des heures
inolvidables (me dit ma mère) et dont le raccord, le souvenir ne
pourra jamais m'être retiré, nunca nunca nunca.
Il y
a dans les rues une euphorie, une allégresse et quelque chose
d'heureux dans l'air qu'ils n'ont jamais connu et ne connaîtront
plus. Les cafés sont bondés, les magasins ouverts, les passants qui
déambulent semblent saisis d'une sorte d'ivresse, et tout fonctionne
formidablement et comme en temps de paix. Seules les quelques
barricades encore dressées et les églises détruites avec leurs
saints de plâtre jetés devant leur porche viennent leur rappeler
que la guerre sévit.
Ils
parviennent sur les Ramblas.
Une
ambiance impossible à décrire, impossible, ma chérie, de t'en
communiquer la
sensation vivante pour qu'elle t'aille en plein cœur. Je crois qu'il
faut l'avoir vivi pour comprendre la commotion, le choc, el
aturdimiento, la revelación que fue para nosotros el descubrimiento
de esta ciudad en el mes de agosto 36. Les orphéons, les fanfares
guerrières, les fiacres à chevaux, les drapeaux aux fenêtres, les
banderoles tendues d'un balcon à l'autre qui déclarent la mort au
fascisme, les portraits géants des trois prophètes russes, les
miliciens en armes qui roulent des mécaniques avec au bras une fille
en pantalon, les autobus à étages décorés des sigles rouge et
noir, des camions roulant en trombe chargés de jeunes gens
brandissant des fusils et que la foule acclame, une foule qui semble
portée par un sentiment de sympathie, d'amitié, de bonté, que
personne au monde ne peut imaginer, des orateurs bouillants perchés
sur des chaises branlantes, Míralos camarada ! Van a la lucha,
tremolando sobre sus cabezas el rojo pabellón ! Qué alegres
van ! Acaso la muerte les aguarda, pero ellos prosiguen su
camino, sin temer a nada o a nadie, des haut-parleurs annonçant les
dernières nouvelles de la guerre, et entre ces nouvelles, des
couplets de L'Internationale repris en cœur par les passants, les
passants qui se saluent gentiment, qui se parlent gentiment et
s'embrassent sans se connaître, comme s'ils avaient compris que rien
de beau ne pouvait advenir sans que tous y eussent leur part, comme
si toutes les choses imbéciles que les hommes d'ordinaire
s'inventent pour s'entretourmenter s'étaient, pffffft,
volatilisées. »
C'est
aussi un retour sur le passé et le récit de la guerre civile
espagnole et de l'exil vus à travers le regard de la génération
d'après :
« Elle
fut, malgré sa jeunesse, dans une fatigue sans nom, mais elle
continua chaque jour à mettre un pied devant l'autre, ADELANTE !
L'esprit uniquement occupé à trouver les moyens de survivre, se
jetant à terre ou dans un fossé dès qu'apparaissaient les avions
fascistes, le visage écrasé sur le sol et son enfant contre elle,
terrifiée de peur et suffocante à force de pleurer, son enfant à
qui elle murmurait Ne pleure pas ma chérie, ne pleure pas mon
poussin, ne pleure pas mon trésor, se demandant en se relevant
couverte de terre si elle avait eu raison de faire subir cette
apocalypse à sa fillette.
Mais
ma mère avait dix-sept ans et le désir de vivre. Elle marcha donc
pendant des jours et des jours vers un horizon qui lui semblait
meilleur de l'autre côté de la montagne. Elle marcha pendant des
jours et des jours dans un paysage de décombres et atteignit la
frontière du Perthus le 23 février 1939. Elle resta quinze jours
dans le camp de concentration d'Argelès-sur-Mer dans les conditions
que l'on sait, puis fut dirigée vers le camps d'internement de
Mauzac où elle retrouva Diego, mon père.
Après
maintes péripéties, elle finit par échouer dans un village du
Languedoc, où elle dut apprendre une nouvelle langue (à laquelle
elle fit subir un certain nombre d'outrages)et de nouvelles façons
de vivre et de se comporter, pas pleurer. »
En bref
un roman fort, dont on ne peut que recommander la lecture.
Rachel
Mihault
Pas
pleurer,
Lydie Salvayre, Seuil, 2014
mardi, juin 09, 2015
"Gran Madam's" d'Anne Bourrel
Il
y a des livres comme ça qui vous attrapent malgré vous – ou
presque ! "Gran Madam's" d'Anne Bourrel, auteure de
notre région, est de ceux-là !
lundi, juin 01, 2015
On s'est régalé !
Nous nous sommes vraiment régalés sur cette Comédie du livre 2015 !
Nous avons pu échanger autour de la fonction de l'écrivain, des relations auteur-traducteur, de l'humour dans la littérature,.. et de plein d'autres sujets, avec Aníbal Malvar et Carlos Zanón, Sergi Pàmies, Victor del Arbol et Aro Sáinz de la Maza.
Nous avons pu échanger autour de la fonction de l'écrivain, des relations auteur-traducteur, de l'humour dans la littérature,.. et de plein d'autres sujets, avec Aníbal Malvar et Carlos Zanón, Sergi Pàmies, Victor del Arbol et Aro Sáinz de la Maza.
dimanche, mai 31, 2015
Carlos Zanon
Carlos
Zanón en su novela No llames a casa (N'appelle pas à la maison) nos
presenta por una parte a Max y Meche una pareja de amantes, el
primero divorciado que busca por cualquier medio convencerla de
iniciar una vida con él y dejarlo todo atrás, mientras ella,
indecisa no se atreve a dar el paso. Por otra a Raquel, Bruno y
Cristian que llevan su profesion de estorcionistas de parejas
infieles con resignacion, es un trabajo fácil y repetitivo hasta que
uno de ellos habla con Max. El libro nos lleva de una punta a otra
por las angustias de los tres estorcionistas y la necesidad de Max de
que Meche sea una mujer libre.
La
Barcela que nos muestra Zanón, es la vivida por personas de clase
media y fuera de la ley. Un mundo sórdido en el cual todos los
personajes deben tomar elecciones en las situaciones más adversas,
cada uno va descubriendo hasta qué punto tienen límites sus deseos.
Cada uno, a su manera, busca no ceder a lo peor de sí mismos.
“Meche
va sur le canapé pour prendre son café avec une pointe de lait,
qu'elle n'a même pas eu à demander. Un moment d'harmonie du
quotidien. Elle pense que c'est peut-être ça
qui la tue. Elle l'a clairement ressenti aujourd'hui, mais c'est
vrai aussi que, il n'y a pas si logntemps elle pensait tout le
contraire. Elle se rèjoussait a l'idée
d'intégrer Max dans sa vie, de pouvoir lui raconter toutes les
petites choses qui restent dans une sorte de no man's land qu'elle ne
peut lui expliquer de peur de le blesser et dont elle ne peut pas
non plus parler chez elle car personne ne l'écoute. Max n'a pas
laissé passer la contradiction”
Siempre los seres humanos pensarán y desearán hacer más cosas de
las que son capaces, y en ocasiones se sorprenderán de lo que pueden
llegar a pensar para lograr estar con la persona que aman, luchar
contra la soledad o buscar otro lugar para ser felices. N'appelle pas
à la maison, nos muestra estas contradicciones y nos confronta
también con nuestro límites.
Lisez également l'article d'un autre participant à notre comité de lecture, Marc Ossorguine, sur son blog :
http://www.filsdelectures.net/2015/04/ZANON_n-appelle-pas-a-la-maison.html
http://www.filsdelectures.net/2015/04/ZANON_n-appelle-pas-a-la-maison.html
Liliana
TAVERA
N'appelle pas à la maison, Carlos Zanon, éd. Asphalte, 2014
N'appelle pas à la maison, Carlos Zanon, éd. Asphalte, 2014
jeudi, mai 28, 2015
"Chansons d'amour et de pluie" de Sergi Pàmies
Continuons
notre découverte des nouvelles de Sergi Pàmies. Son dernier opus en
date (Ed. Jacqueline Chambon/Actes Sud, 2014) est donc "Chansons d'amour et de pluie". Comme dans son précédent recueil, Sergi Pàmies nous balade dans son
exploration de la vie quotidienne. Celle de ses contemporains et -
vues l'acuité et la pertinence de sa vision du monde – de la
sienne.
mercredi, mai 27, 2015
"La Ballade des misérables" de Aníbal Malvar
Parmi
les auteurs ibériques
que nous aurons le plaisir de rencontrer pendant la 30ème édition
de la Comédie du Livre, se nichent plusieurs talents méconnus, dont
celui d'Aníbal Malvar, journaliste et écrivain de Galice, dont un seul des dix
ouvrages qu'il a déjà publiés outre Pyrénées a – brillamment !
- été traduit en français par Hélène Serrano.
lundi, mai 11, 2015
"La Bicyclette statique" de Sergi Pàmies
Dans
trois semaines maintenant s'ouvrira à Montpellier la 30ème édition de la Comédie du Livre, rendez-vous
incontournable pour tous ceux qui aiment lire et rencontrer les
auteurs, et qui veulent, par la même occasion, se faire un panier de
lecture estivale !
Comme depuis quelques
années déjà, le Comité de Lecture de l'AFCM sera au rendez-vous
et s'est donc vu confier cette année l'animation de trois rencontres avec des écrivains qui nous sont familiers ou que nous avons découverts pour l'occasion !
L'une de ces rencontres se tiendra le samedi 30 mai à 14h, au tout
nouveau Gazette Café, avec
Sergi PÀMIES.
mercredi, mai 06, 2015
Nous avons aimé
Nous avons beaucoup aimé le dernier roman de Victor del Arbol, Un millón de gotas (Toutes les vagues de l'océan).
Après les impressions de lecture de Liliana Tavera et de Laurence Holvoet, voici celles de Françoise Jarrousse :
Après les impressions de lecture de Liliana Tavera et de Laurence Holvoet, voici celles de Françoise Jarrousse :
C’est
pour moi une lecture déjà lointaine. Cet été pour la version
originale et il y a déjà 3 mois pour la version française dont la
traduction ne m’a pas toujours convaincue. Mais c’est un autre
problème.
Beaucoup
de choses ont été dites sur ce roman, sans doute le plus ambitieux
de Victor del Arbol, un vrai roman russe, et pas seulement parce
qu’une partie du roman se déroule dans la Russie de Staline.
Victor
dit que ce roman il l’a pensé comme un voyage, un voyage dans le
temps (de 1933 à 2002) et un voyage dans l’espace (il parcourt une
grande partie de la géographie européenne, de la Sibérie à
Barcelone en passant par la France). Mais c’est aussi un voyage
personnel, celui de Gonzalo cet avocat barcelonais d’environ 40 ans
qui va découvrir, en enquêtant sur la mort de sa sœur Laura, qui
était vraiment son père.
Comme
ses autres romans, celui-ci est construit comme un puzzle dont peu à
peu les différentes pièces s’assemblent. Mais cela n’a rien de
gratuit car il s’agit de dévoiler peu à peu l’histoire des
différents protagonistes. Des destins emportés dans la déferlante
de l’Histoire. Des destins qui sont autant de gouttes dans l’océan
de la vie.
Cela
m’a rappelé un vers d’Aragon qui m’a trotté dans la tête
pendant toute ma lecture : « C’était un temps
déraisonnable, on avait mis les morts à table …Est-ce ainsi
que les hommes vivent ? ». Ces références poétiques ne
sont pas gratuites car il y a dans le livre, comme des petits
cailloux semés sur une route, ces 2 vers de Maïakovski qui
reviennent comme un leitmotiv tout au long du roman : «
La première goutte qui tombe est celle qui commence à briser
la pierre – La première goutte est celle qui commence à être
océan ». Il y a aussi l’ombre d’Ana Akhmatova,la poétesse
de « Requiem » qui a donné son nom à un personnage clé
du livre. Un autre petit caillou, le médaillon qui renferme la photo
d’Irina,la mère d’Ana et qui traverse le temps.
C’est
étrange, mais j’ai l’impression de voir une œuvre en train de
se construire, comme on construit une maison, ou une vie. Je repense
au premier livre publié « El peso de los muertos » non
traduit et à une phrase qui avait attiré mon attention parce
qu’elle me semble essentielle pour comprendre le chemin que suit
Victor : « Quien no sabe de donde viene no sabe adonde
va » (p380). L’importance et la nécessité de la mémoire.
On ne peut se construire que si l’on accepte son passé, de manière
individuelle et de manière collective. C’est comme la colonne
vertébrale de tous ses livres. Et cela m’a rappelé ce que Juan
Gelman disait le 24/04/2008 quand il a reçu le prix Cervantes :
« Hay quienes vilipendian este
esfuerzo de memoria. Dicen que no hay que remover el pasado, que no
hay que tener ojos en la nuca, que hay que mirar hacia adelante y no
encarnizarse en reabrir vieja heridas. Están perfectamente
equivocados. Las heridas aún no están cerradas. Laten en el
subsuelo de la sociedad como un cáncer sin sosiego. Su único
tratamiento es la verdad. Y luego, la justicia.Sólo así es posible
el olvido verdadero. »
Et
puis, il y a d’autres éléments qui sont liés à ce qu’il est
et qui donnent à ses romans leur profondeur. C’est l’épaisseur
humaine des personnages. Ce sont des personnages de chair et de sang
qui nous sont proches, des relations humaines criantes de vérité et
qui nous ramènent sans cesse à nos propres interrogations :
Qui somment-nous vraiment ? Est-ce que nous connaissons vraiment
nos parents, nos proches ? (Je pense à la dédicace de « Un
millón de gotas » : « A mon père et à nos murs de
silence ») Comment traversons-nous l’histoire ? Qui sont
les véritables héros ? Quelle est la place de l’enfant dans
la famille ? Pourquoi ces enfances foudroyées, ces destins
brisés ? Pourquoi tant de douleur et tant d’horreur ?
C’est dans un voyage au plus profond de l’âme humaine que nous
sommes embarqués. Et malgré toute la violence du monde et la
violence des hommes, il y a toujours un espoir, la volonté de
continuer à avancer.
Ces
thèmes sont récurrents dans les 4 romans publiés de Victor del
Arbol , et les personnages se ressemblent . Lucía (« El peso
de los muertos »), María « La tristeza del samurai »),
Eduardo (« Respirar por la herida ») et Gonzalo (« Un
millón de gotas ») sont frères et sœurs. Et puis, dans
chacun des livres, il y a bien le poids des morts qui pèse sur le
présent et sur les vivants.
Une
démarche profondément humaine, des romans construits comme des
puzzles sans que jamais cette construction soit gratuite et un style
précis et nuancé à la fois avec des moments de grâce, des moments
où le temps semble s’arrêter.
Ainsi,
dès les premières pages: « El joven se acercó a la orilla. El
agua tranquilo del lago emitía un destello de latón.Ven, le decía
aquella oscuridad. Ven y olvidémoslo todo. El niño flotaba
boca abajo, como una estrella de mar, y las gotas de lluvia, millones
de ellas, borraban su cuerpo, que, poco a poco, empezó a hundirse ».
Il
y aurait, bien-sûr, beaucoup d’autres choses à dire, des pistes à
creuser. Je ne parle ici que de ce qui me reste en mémoire. Mais
nous aurons l’occasion de reparler de tout cela lors de la Comédie
du Livre !
(ne manquez pas la rencontre avec Victor del Arbol et Aro Sainz de la Maza, dimanche 31 mai à 19h au Gazette Café à Montpellier)
samedi, mai 02, 2015
Rencontre autour des Kogis
Samedi 11 avril, dans le cadre de la semaine culturelle de notre association, Amitiés franco-colombiennes de Montpellier, l'auteure Kathy Dauthuille nous a présenté son beau livre, Tisserand du Soleil.
Un conte poétique, philosophique et initiatique ; un hommage vibrant aux Kogis qui règnent encore dans les hauteurs de Santa Marta en Colombie où ce peuple-racine vit en harmonie avec la nature et dans le respect de la Terre-Mère.
Sous la forme de 36 mélopées, l'auteur Kathy Dauthuille imagine la naissance d’une amitié entre le narrateur et un tisserand kogi. Cette rencontre est à l'origine d'un dialogue qui nous introduit au coeur d'une culture méconnue, avec ses rituels, ses paysages montagneux et ses croyances.
En voici un extrait :
Nous vous recommandons la lecture de ce très beau livre !
Pour plus d'informations, n'hésitez surtout pas à consulter le site de Kathy Dauthuille :
http://kathy.dauthuille.free.fr/Tisserand.htm
Un conte poétique, philosophique et initiatique ; un hommage vibrant aux Kogis qui règnent encore dans les hauteurs de Santa Marta en Colombie où ce peuple-racine vit en harmonie avec la nature et dans le respect de la Terre-Mère.
Sous la forme de 36 mélopées, l'auteur Kathy Dauthuille imagine la naissance d’une amitié entre le narrateur et un tisserand kogi. Cette rencontre est à l'origine d'un dialogue qui nous introduit au coeur d'une culture méconnue, avec ses rituels, ses paysages montagneux et ses croyances.
En voici un extrait :
Mélopée trois ( Le
tissage)
"Le Kogi était assis
devant une colonne vibrante, un réseau de fibres de lumière, face à
un écran de matière blanche.
À le voir absorbé,
je me rendis compte que sa vie était un creuset plein de mystère.
Il était tellement
occupé à sa haute tâche qu’il ne prêta pas attention à ma
présence. Il demeurait arqué sur une construction, un but… Il
matérialisait ses rêves ; en fait il tissait.
L’espace prenait
des nuances de voiles ; le mauve du ciel appelait l’or comme
si une seconde tenture se dessinait, passant progressivement d’une
couleur à l’autre.
Il tissait le fil,
tissait la vie, croisait ses pensées dans le cœur oublié du monde.
C’est dans le
silence et avec lenteur qu’il exprimait ce lien intense aux
choses. Et c’est par cette alchimie primordiale que le tissu
deviendrait sagesse, mémoire et vérité.
Comme tant d’autres de sa tribu, il tressait à son tour le temps,
sa destinée. Maintes fois il passa par la porte solaire symbolisée
sur son métier, pour reprendre le fluide, le courant, l’énergie
cosmique.
Chaque fois que le
fil blanc, mâle ou femelle, passait entre ses doigts, il clignait
des yeux et semblait voir autre chose : sa vie, ou celle d’un
autre, en un déroulement d’images, de sons, d’odeurs…
Ainsi refaisait-il
les mêmes gestes que ceux de son père, de son grand-père, depuis
le jour où leurs ancêtres étaient sortis de l’œuf cosmique.
Avec amour et
attention, il reproduisait les arcanes immuables sur ce métier qu’on
lui avait transmis comme l’on transmet un objet sacré.
Nous vous recommandons la lecture de ce très beau livre !
Pour plus d'informations, n'hésitez surtout pas à consulter le site de Kathy Dauthuille :
http://kathy.dauthuille.free.fr/Tisserand.htm
vendredi, avril 03, 2015
"Toutes les vagues de l'océan" de Victor Del Arbol
Liliana nous en a parlé hier, je vous en parle aujourd'hui... Je l'ai lu en
français, donc j'ai lu "Toutes les vagues de l'océan" de
Victor Del Arbol, traduit par Claude Bleton.
© Sergio Castor, 2015
Et
je vais vous en dire à peu près la même chose que Liliana : ce
livre, en dépit de ses presque 600 pages, se lit très vite :
le suspens et le rythme nous entraînent, via des flash back, d'Espagne
au fin fond de l'URSS, sur la sinistre île de Nazino... De la guerre
d'Espagne aux geôles staliniennes. Des plages françaises des
Pyrénées Orientales où le gouvernement de Vichy parquait les
réfugiés espagnols à la deuxième guerre mondiale et à la guerre
froide qui s'ensuivit. Le tout relié à l'histoire tout à fait
contemporaine des descendants des protagonistes de ces temps
"anciens" qui, aujourd'hui encore, sont emberlificotés à
leur insu dans ce maelstrom de péripéties et de tragédies du 20ème
siècle européen...
Tous
les personnages, des principaux aux secondaires, ont une histoire
consistante faite d'ombre et de lumière... à moins que ce ne soit
l'inverse ?! Pas de bons et pas de méchants, juste des êtres
humains ballottés par la vie et par des événements qui les
dépassent en dépit de leur volonté de faire vivre leurs rêves et
leurs principes...
Victor
Del Arbol, en général, c'est l'art du roman puzzle, et il est, là, dans "Toutes les vagues de l'océan", doublé de l'art du retournement de tendance !
Voilà
ce qu'en conclut l'un des personnages :
"Tu aurais pu être un homme bon Elías. Et j'aurais pu être bonne aussi. Nous avons fait beaucoup d'efforts, n'est-ce pas ? Nous avons supporté plus que nos enfants ne pourront jamais le comprendre. Nous avons atteint les limites de la souffrance et nous avons résisté. Mais à un moment donné nous avons perdu la boussole, nous avons quitté la route et n'avons pas su la retrouver.
Le temps des humiliations, de la justice et de la rancœur est venu. Nous serons haïs par ton fils, que j'ai tellement essayé de protéger de toi, nous serons haïs par ta fille, nous serons haïs par nos camarades de lutte, nos victimes, nous serons haïs par le temps et par l'Histoire.
(...) Car c'est cela, je le comprends maintenant, que nous avons toujours été. Pas des héros, pas des rampants. Juste des hommes et des femmes. Et nous avons vécu."
On
navigue de raisons d'Etat en raisons du cœur, de grandes idées
généreuses en mesquineries et jalousies humaines. Tout y est !
On
se régale et on médite sur la bizarrerie de la condition humaine !
Bref,
allez-y sans hésiter, même si le livre est très gros !
Et vous pouvez aussi écouter Marc, en compagnie de Françoise Jarousse, nous parler de ce livre-monument ! => http://www.divergence-fm.org/IMG/mp3/co025_150324_clairobscur_toutes_les_vagues_de_locean.mp3
"Toutes les vagues de l'océan", de Víctor Del Árbol, traduit par Claude Bleton, Actes Sud, 2015, 595p.
"La Maison des chagrins", de Víctor Del Árbol
En
faisant un tour de notre blog, Version Libre, à la recherche des
billets parlant de Víctor Del Árbol*, nous nous rendons compte que
nous avons bizarrement zappé "La Maison des chagrins",
traduit par Claude Bleton, et qui est paru chez Actes Sud en 2013 !
Ce
n'est pas faute pourtant de l'avoir lu et apprécié ! Il
est même venu nous en parler au Grain des Mots en novembre 2013,
et l'enregistrement de la rencontre est disponible !
Mais
tout de même, réparons en quelques mots cet oubli bizarre...
Voilà
tout d'abord ce
qu'en disent les éditeurs :
"Eduardo tente de survivre dans un appartement sans âme, grâce à l’alcool et aux psychotropes que lui prescrit la psychiatre chargée de sa réinsertion. Il vient de purger une peine de prison pour le meurtre du chauffard qui a tué sa femme et sa fille, voilà quatorze ans. Peintre autrefois coté, il gagne sa vie en exécutant à la chaîne des portraits anonymes que sa galeriste place dans les grandes surfaces. Un jour, celle-ci lui transmet une bien étrange commande : une célèbre violoniste lui demande de réaliser le portrait de l’homme qui a tué son fils. Elle veut pouvoir déchiffrer sous les traits de l’homme les caractéristiques de l’assassin. Unis dans la même douleur, la commanditaire et l’artiste ouvrent bientôt la boîte de Pandore, déchaînant tous les démons qui s’y trouvaient enfouis.
Le pinceau d’Eduardo met au jour une galerie d’êtres tourmentés, enfermés dans un drame qui a figé leur existence : un jeune Chinois androgyne qui fait commerce de son corps, un fils de combattant de l’OAS enrichi par le gaz et le pétrole d’Alger, un ex-agent de la police politique de Pinochet, un Arménien sans foi ni loi, une jeune fille abusée par l’amant de sa mère, un mercenaire soufi… Autant de personnages qui hantent la maison des chagrins, pris au piège d’une vengeance désespérée et d’un hasard qui n’est que l’autre nom du destin.
Assemblant sous les yeux du lecteur les mille et une pièces d’un terrifiant puzzle, Víctor del Árbol signe un roman vertigineux de maîtrise, glaçant de noirceur et désarmant d’humanité."
Et
ce dont je me souviens de cette lecture :
Le
foisonnement des personnages est étonnant. Victimes des hasards
parfois noirs de la vie, ils sont souvent animés par l'amour, par la
haine et puis par le désir de vengeance. Certains sont directs et
d'autres mûrissent lentement leur revanche... Chacun a ses raisons,
et à bien y réfléchir, elles sont souvent "bonnes"...
Mais ce qu'ils en font est souvent impitoyable ! En tout cas, on
ne s'ennuie pas, et si les "hasards" qui construisent
progressivement la cohérence du récit sont des artifices
romanesques, cela n'enlève rien à la stupeur qui nous prend au fur
et à mesure des découvertes que nous faisons.
Voilà !
L'oubli est réparé;o) !
"La
Maison des chagrins", de Víctor Del Árbol, traduit par Claude
Bleton, Actes Sud, 2013, 475 pages.
En
espagnol : "Respirar por la herida" Víctor Del Árbol,
Editorial Alrevés, 2013.
*
Pour trouver ces articles, entrez "Victor Del Arbol" dans la fenêtre
"Buscar" en haut à droite du blog : tous les
articles où son nom est cité apparaîtront...
jeudi, avril 02, 2015
Un millón de gotas, ou Toutes les vagues de l'océan
Un millón de gotas,
novela negra, llena de misterios y desgracias, en la que se puede descubrir
otra parte de esa oscura historia humana. Una novela que el lector no puede
dejar de lado y que lo sumerge en un viaje por el tiempo y el espacio. Llama la
atención leer los conflictos de cada personaje. No son humanos beátos, son
personas llenas de ambigüedades y contradicciones. Víctor del Árbol nos
presenta personajes tan humanos que se balancéan entre la bondad y el odio, la
grandeza y la humillación, entre el heroísmo y la paranoia.
A través de esa ambiguedad, el autor nos
confirma una certidumbre : la historia humana, aterradora y cruel se
repite, cada ser humano puede ser tan bueno como malvado, cada uno puede albergar
un oscuro deseo. Así como es presentado el enigmático personaje de Elías Gil
« Esa calma no era resignación y tampoco cabía
confundirla con la frialdad cruel y asesina de Ígor Sern. Tenía más que ver con
un agujero dentro, como un disparo que sangraba en el interior de su alma y que
se hacía más y más grande, un silencio oscuro, profundo, sólido. Las partes de
Elías que podían sufrir, temer o incluso sentir amor estaban cercenadas,
colgaban de ese silencio como miembros descoyuntados que ya no tenían utilidad.
Ya no cabía la amargura ni el reproche. Comprendía que la inmensidad de lo que
le había ocurrido a él le había sucedido antes a otros miles, no aquí, en la
Unión Soviética, sino en cualquier rincón del mundo donde hubiese seres
humanos. Y después les pasaría a otros miles, a millones quizá. Morirían sin
razón, o por razones absurdas, la gente se aferraría a las banderas, a los
himnos, a las trincheras. Matarían, morderían, destrozarían cuanto se
interpusiera entre ellos y la vida. Y eso no sería ni bueno ni malo. »
Así Víctor del Árbol, en su
novela Un millón de gotas nos habla de las guerras, de los campos de
concentración. La matrioska, un enemigo invisible, nos permite viajar por los
campos de concentración de Rusia de
1930, por la frontera de España con Francia durante la Guerra Civil española y
nos hace un recorrido por una europa del siglo XX convulsionada, llena de
historia, de cambios, de muertes y nos muestra hasta qué punto el pasado
continúa forjando nuestro presente. Una tragedia, que nos toca la piel y nos
hace en ocaciones alejar el libro, para no ver ni sentir esa crueldad casi
animal de la que son capaces algunos.
Lo que atrapa al lector en Un
millón de gotas, no es el morbo de leer algunas de esas atrocidades, es la
maestría con la que Víctor del Árbol mantiene el suspenso. Al pasar las
páginas, al llegar al punto final de un capitulo, el lector no querra cerrar el
libro. Algo terrible y secreto habita en cada personaje y es en cada palabra y
cada acto que la matrioska va mostrando su profundidad.
Con este libro me sucedió lo
que con pocos, me faltaban muchas páginas para el final, era un jueves y cerca
de las 9:00pm decidí que era el momento de descansar los ojos, el corazón y la
mente, debía descansar de ese viaje en el que uno se sorprende de la inociencia
de algunos personaje y se molesta con la aberración de otros. 20 minutos
después, la incertudumbre no permitió dormir. Debía terminar con la tragedia,
conocer los demonios que acompañaban a Elias Gil, entender la inflexibilidad de
Ana Ajmatova, reconocer en Gonzálo esa figura de héroe literario. Sentía el
corazón en la garganta, pasaba las página llegué a la última, y la matrioska me
mostró su última muñeca, ya era las 4:30am.
Liliana Tavera
Liliana Tavera
dimanche, mars 29, 2015
Prochain rendez-vous sur la Comédie du livre 2015
Pour
sa 30e édition, la Comédie du livre de Montpellier met à l'honneur
les littératures ibériques. Seront invités les 29, 30 et 31 mai
prochains plus d'une trentaine d'écrivains et illustrateurs
espagnols et portugais.
Dans
ce cadre, notre comité de lecture sera très heureux de vous
proposer trois rencontres :
Samedi
30 mai à 10h :
Petit-déjeuner littéraire avec Carlos Zanón, Aníbal Malvar et les
éditions Asphalte
Nous
vous en dirons plus très prochainement...
En
attendant, notre prochain rendez-vous sera le comité de lecture
ouvert au public qui se tiendra à l'Espace Jacques Ier d'Aragon
(salle du rez-de-chaussée) le samedi 11
avril à 15h30, dans le cadre de la semaine culturelle de
notre association, Amitiés franco-colombiennes de Montpellier.
Ce
comité de lecture ouvert, au
cours duquel nous vous présenterons certains de nos coups de cœur
(les auteurs colombiens Juan Gabriel Vásquez et Daniel Samper
notamment), sera précédé de la présentation du livre de Kathy
Dauthuille, Tisserand du Soleil,
et suivi d'une présentation de quelques caricaturistes colombiens
actuels (le thème de la semaine culturelle colombienne étant cette
année « L'humour et la paix »).
Pour
plus d'infos consultez :
le
site de la Comédie du livre
le
site de Kathy Dauthuille et Tisserand du Soleil
le
site de l'association Amitiés franco-colombiennes de Montpellier
dimanche, mars 15, 2015
"Los hermanos Cuervo" de Andrés Felipe Solano
El
autor, Andrés Felipe Solano
(Bogotá,
1977). Es novelista y periodista. Autor de la novela Sálvame,
Joe Louis (Alfaguara, 2007). Sus
artículos han aparecido en diversas publicaciones como SoHo,
Arcadia, Gatopardo (México), La Tercera (Chile), Babelia-El País
(España), Granta (España, Reino Unido), The New York Times Magazine
y Words Without Borders (Estados Unidos). En 2008 fue finalista del
Premio Fundación Nuevo Periodismo Iberoamericano, institución
presidida por Gabriel García Márquez, por su crónica “Seis meses
con el salario mínimo”, que fue incluida en Lo mejor del
periodismo en América Latina (FNPI-FCE, 2009) y en Antología de
crónica latinoamericana actual (Alfaguara, 2012).
Ha
sido invitado a residencias literarias en Toji Center (Corea del
Sur), Universidad de Alcalá de Henares (España), Yaddo y Ledig
House (Estados Unidos).
Para aprender más sobre este autor, leer la entrevista hecha por Version Libre aquí !
La
obra, Los hermanos Cuervo
Dicen
que la memoria es selectiva y que recordamos los hechos no como
realmente ocurrieron sino en la forma en la que nos marcaron. De ahí
que algunas historias permanezcan fijas en la memoria de los
protagonistas mientras otras se diluyen en el tiempo dejando una
sensación de incertidumbre al no saber a ciencia cierta si de verdad
ocurrieron. A pesar del frenetismo de la vida cotidiana donde lo
urgente prima sobre lo importante, todos tenemos grabada en la mente
la imagen de algún pariente, amigo, novio, vecino o profesor con el
que compartimos una vivencia inolvidable y siempre volvemos a ella
como fieles penitentes. De cierta forma, ese recuerdo nos une con ese
pasado en el que fuimos más felices, más auténticos, más jóvenes
y más libres. Es un puente que nos regresa a la época en la que
todavía éramos promesa y no realidad, donde los sueños todavía
eran realizables y los errores no tenían mayor trascendencia.
En
su segunda novela, Los hermanos Cuervo,
Andrés Felipe Solano nos invita a recorrer ese puente de la memoria
y revivir con sus protagonistas aquellos hechos del pasado que los
marcaron para siempre. La obra se compone de tres partes que, a
simple vista parecen independientes entre sí, pero que en el fondo
se complementan y ofrecen un dialogo abierto con el lector, quien al
final logra armar el rompecabezas de la novela. La primera parte
narra la historia de los hermanos Cuervo, unos adolescentes
enigmáticos que viven en una casona con su abuela, y la relación
que ellos establecen con Nelson, un compañero de colegio que intenta
descifrar el extraño comportamiento de estos jóvenes teniendo como
telón de fondo la Bogotá de los años 90 con los apagones de luz y
los atentados terroristas. El colegio, la familia, el sexo, los
primeros amores y la música van llenando la libreta de anécdotas de
Nelson, cuya obsesión por los hermanos Cuervo lo acompañará hasta
su vida adulta.
La
segunda parte de la obra es una crónica periodística que relata el
triunfo y la desgracia de Vicente Aguirre, un ciclista ganador de la
Vuelta a Colombia en los años 60, quien, a pesar de tener un gran
futuro deportivo, ve sus sueños de gloria desvanecerse por culpa de
sus malas decisiones. La crónica tiene la particularidad de ir
firmada por el periodista Santos Bustamante, uno de los personajes de
la anterior novela de Solano, Sálvame,
Joe Louis. La tercera parte de la
novela es un relato de carretera en el que el lector acompaña a una
insólita pareja en un errático recorrido desde Medellín hasta
Maicao con el propósito de saldar cuentas con un recuerdo del
pasado.
Los
hermanos Cuervo es una buena excusa
para hacer una pausa en el camino y mirar hacia atrás. Para recordar
eso que fuimos y en lo que nos convertimos. Para reconocer que,
algunas veces, no todo tiempo pasado fue mejor.
Por
María Inés McCormick
Andrés Felipe Solano, un jeune auteur colombien à découvrir !
María Inés McCormick (pour Version Libre) a interviewé l’écrivain
colombien Andrés
Felipe Solano qui est considéré comme l'un des meilleurs jeunes
auteurs d’Amérique latine par la prestigieuse revue Granta1.
Solano est l’auteur de deux romans : Sálvame,
Joe Louis (2007) et Los
hermanos Cuervo (2012), et de nombreuses chroniques
parues dans divers médias en espagnol.
Voici
pour nos lecteur cette interview en espagnol puis en français, dans une traduction de Laurence Holvoet ! (Et pour en savoir plus sur son roman Los hermanos Cuervo, rendez-vous ici !)
Source photo : © Iván Darío Herrera www.alafaguara.com
Version
Libre: ¿Cómo fue el proceso creativo
de Los Hermanos Cuervo? ¿Hubo una imagen o una idea precisa a partir
de la cual se fue construyendo la historia?
Andrés
Felipe Solano: Empecé la novela por la
tercera parte pensando en una escena que vi en la piscina de un
balneario medio ruinoso a las orillas de un río. Se trataba de una
pareja que no parecía tener ninguna relación clara entre sí. No se
comportaban como familiares ni amantes, ni amigos siquiera. Me
pregunté qué los había llevado hasta allí. También recordé un
balneario clausurado que vi en una carretera. La entrada era una
calavera gigante de cemento. Con esas dos imágenes empecé una
especie de novela de carretera para responder a esa pregunta que me
hice. Después aparecieron las otras dos partes, la de los hermanos y
la del ciclista.
Version
Libre: ¿Cómo construye sus
personajes? ¿Qué individuos le interesa retratar y por qué?
Andrés
Felipe Solano: Por un lado me interesan
personajes que se balancean en la cuerda floja, que estén en el
borde del abismo, que hayan tenido un momento de gloria que se esfumó
muy rápido, en parte por culpa propia. Esos son Santos Bustamante y
el ciclista Vicente Aguirre. Por otro lado me interesa explorar las
relaciones entre miembros de familias que si bien no son
disfuncionales, si están rotas de alguna forma. A ambos los busco de
ubicar en ambientes que den cuenta de su malestar. Una redacción de
una revista mediocre, un gran casona medio desocupada, un balneario a
punto de caerse, un viejo colegio católico.
Version
Libre: ¿Por qué decidió contar la
historia en diversos registros: memorias, crónica periodista, viaje
de carretera, diccionario?
Andrés
Felipe Solano: Al principio solo tenía
la historia de carretera. Después encontré por el camino a los
otros personajes pero no quería meterlos a la fuerza en mi historia
ni hacer uso de recursos trillados –vueltas al pasado, historias
dentro de una historia, etc- así que dividí en tres la novela y me
lancé a contar cada parte con un tono diferente pero tendiendo
puentes secretos entre las tres para que el lector terminara de armar
la novela en su cabeza. La segunda parte fue la última en tomar su
forma definitiva. Con varias cervezas entre pecho y espalda se me
ocurrió que la mejor manera de presentar la vida del ciclista era
una crónica, tal y como las que había venido escribiendo como
periodista durante los últimos diez años pero con la diferencia de
que en este caso todo era inventado. Al final decidí que la firmara
Santos Bustamante, un personaje de mi primera novela que en su
carrera como periodista hizo ese tipo de cosas, inventarse historias
y presentarlas como verdaderas. Quizás en el fondo de todo lo que
hago o me propongo hacer, incluida la próxima novela, subyace esa
idea. La pugna entre la verdad y la mentira, entre la ficción y la
realidad, lo aparente y lo secreto, la zona entre las dos, que para
mi es la vida misma.
Version
Libre: Santos Bustamante, personaje de
su anterior novela “Sálvame, Joe Louis”, aparece como autor de
la crónica sobre Vicente Aguirre en “Los Hermanos Cuervo”, este
guiño a su propia obra permite imaginar que en un futuro los
hermanos Cuervo o su madre podrían aparecer en otro relato. ¿Lo
considera posible?
Andrés
Felipe Solano: Me atrae mucho la idea
de crear un mundo literario como el de Juan Carlos Onetti o J.D
Salinger donde los personajes puedan saltar de una novela a otra, o
de un cuento a una novela o al revés. Vamos a ver qué pasa con la
próxima novela, por lo pronto solo he pensado que quizás pueda
aparecer de refilón Betty, la mamá de los hermanos Cuervo.
Version
Libre: En su obra vemos a Boris
(Sálvame, Joe Louis) y a Nelson (Los Hermanos Cuervo), dos hombres
jóvenes desencantados a la espera de que algo exterior los despierte
y los haga sentirse vivos. De cierta forma, evocan al Escobar de “Sin
Remedio” de Antonio Caballero. ¿Considera que esos personajes
reflejan lo que les está pasando a los jóvenes colombianos de clase
media urbana?
Andrés
Felipe Solano: Sí, hay parentesco con
Ignacio Escobar. Leí el libro de Caballero cuando tenía 20 años y
digamos que Sin remedio fue la primera novela que me hizo pensar en
que la Bogotá donde había vivido hasta ese entonces era
completamente digna de novelar y además de eso compartía la misma
sensación de Escobar frente a ella. Una suerte de desesperanza muy
enraizada, la que solo es posible de sobrellevar a través del humor
o una imaginación desbordada. Y bueno, me imagino que todos –Boris,
Nelson, Escobar- sienten que han nacido en una ciudad latinoamericana
que quita mucho más de lo que da. De ahí su insatisfacción, aunque
también creo que están conscientes de que tampoco hay mucho más
allá. En realidad el desajuste está en ellos mismos y no del todo
en el medio, quizás les cuesta aceptarlo, hacerse cargo de ese
desasociego y culpar a su entorno les resulta llevadero. Además que
lo hacen bien y lo saben. Ahora, sus quejas son construcciones
intrincadas de varios pisos por las que se pasean y desde ahí atacan
un orden social que los repugna. No es que se quejen del trancón y
la suciedad y el robo a la vuelta de la esquina y ya.
Version
Libre: ¿En cuál rol se siente más
cómodo: periodista o escritor?
Andrés
Felipe Solano: Cada vez más el
escritor gana terreno pero justo cuando me digo no más periodismo
–en realidad se trata de no ficción, nunca me he considerado
periodista de pura cepa- aparece alguna historia o propuesta que me
obliga a darle una vuelta al timón. Aunque para ser sincero no hago
la distinción. Simplemente cuando hago crónicas o perfiles no
trabajo con material inventado, a diferencia de Santos, que de hecho
se basa en un periodista que alguna vez conocí. Digamos que esa es
mi única regla en la no ficción: no inventarme situaciones ni
personajes. De resto todo es válido.
Version
Libre: ¿Qué es lo bueno y lo malo
de haber sido reconocido por la revista Granta como uno de los
mejores escritores jóvenes de América latina?
Andrés
Felipe Solano: Sería infame decir que
tiene algo de malo pero tampoco me solucionó la vida o algo por el
estilo. Ha servido para que cierta gente se interese por lo que hago,
en gran parte personas fuera de Colombia a los que me hubiera tardado
mucho más en llegar.
Version
Libre: La literatura nos enseña cosas
de nosotros mismos, ¿qué ha aprendido luego de dos novelas y varios
cuentos publicados?
Andrés
Felipe Solano: No mucho. Eso es
precisamente lo que me arrastra a seguir escribiendo.
Version
Libre: A diferencia de otros
escritores colombianos, hasta el momento usted no ha utilizado el
conflicto armado ni la violencia como eje central de sus novelas.
¿Es una temática que le interesaría abordar o su proceso creativo
va por otro lado?
Andrés
Felipe Solano: Me interesa mucho más
insuflar a mis historias del clima violento, tenso, cenagoso,
paranoíco, que viene con haber nacido y vivido en Colombia, más que
proponerme a usar la guerra directamente como material literario.
Siento mucho pudor al respecto. Creo que es tan horrible lo que ha
sucedido que hacer de ello literatura es de alguna manera saquear el
dolor de otros.
Version
Libre: Al leer Los Hermanos Cuervo
recordé el poema “Ciudad” del poeta griego Constatin Kavafy
(que copio más abajo) que habla de cómo la ciudad en la que vivimos
nuestros primeros años nos marca para siempre. ¿Cómo ha influido
Bogotá en sus novelas? ¿Ha cambiado su mirada desde que vive
afuera? , ¿Cómo es el reencuentro con ella cuando regresa?
Andrés
Felipe Solano: Bogotá nunca me dejará
ir, así es de mañosa y poderosa. A veces la veo como un sol apagado
alrededor del cual yo todavía orbito.
-----------
de Constatin
Kavafy
Dijiste:
“Iré a otro país, veré otras playas;
buscaré una ciudad mejor que ésta.
Todos mis esfuerzos son fracasos
y mi corazón, como muerto, está enterrado.
¿Por cuánto tiempo más estaré contemplando estos
despojos?
A donde vuelvo la mirada,
veo sólo las negras ruinas de mi vida,
aquí, donde tantos años pasé, destruí y perdí.”
No encontrarás otro país ni otras playas,
llevarás por doquier y a cuestas tu ciudad;
caminarás las mismas calles,
envejecerás en los mismos suburbios,
encanecerás en las mismas casas.
Siempre llegarás a esta ciudad:
no esperes otra,
no hay barco ni camino para ti.
Al arruinar tu vida en esta parte de la tierra,
la has destrozado en todo el universo.
“Iré a otro país, veré otras playas;
buscaré una ciudad mejor que ésta.
Todos mis esfuerzos son fracasos
y mi corazón, como muerto, está enterrado.
¿Por cuánto tiempo más estaré contemplando estos
despojos?
A donde vuelvo la mirada,
veo sólo las negras ruinas de mi vida,
aquí, donde tantos años pasé, destruí y perdí.”
No encontrarás otro país ni otras playas,
llevarás por doquier y a cuestas tu ciudad;
caminarás las mismas calles,
envejecerás en los mismos suburbios,
encanecerás en las mismas casas.
Siempre llegarás a esta ciudad:
no esperes otra,
no hay barco ni camino para ti.
Al arruinar tu vida en esta parte de la tierra,
la has destrozado en todo el universo.
Source photo : © Juan Carlos Sierra www.semana.com
Version
Libre : Quel a été le processus de création mis en oeuvre derrière
l’écriture de Los hermanos Cuervo ? Y a-t-il eu une
image ou une idée à partir de laquelle l’histoire s’est
construite ?
Andres
Felipe Solano : J’ai commencé ce roman par la troisième
partie en m'inspirant d’une scène à laquelle j’avais assistée
dans la piscine d’une station balnéaire en ruines au bord d’une
rivière. Il s’agissait d’un couple qui n’avait pas l’air
d’avoir une relation très claire. Ils ne se comportaient pas comme
les membres d'une même famille, ni comme des amants, ni même comme
des amis. Je me suis demandé ce qui les avait amenés là-bas.
J’avais aussi le souvenir d’une autre station balnéaire fermée
que j’avais aperçue d'une route. Il y avait une gigantesque tête
de mort en béton à l'entrée. À partir de ces deux images, j’ai
commencé une sorte de road movie littéraire, un roman de route,
pour répondre à cette question que je m'étais posée. Les deux
autres parties, celle des frères et celle du cycliste, sont apparues
après.
Version
Libre : Comment construisez-vous vos personnages ?
Quels types d’individus voulez-vous décrire et pourquoi ?
Andres
Felipe Solano : Je m'intéresse aux personnages qui se
balancent sur la corde raide, qui sont au bord de l’abîme, à ceux
qui ont eu un moment de gloire qui s’est envolé très rapidement,
en partie par leur propre faute. C’est le cas de Santos Bustamante
(Sálvame, Joe Louis) et du
cycliste Vicente Aguirre (Los hermanos Cuervo). D’autre
part, ça m’intéresse d’explorer les relations au sein de
familles qui ne sont pas forcément dysfonctionnelles mais qui, d'un
certain point de vue, sont brisées. J’essaie de mettre ces
personnages dans des environnements qui reflètent leur mal-être. La
salle de rédaction d’une revue médiocre, une grande maison à
moitié vide, une station balnéaire sur le point de s’effondrer,
une vielle école catholique…
Version
Libre : Pourquoi avez-vous décidé de raconter cette
histoire en utilisant divers registres : mémoires, chronique
journalistique, récit de voyage, dictionnaire ?
Andres
Felipe Solano : Au début, j’avais seulement le récit du
road movie. Les autres personnages, je les ai rencontrés en chemin,
mais je ne voulais pas les forcer à entrer dans mon récit et je ne
voulais pas non plus avoir recours à des moyens trop souvent
exploités tels que le retour vers le passé, l’histoire dans une
autre histoire, etc. Pour cela, j’ai divisé le roman en trois
parties et j'ai commencé à raconter chaque partie sur un mode
différent tout en établissant des ponts secrets entre les trois
pour que le lecteur puisse terminer le roman lui-même dans sa tête.
La deuxième partie a été la dernière à prendre sa forme
définitive. Après quelques bières, j’ai trouvé que la meilleure
façon de présenter la vie du cycliste c'était la chronique, comme
celles que j’écris avec ma casquette de journaliste depuis une
dizaine d’années, à la seule différence que, ici, tout était
inventé. À la fin, j’ai décidé que ça serait Santos Bustamante
- un personnage de mon premier roman qui est journaliste et qui écrit
des chroniques mensongères qu'il fait passer pour authentiques -,
qui la signerait. Peut-être qu'au fond de tout ce que je fais ou de
ce que je veux faire, y compris dans mon prochain roman, il y a
cette idée-là qui est sous-tendue. Cette lutte entre la vérité et
le mensonge, entre la fiction et la réalité, entre ce que l'on voit
et ce que l'on cache ; cette zone intermédiaire qui, pour moi,
est la vie elle-même.
Version
Libre : Santos Bustamante, personnage de votre premier roman
Sálvame, Joe Louis, apparaît
donc comme l’auteur de la chronique sur Vicente Aguirre, l'un des
personnages de Los Hermanos Cuervo. Ce clin d’œil à votre
propre œuvre laisse penser que, dans le futur, les frères Cuervo ou
leur mère pourraient bien réapparaître dans une autre
histoire. L’avez-vous envisagé ?
Andres
Felipe Solano : J’aime bien l’idée de créer un monde
littéraire comme celui de Juan Carlos Onetti ou J.D. Salinger où
les personnages peuvent sauter d’un roman à l’autre, d’une
nouvelle à un roman et réciproquement. On va voir ce qui se passera
avec mon prochain roman, mais pour l’instant j’ai seulement
envisagé une brève apparition de Betty, la mère des frères
Cuervo.
Version
Libre : Dans votre œuvre, on rencontre Boris (Sálvame,
Joe Louis) et Nelson (Los Hermanos Cuervo), deux jeunes
hommes désabusés dans l’attente de quelque chose qui les réveille
et qui les fasse sentir vivants. D’une certaine manière, ils
évoquent le personnage d’Escobar du roman Sin Remedio,
d’Antonio Caballero. Considérez-vous que ces personnages
reflètent ce qui est en train de passer pour les jeunes colombiens
de classe moyen urbaine ?
Andres
Felipe Solano : Oui, il y a un lien de parenté avec Ignacio
Escobar. J’ai lu le livre de Caballero quand j’avais vingt ans et
Sin Remedio a été le premier roman qui m’a fait penser que
Bogotá, la ville où j’avais vécu jusqu’alors, était digne
d'être la protagoniste d'un roman, et, en plus, je partageais avec
Escobar la même sensation envers elle. Une sorte de désespoir bien
ancré qui ne peut être surmonté que par l’humour ou par une
imagination débordante. Et, bon, j’imagine que tous – Boris,
Nelson, Escobar - sentent qui ils sont nés dans une ville
latino-américaine qui prend plus qu’elle ne donne. De là vient
leur insatisfaction, même si je crois qu’ils sont aussi conscients
qu’il n'y a pas non plus grand-chose ailleurs. En réalité, le
déséquilibre est en eux-mêmes et non pas dans leur environnement.
Peut-être qu'ils ont du mal à l’accepter et qu'ils n’arrivent
pas à gérer ce malaise, alors finalement, accuser l'entourage est
plus simple. En plus, ils le font bien et ils le savent. Maintenant,
leurs griefs sont des constructions complexes, réparties sur
plusieurs niveaux, dans lesquelles ils se promènent et à partir
desquelles ils attaquent cet ordre social qui les écœure. Il ne
s’agit pas de se plaindre seulement d’un embouteillage, de la
saleté ou d’un vol au coin d'une rue.
Version
Libre : Dans quel rôle vous vous sentez le plus à l’aise :
celui de journaliste ou celui d’écrivain ?
Andres
Felipe Solano : Le rôle d’écrivain l’emporte de plus
en plus mais juste quand je me dis qu’il faut arrêter le
journalisme (ou plutôt l’écriture non fictionnelle, car je ne me
suis jamais considéré comme un journaliste de pure souche), il y a
une histoire ou une proposition qui apparaît et qui me force à
faire demi-tour. Bien que, pour être honnête, je ne fais pas
vraiment de distinction. Simplement, quand je fais des chroniques ou
des portraits, je ne travaille pas avec du matériel inventé,
contrairement à ce que fait mon personnage Santos, qui, en fait, m'a
été inspiré par un journaliste que j’ai rencontré par le passé.
Disons que celle-ci est ma seule règle pour la non fiction :
n'inventer ni situation ni personnage. Pour le reste, tout est
permis.
Version
Libre : Dites-nous quels sont les bons et les mauvais côtés
d’avoir été distingué par la revue Granta comme l'un des
meilleurs jeunes auteurs d’Amérique Latine ?
Andres
Felipe Solano : Ça serait odieux de dire que la distinction
a quelque chose de mauvais en soi, mais elle n’a pas arrangé ma
vie non plus. Elle a servi à ce que certaines personnes, surtout en
dehors de la Colombie, s’intéressent à mon travail. Sans cela, il
m'aurait fallu beaucoup plus de temps pour les approcher.
Version
Libre : La littérature nous apprend des choses sur
nous-mêmes. Qu’avez-vous appris après la publication de deux
romans et de plusieurs récits ?
Andres
Felipe Solano : Pas grand-chose. C’est justement cela qui
me pousse à continuer à écrire.
Version
Libre : Contrairement à d’autres écrivains colombiens,
pour l’instant, vous n’avez pas utilisé le conflit armé ni la
violence comme axe central de vos romans. Est-ce que ce sont des
thèmes que vous aimeriez aborder un jour ou bien votre processus
créatif va-t-il dans un autre sens ?
Andres
Felipe Solano : Cela
m'intéresse beaucoup plus d'imbiber mes histoires de ce
climat violent, tendu, boueux et paranoïaque, que je connais du fait
d’être né en Colombie et d’y avoir grandi, plutôt que
d'utiliser directement la guerre comme matériel littéraire. Je
ressens beaucoup de pudeur à ce sujet. Je crois que tout ce qui
s’est passé est tellement horrible que faire de la littérature
avec c'est, d’une certaine façon, aller piller la douleur des
autres.
Version
Libre : En lisant Los Hermanos Cuervo, je me suis
souvenue du poème « Ville » (voir ci-après) du poète
grec Constantin Kavafy qui montre comment la ville de notre enfance
nous marque pour toujours. Comment Bogotá
a-t-elle influencé vos romans ? Est-ce que votre image de la
ville a changé depuis que vous habitez à l’étranger ?
Comment sont les retrouvailles avec elle quand vous rentrez ?
Andres
Felipe Solano : Bogotá ne me
laissera jamais partir, elle est assez maline et puissante. Parfois,
je la vois comme un soleil éteint autour
duquel je suis toujours en orbite.
-----------
La
Ville
de Constantin
Cavafy
Tu
dis : «J'irais vers d'autres pays, vers d'autres rivages. Je
finirais bien par trouver une autre ville, meilleure que celle-ci, où
chacune de mes tentatives est condamnée d'avance, où mon cœur est
enseveli comme un mort. Jusqu'à quand mon esprit restera-t-il dans
ce marasme ? Où que je me tourne, où que je regarde, je vois ici
les ruines de ma vie, cette vie que j'ai gâchée et gaspillée
pendant tant d'années.»
Tu
ne découvriras pas de nouveaux pays, tu ne découvriras pas de
nouveaux rivages. La ville te suivra. Tu traîneras dans les mêmes
quartiers, et tes cheveux blanchiront dans les mêmes maisons. Où
que tu ailles, tu débarqueras dans cette même ville. Il n'existe
pour toi ni bateau ni route qui puisse te conduire ailleurs. N'espère
rien. Tu as gâché ta vie dans le monde entier, tout comme tu l'as
gâchée dans ce petit coin de terre.
(Traduction
du grec de Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras, Editions
Gallimard/Poésie, 1994)
-----------
1 Granta est une revue littéraire mythique d'audience et de renommée internationales, créée en 1889 par des étudiants de Cambridge en Grande-Bretagne. Pour en savoir plus, rendez-vous sur leur site :http://www.granta.com/.
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